Depuis combien de temps étions-nous coincés dans cette fichue base ace ? Je consultais une fois de plus ma montre : plus de douze heures. Quasiment une journée que nous étions ici. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de s’enfuir pourtant – Tabatha s’était acharnée avec beaucoup de conviction contre les murs. Pourtant, malgré la force monstrueuse de la bête, ils n’avaient pas cédé. Et peu de temps après avoir envoyé le message à Malcolm, le réseau avait été très supprimé. Nous étions totalement bloqués, à la merci des aces. Ce que la reine knight avait du mal à assumer. Stanislas, pour sa part, s’était tranquillement assis, probablement réfléchissait il à un moyen pour nous faire sortir d’ici. Quoique, ce n’était pas sûr. Sa tête me faisait l’effet d’une autoroute très passante, aussi, peut-il s’était il intéressé à autre chose. Alexandre, lui, avait adopté la même position à la différence qu’il se rongeait vraiment les sangs. Moi ? Je faisais pareil. Nous ne savions même pas si Malcolm avait réussi à arriver à temps pour protéger les filles. De toute manière, sans la puissance que lui conférait sa reine, ses capacités étaient réduites. Même en admettant qu’il soit rentrer au Setaï avant les aces, nos ennemis disposaient de l’avantage du nombre et de la force. Les filles étaient peut-être déjà entre les mains de l’Ace Guild.
La fatigue était harassante, nous avions tous très peu somnoler durant la journée et la soif et la faim se faisaient nettement sentir, nous rendant au fur et à mesure de plus en plus nerveux (sauf Stanislas, " bien évidemment ").
- Tu es sûr que tu ne peux pas te transformer en pierre ? m’apostropha de nouveau Tabatha.
- Oui ! m’écriai-je, excédé.
Cela faisait une journée qu’elle me répétait la même chose, avec une dose d’énervement à chaque fois plus importante.
- Et que voudrais-tu que je fasse ?
- Je te balancerai dans le mur pour le défoncer.
- Tu as d’autres idées tordues comme celle-là ? !
- Tu vois un autre moyen ? grogna-t-elle.
Euh …
- Pourquoi ne peux-tu pas te transformer ? poursuivit-elle.
C’est qu’elle s’acharnait !
- Je dois avoir un contact avec la matière à copier avant de me transformer, lui expliquai-je. Et les murs de cette pièce m’empêchent de le faire.
La reine se désintéressa de moi et se mit à grommeler dans sa barbe. Ce qu’elle pouvait être chiante ! Comment ses cavaliers faisaient-ils pour la supporter au quotidien ? Ca aurait été moi, elle se serait prise des baffes depuis longtemps ! En même temps, elle me foutait trop les jetons pour le faire pour de vrai. Mais l’envie ne me manquait pas.
- Ah !
Je me tournais vers Stanislas. Pourquoi ce " ah " ? J’avais l’impression qu’il venait d’avoir une révélation.
- Tu as une idée intéressante ? m’enquis-je.
Il me jeta un regard interloqué.
- Pourquoi aurai-je une idée intéressante ?
- Je ne sais pas … Dans la mesure où nous sommes coincés chez nos ennemis et que tu semblais réfléchir intensément, je me suis dit que tu avais peut-être eu une idée pour sortir d’ici, persiflai-je.
- Dans ce cas, non, je ne réfléchissais pas au moyen de sortir de cette pièce, déclara-t-il, pas inquiet pour un sou.
- Affole-toi un peu alors ! m’énervai-je. A quoi sert ton Q.I. de 140 ? !
- Calme-toi, me conseilla-t-il. Je n’ai jamais dit que je n’avais pas réfléchi à comment sortir de là.
Je l’ignorais. Il m’énervait, quand il était comme ça.
- Plutôt au moyen de quitter la base, une fois qu’on serait parti de cette salle.
- Ta logique m’impressionne, génie, railla Alexandre. Maintenant que tu sais comment partir quand on sera sorti de la salle, tâche de songer à la manière dont on va la quitter.
Tabatha soupira, de manière exagérée. Néanmoins, sur ce coup-là, j’étais d’accord avec elle : Stanislas poussait la calme-attitude un peu trop loin.
- Je voulais dire par là que je sais déjà comment sortir de cette pièce.
De nouveau, nous prêtâmes de nouveau à lui.
- Q … Quoi ? balbutia le cavalier. Tu sais comment … partir ?
- Oui. Mais j’ai pensé qu’il serait bon d’avoir un plan pour la suite alors je n’ai rien dit. Et comme une barrière protège cette salle, j’ai dû attendre que son intensité faiblisse.
- Mais maintenant, tu le sais aussi ? insistai-je. Et la barrière a perdu de son efficacité ?
Il hocha la tête.
- Dans ce cas-là, on y va, ordonna Tabatha.
Le cavalier et moi nous relevâmes, alors que Stanislas se mit à gratter la semelle de sa chaussure.
- Que fais-tu ? s’étonna la reine.
- Je prends de la matière pour Killian. Pour que tu puisses ensuite le balancer, comme tu l’avais prévu.
Il se mit debout et se dirigea vers moi.
- Voilà une particule de goudron, me dit-il en me tendant une miette.
Bien sûr ! Tout ce qui se trouvaient sous nos pieds se retrouvaient collés à la semelle de nos chaussures. Je pris le reste de goudron et concentrai mon don dessus. Aussitôt, je sentis la vague de chaleur infiltrer chaque parcelle de mon corps tandis que mes cellules adoptaient une nouvelle texture.
- Fais quand même gaffe, priai-je la knight en me tournant vers elle.
Elle me sourit, complice.
- Compte sur moi.
- Prêt ? me questionna Tabatha.
Je ne m’étais jamais trouvé dans une situation plus ridicule que celle-là.
- Si j’avais un appareil photo …, murmura Stanislas. J’aurais pu immortaliser la scène pour la montrer à April …
- Je ne t’aurais pas laisser faire.
Il était certain qu’April aurait éclaté de rire : moi, par terre, avec Tabatha qui me tenait par les pieds ...
- Alors, prêt ? s’impatienta la reine.
- Oui, oui …
- Bon.
Elle commença à tourner sur elle-même, d’abord lentement, puis de plus en plus vite. Au bout de quelques secondes à peine, j’avais l’estomac dans les talons et envie de vomir.
" Elle va bientôt me lâcher, elle va bientôt me lâcher … "
Je n’eus pas le temps de me rendre compte qu’elle venait de le faire. J’entrais en collision avec le mur et le défonçais. Je percutais également quelques aces, postés derrière, ce qui fut, le mur. Je me relevais et jetais immédiatement un regard autour de moi. Deux ou trois aces étaient là, qui me fixaient, éberlués. Je me précipitais sur eux et les d’énuquais, avant qu’ils n’aient le temps de rameuter leurs amis.
Mes compagnons s’engouffrèrent dans la brèche que je venais de créer et remarquèrent les corps des aces – ceux que j’avais tués et ceux que j’avais emportés dans mon vol plané. Tabatha leva un sourcil.
- Six aces ? siffla-t-elle. La quatrième équipe knight et la neuvième équipe rook sont enfermés et l’Ace Guild met six gardes pour les surveiller ? C’est de la prétention !
- Tu aurais préféré être traitée en invité VIP ? Avec des dizaines et des dizaines d’aces sur le dos ? protestai-je.
- Ne commencez pas à vous disputer, nous coupa Alexandre. Il faut que l’on parte d’ici. Stanislas, puisque tu as un plan, explique-nous en quoi il consiste.
- Je pense, commença-t-il, qu’il vaudrait mieux que nous …
La reine nous dépassa tous, me bousculant au passage, et continua à avancer sans nous.
- Hé ! Qu’est-ce que tu fais ? ! m’écriai-je.
- Il est temps de montrer à l’Ace Guild de quel bois je me chauffe. Je vais lui faire regretter de m’avoir mis sous la surveillance de six gardes.
Son ego était tellement surdéveloppé qu’elle en était à s’irriter sur des sujets pareils !
- Tabatha ! la héla son cavalier. Nous allons suivre le plan de Sta …
Mon roi l’arrêta d’un signe de la main.
- Contentons-nous de la suivre, souffla-t-il. Si elle est vraiment fâchée, aucun ace ne fera le poids contre elle.
Force m’était de reconnaître qu’il avait raison.
Les premiers adversaires que nous rencontrâmes sur notre route ne virent pas la mort arriver, sauf si l’on peut considérer Tabatha comme sa personnification. Peut-être aperçurent-ils un court instant une paire d’yeux émeraude.
La seconde vague arriva plus nombreuse et plus armée mais il ne s’agissait pas de doués. L’Ace Guild envoyait des gens normaux en chair à canon en espérant occuper la reine knight un instant. Elle se trompait – ils furent exterminés en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Cela m’effraya autant que cela me fascina.
L’Ace Guild consentit à opposer de vrais adversaires, des doués, quand nous eûmes remonter le gigantesque escalier qui menait à la partie " tout public " de leur base. Tabatha se jeta sur eux, suivis par son cavalier puis par moi, Stanislas resta en arrière comme le voulait les règles habituelles. Ainsi, le travail fut vite fait.
Nous quittâmes la base ace par la porte d’entrée.
Il faisait déjà nuit dehors lorsque nous regagnâmes le Setaï.
" Malcolm a-t-il réussi à protéger les filles ? "
La question me taraudait, nous n’allions pas tarder à savoir.
Tabatha poussa un hurlement quand nous découvrîmes le corps étendu de son deuxième cavalier par terre.
- Malcolm ! !
Elle devint complètement hystérique et se précipita sur lui, le mit sur le dos. Elle inspira un grand coup quand elle constata qu’il était en vie. Je fis de même puis me rendis compte de l'absence des filles, de la baie vitrée en miettes. Reliant la chose à l'état de Malcolm, je compris que l'Ace Guild les avait bien récupérées. Je serrais les poings. Je m'en voulais.
Alexandre venait de récupérer la trousse de secours dans la salle de bain et passait des sels sous le nez de son partenaire, qui, peu à peu, revint à lui. Je n'avais jamais vu Tabatha aussi attentionnée.
- Grum ? gémit Malcolm en entrouvrant les yeux. … Les filles ?
- L'Ace Guild les a prises, lâcha Stanislas.
Je lui donnais un coup de coude – ce n'était pas le genre de trucs à dire à quelqu'un qui venait de se réveiller. Le cavalier se releva difficilement et s'assit sur le canapé de la suite, sa reine à ses côtés.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? lui demanda-t-elle d'une voix douce.
- J'ai rien pu faire …
- Peu importe, pour le moment. Je veux juste savoir ce qui est arrivé.
- Ben … Quand j'ai reçu ton message, je me suis aussitôt rendu à l'hôtel. Lilian et Jade venaient d'être mises à la porte par Morgan … elles disaient qu'une vague gigantesque arrivait sur l'hôtel … Je suis entré dans la suite et j'ai vu Morgan emportée par … quelque chose … à travers la baie vitrée … J'ai sauté et j'ai couru jusqu'à la mer … Morgan avait disparu sous l'eau … J'ai nagé dans sa direction … elle était retenue par une sorte de … ceinture … d'eau … et là …
Malcolm s'interrompit brusquement.
- Et là ? l'encouragea Tabatha.
- Et là … la ceinture a tiré un grand coup et Morgan a été emportée vers les profondeurs … Je ne pouvais pas la suivre … Alors je suis retourné à l’hôtel … J’ai appelé la Rook Guild pour qu’elle répare la baie vitrée …
- Pourquoi n’êtes-vous pas allés à la base ? l’interrogea Alexandre.
- C’est ce qu’on a fait … Mais le soir, nous sommes revenus … pour prendre des vêtements et … les trucs importants, comme les résultats du capteur de sons … Seulement, là … Morgan est revenue … complètement trempée … Je … J’étais tellement soulagé que je ne me suis pas douté que …
Je vis immédiatement où il voulait en venir.
- Que l’Ace Guild l’avait envoyé pour trahir ? concluai-je sa phrase.
Il acquiesça d’un mouvement de tête.
- Un ace est passé par la fenêtre … il m’a balancé un truc et … je me suis écroulé. Je ne sais pas comment les choses se sont déroulées après.
Un silence de mort s’installa. Sans avoir été spectateur de la scène, tout le monde savait parfaitement ce qui s’était passé : peu importe la manière, l’Ace Guild avait désormais les Trois Immortelles avec elle.
Nous avions échoué dans notre mission.
Nous nous retrouvâmes tous les cinq devant le bureau d’accueil de notre base à Miami. La réceptionniste reconnut Malcolm, qu’elle avait vu plus tôt dans la journée.
- Les miss Stevens, Takano et Jones ne sont pas avec vous ? remarqua-t-elle.
Nos têtes d’enterrement lui firent immédiatement comprendre.
- Je vous mets en relation avec Miss Traoré, enchaîna-t-elle.
- Je croyais que c’était Miss Nguyen qui suivait notre séjour à Miami ? s’étonna Stanislas.
- C’est exact, confirma la réceptionniste après un rapide coup d’œil à son ordinateur. Mais Miss Traoré est arrivée il y a à peine une heure, apparemment elle prend la suite de Miss Nguyen.
- Il faut absolument que nous lui parlions, c’est un cas d’extrême urgence, lui expliqua mon roi.
- Je vais vous conduire à son bureau. Stacy, prends ma place ! souffla-t-elle ensuite à l’intention d’une de ses collègues.
Nous nous retrouvâmes quelques minutes après dans une petite salle de réunion, prévue pour ne pas accueillir plus de dix personnes à la fois, installés autour d’une grande table blanche. Miss Traoré (de son petit nom Nuaha) arriva deux ou trois minutes après nous, passablement inquiète.
- Où sont les filles ? dit-elle en guise de bienvenue tout en s’asseyant.
- Chez les aces, lui répondit du tac au tac Stanislas tandis que Nuaha se relevait pour serrer finalement la main des knights (hormis Tabatha qui lui lança un regard mauvais).
- Que s’est-il passé ?
Elle avisa la grosse bosse de Malcolm, celle qu’il s’était faite au front en s’écroulant par terre.
- Nous nous sommes retrouvés piégés à l’intérieur de la base ace, enchaîna la reine knight, sauf Malcolm (elle le désigna d’un signe de la main), qui est immédiatement revenu à l’hôtel. Malheureusement, il n’a pas été capable de repousser l’ace venu prendre les filles.
- Et où sont-elles maintenant ?
Il y eut un gros blanc.
- Nous ne savons pas, avouai-je.
Nuaha prit sa tête dans ses mains.
- Elles devraient être dans la base ace, supposa Alexandre.
- Non, objecta Tabatha. Si cela avait été le cas, nous n’aurions pas eu autant de facilité pour sortir. L’Ace Guild aurait renforcé la sécurité.
- C’est vrai qu’il n’y avait pas grand monde …, réalisai-je.
- Les aces étaient beaucoup plus nombreux au cours de notre période d’observation, nota Malcolm. Si ce genre de situation était arrivé alors, il nous aurait été impossible de sortir comme nous l’avons fait.
- Aucun mouvement de population n’a été remarqué ? demanda Stanislas à l’intention de la Deuxième Conseillère.
- Pourquoi cette question ? l’interrogea Nuaha en retirant ses mains.
- Peut-être parce que …
Il fronça les sourcils : il réfléchissait.
- Avant que nous ne partions pour Miami, j’avais lu le dossier que Mai Lan m’avait donné à propos de la base ace. Il était plutôt maigre mais il était spécifié que l’Ace Guild avait envoyé des prisonniers à Miami, par conséquent à la base, bien qu’il n’y ait pas de preuves concrètes. Cependant, au cours de notre visite de l’immeuble, je n’ai rien vu qui s’apparente à des prisons. Je ne sais pas si Tabatha …
- Non, le coupa la monstresse. Nous n’avons rien vu de ce genre. Quoique … Avec Alexandre, nous avons trouvé une salle très étrange. C’était une salle très haute de plafond, en béton, dans laquelle était alignée des caissons contenant des personnes, reliées à une machine … A priori, ces personnes semblaient endormies mais … nous ne savons pas ce que c’est.
- Pensez-vous que cela soit un système pour conserver les prisonniers … calmes ? voulut savoir Nuaha.
- Non, trancha Tabatha. Mais une fois cette crise résolue, il faudra se pencher sur le sujet.
Nuaha opina avant de faire signe à Stanislas de reprendre le fil de son raisonnement.
- Tabatha vient de me confirmer que la base ace n’a pas de quoi accueillir des prisonniers. Ce qui ne laisse que deux choix : soit les prisonniers sont éliminés, ce qui explique cette absence de prison, soit … soit les aces ont une autre base.
Tout le monde se statufia.
- Une autre … base ace ? balbutia Nuaha.
- Oui. Et si c’est bien le cas, c’est là que les filles sont retenues.
Effectivement, son développement se tenait, mais …
- Où est-elle dans ce cas, cette foutue base ?
Chacun de nous était pendu aux lèvres de Stanislas, espérant en voir sortir la solution à notre problème (oui, parce qu’une fois qu’on savait quoi défoncer, il suffisait de rentrer dans le tas et de récupérer les filles).
- Je ne sais pas, reconnut-il à contre cœur.
Je me mis à la recherche d’un détail porteur d’un début de réponse. N’importe quoi …
- Dans l’eau …, murmura Alexandre.
- Hein ?
L’onomatopée avait fusé.
- Pardon ?
Nuaha était plus polie que moi.
- Tout à l’heure … Malcolm a dit que Morgan avait été emmenée sous l’eau, s’expliqua le cavalier. Alors peut-être que …
Il laissa sa phrase en suspens.
- … que si l’on retrouvait par image satellite la trace de chaleur de l’ace qui l’a emportée et qu’on la suivait, on saurait où se trouve la base ace.
- On peut faire ça d’ici ? s’enquit immédiatement Stanislas auprès de Nuaha.
Cette dernière était encore tellement étonnée qu’elle se contenta d’acquiescer d’un signe de tête. J’étais cependant encore plus étonné par l’éclair d’intelligence d’Alexandre.
- Je zoome …
Le regard braqué sur l’écran géant, nous vîmes petit à petit la carte se centrer sur le Setaï.
- Je mets en place le relevé de sources de chaleur, nous informa l’informaticien. Il me faut un intervalle de temps, par contre.
Ce fut Stanislas qui le lui indiqua. Je me retournais une énième fois en direction de Tabatha, postée au fin fond de la pièce informatique, prêt de la porte. Depuis qu’elle avait mis les pieds dans notre base, elle paraissait mal et sous tension. Elle me faisait penser à un vautour à la manière dont elle dévisageait chaque personne qu’elle croisait.
- Voilà.
Une trace apparut sur l’écran, avec un dégradé de couleur, indiquant que l’ace qui avait emporté Morgan s’était de plus en plus enfoncé sous les profondeurs. L’informaticien déplaça la carte, de sorte à suivre la trace. Elle finit par s’interrompre.
- S’il y a bien une base ace sous l’eau, elle sera là, nous indiqua le professionnel.
- En route ! m’écriai-je. Il n’y a pas un instant à perdre ! Il …
- Un instant, m’arrêta Nuaha. Vous ne pouvez pas partir sans plan et encore moins tous autant que vous êtes.
Chaque ado de la salle se regarda. Lesquels d’entre nous ne seraient pas conviés à la fête ?
- Tabatha et ses cavaliers iront récupérer les filles dans la deuxième base ace, finit par capituler Stanislas, rompant ainsi le silence.
- Stanislas ! m’étranglai-je. Les spécialistes de l’infiltration, c’est nous !
- De l’infiltration, peut-être. Mais je doute que le sauvetage se fasse sans … dommages collatéraux. Et dans ce domaine, l’équipe knight nous est supérieure.
De nouveau, le silence, gêné cette fois.
- Eh bien …, souffla Nuaha. Si l’équipe knight accepte …
- Bien entendu, la coupa Tabatha. Le temps de mettre un plan sur pied et nous partons.
Alexandre et Malcolm conclurent les paroles de leur reine par un hochement de tête. Enfin, peu importe ce qu’elle aurait décidé, ils l’auraient suivie de toute façon, en bon saint Bernard qu’ils étaient.
- Et nous, alors ? m’enquéris-je auprès de mon roi. On ne va quand même pas rester ici à se tourner les pouces !
Stanislas pouffa.
- Bien sûr que non. Nous aussi nous avons quelque chose à vérifier.
- Quoi ?
Miss Traoré fronça les sourcils. Elle ne devait pas apprécier que Stanislas fasse des plans dans son dos.
- Le Piège de la première base ace … Il faut comprendre ce que c’est.
- Stanislas ! soupirai-je. Tu ne crois pas qu’on a des choses plus importantes à faire que …
- Il est essentiel de savoir de quoi il s’agit.
- Pourquoi ? grognai-je.
- Tabatha m’a dit qu’Alexandre l’avait identifié comme un sceau d’espace mais qu’il ne servait pas à la téléportation.
- A quoi sert-il, si ce n’est pour la téléportation ? s’étonna Nuaha. C’est pourtant le seul intérêt de ce genre de sceau.
- Non, objecta Stanislas. Les sceaux d’espace peuvent servir pour autre chose … et si c’est ce à quoi je pense, il serait bon pour nous de le savoir. C’est un Piège, après tout.
- Bon, bon … Ne perdez pas de temps à vous disputez, conclut la Deuxième Conseillère. Chaque seconde nous est comptée.
- Très sympathique cette combinaison moulante, Tabatha …, susurra Stanislas. Elle te sied à merveille.
Il fut aussitôt fusillé par cinq paires d’yeux, à savoir l’intéressée, Alexandre et Malcolm, Nuaha et moi.
- Tss …
Le bougre paraissait tout de même content de lui. Tabatha n’eut cependant pas l’occasion de lui faire ravaler ses paroles car un van l’attendait avec ses cavaliers pour les déposer au bord de mer avec le matériel de plongée. Un autre nous attendait pour nous emmener à proximité de la première base ace, où nous devions percé le mystère du Piège.
- Ils ont renforcé la sécurité, non ? notai-je en voyant le nombre de vigiles postés devant les différentes entrées.
- Ce n’est qu’une façade. A mon avis, il n’y a quasiment plus personne à l’intérieur.
- Parce qu’ils sont déplacés vers la deuxième base ?
- Je pense. Maintenant que les Trois Immortelles sont là-bas, l’Ace Guild concentre toutes ses forces dessus. Ce qui est logique.
- Et avantageux pour nous.
Moins pour les knights, du coup.
Le vigile que nous guettions depuis le début tourna enfin la tête pour prendre des nouvelles de son collègue, un peu plus loin. Nous en profitâmes pour nous glisser, l’un derrière l’autre, dans un coin d’ombre. Nous longeâmes les murs jusqu’à arriver à l’endroit désiré, à savoir le lieu de sortie des poubelles. Nous avisâmes la caméra qui surveillait le lieu (c’est que, mine de rien, les aces étaient malins) et attendîmes que nos camarades rooks, postés derrière leur ordinateur, aient fini leur magouille informatique. En effet, quelques minutes plus tard, la caméra s’abaissa, éteinte. Nous n’avions que quelques secondes pour nous introduire dans la base pour faire simplement croire à un défaut de la part de la machine et pas à une infiltration.
- Où penses-tu que se trouve le Piège ? demandai-je à Stanislas.
Si nous avions pu dresser un plan pour s’introduire de nouveau dans la base, nous n’avions pas pu faire de plan précis pour quand nous serions dans la place, faute de temps.
- D’abord, il ne peut pas être dans l’étage inférieur où nous étions enfermés.
J’acquiesçai d’un signe de tête.
- Et nous n’avons rien vu en grimpant dans les étages, poursuivis-je.
- Ce qui ne veut dire qu’une chose, mon cher Watson.
Je tiquais devant l’allusion au célèbre docteur mais me ressaisis vite :
- Laquelle ?
- Le Piège est sur le toit.
- Tu … tu en es sûr ?
- On n’est jamais sûr de rien. Mais cela me paraît probable, au vue des indices dont nous disposons. C’est également le lieu le plus réceptif pour les ondes d’énergie qu’on lui envoie.
- Jusqu’au toit, hein … Va falloir se taper toute la montée …
- Tu me suis ?
- C’est plutôt à moi de dire ça, femmelette.
Comme Stanislas l’avait supposé un peu plus tôt, la base ace était quasiment vide. Les vigiles, à l’extérieur, devaient représenter les trois quarts des âmes douées d’intelligence dans le secteur. Notre ascension se fit donc sans difficulté.
- Encore combien d’étages ? m’enquis-je.
- Encore un. Après, il faudra trouver la trappe pour accéder au toit.
Bon.
J’ouvris la trappe sans problème et me hissais sur le toit à la force de mes bras puis tendis ma main à Stanislas pour l’aider à faire de même, bien que cette grande perche aurait pu se débrouiller seule.
- Waouh …
J’avais déjà vu des dizaines de sceaux de taille imposante mais aucun encore de ce calibre-là ! Il avait nécessité toute la surface du toit pour être tracé !
- Il n’y a pas de temps à perdre, mettons-nous au travail, m’exhorta Stanislas.
Nous nous mîmes aussitôt à tâcher de décoder l’utilité du Piège. Je repérais du premier coup d’œil l’inscription indiquant qu’il s’agissait d’un sceau d’espace, comme Alexandre avant moi. Par contre, les autres … Elles n’étaient pas banales. Je comprenais que ni Tabatha ni son cavalier n’aient réussi, sans aide. Heureusement, Nuaha nous avait prêté un bouquin permettant de pratiquer l’analyse de sceaux. Dans le cas contraire, nous aurions été tout aussi impuissants que nos camarades. Mon roi me passa un exemplaire de cette aide miraculeuse et je me lançais.
Je compris rapidement qu’il s’agissait de sceaux composés et déchiffrais l’un d’eux : celui qui lui permettait de recevoir les ondes. Il y en avait plusieurs, disposés au bord du cercle le plus éloigné du centre du Piège. Je fis part de ma découverte à Stanislas et continuais.
" Mais à quoi il peut bien servir, ce truc ? "
J’étais complètement largué. Les sceaux qui devaient constitués l’essentiel du Piège m’étaient impossible à comprendre. Je comptais sur Stanislas et sur ses bouts de neurone pour trouver la solution. Seulement, il ne paraissait pas beaucoup plus avancé que moi.
Accroupi, il étudiait depuis plusieurs minutes le sceau du centre, passant et repassant son doigt sur les marques. Il allait finir par les effacer !
- Pourquoi l’Ace Guild nous a-t-elle envoyé si peu de doués …, l’entendis-je murmurer.
Parlait-il de notre évasion ? On nous avait envoyé des doués au dernier moment et encore, pas les meilleurs. Les vigiles actuels n’étaient pas dotés de don non plus.
- Les aurait-elle évacués …
Gna, gna, gna … Ses bribes de phrases m’énervaient ! Il ne pouvait pas tout simplement les dire à haute et intelligible voix, que je sois en mesure de l’aider dans son raisonnement ? Parce que, des fois, les grands esprits cherchent tellement compliqués qu’ils ne voient pas ce qu’il y a sous leur nez !
- A l’envers ?
- Qu’est-ce que tu marmonnes encore ? m’énervai-je.
- Le sceau est inscrit à l’envers !
- Comment ?
Je décidais de vérifier sa théorie et pris un sceau au pif. Cette fois néanmoins, je le décortiquais à l’envers. Le résultat fut surprenant ! Je trouvais tout de suite à quoi il servait.
- Stanislas ! Ca marche !
Je me remis à la traduction des sceaux, les plus simples, laissant les plus ardus à mon partenaire. Au bout du compte, chaque sceau du Piège fut compris. Encore fallait il maintenant les assembler bout à bout pour comprendre à quoi le Piège servait, ce qui n’était pas la partie la plus simple du processus.
Mon roi énuméra chaque sceau et, de tête, tâcha de comprendre. Je décidais pour ma part de prendre une feuille pour les noter – je n’étais pas assez compétent en la matière pour le faire comme Stanislas.
Cependant, après quelques minutes de cogitation à peine, je m’inquiétais.
- Le Piège annule quelque chose ? vérifiai-je auprès de mon collaborateur en espérant m’être trompé.
Il me le confirma.
" Et merde ! Ca ne sent pas bon du tout … "
- Ah …
Je relevais la tête de mon papier et fus stupéfié devant l’air terrifié de Stanislas.
- Qu … quoi " ah " ?
Je le sentais mal. Je le sentais mal. Stanislas ne s’inquiétait jamais de rien. Et là, il avait peur ? Je le sentais mal.
- Le Piège …, balbutia-t-il.
- Quoi le Piège ?
Mon ton était plus cassant que je ne le voulais.
- Il …
- Quoi ? insistai-je, de plus en plus inquiet.
Stanislas cessa de regarder dans le vide pour me fixer droit dans les yeux.
- Le Piège, il …
J’étais franchement paniqué maintenant !
- … Il … va annuler les dons dans tout Miami …
- Tu plaisantes ? ! m’écriai-je, ne me souciant même pas de nous faire repérer.
- Leur deuxième base a dû être construite pour y résister … c’est pour ça que l’Ace Guild a envoyé tout le monde là-bas …
- Minute. Tu veux dire que … la Knight Guild et … la Rook Guild … vont être …
- Privées de pouvoirs, dans toute la ville, me coupa Stanislas.
- Il est en panne le Piège, alors … Tabatha et moi, on a encore utilisé nos dons ce matin, lui rappelai-je.
Stanislas secoua la tête.
- C’est un Piège à retardement. L’Ace Guild doit venir de l’activer, maintenant qu’elle a avec elle les Trois Immortelles …
- Dans combien de temps va-t-il se mettre en marche ?
Je ne devais pas me relâcher. Je devais me reprendre.
Je me relevais et pris mon portable avant de composer le numéro de Nuaha.
- Dans combien de temps ? répétai-je alors que les premiers " bip " de communication commençaient.
- Je … Environ une heure, lâcha mon roi.
- Allô ?
Je sursautais en entendant la voix de Miss Traoré.
- Killian ? Que se passe-t-il ?
- Nous venons de découvrir le but du Piège. Il va complètement bloquer l’utilisation des dons dans environ une heure.
- QUOI ? ! Mais … c’est ridicule ! L’Ace Guild va se retrouver démunie, elle aussi …
- Non, elle a déplacé toutes ses forces dans la seconde base où sont …
Mes yeux s’écarquillèrent de stupeur.
- Merde …, lâchai-je.
- Quoi ? couina Nuaha. Que se passe-t-il ?
- Les knights sont déjà dans la base ? demandai-je.
- Oui … Pourquoi ?
- Si … s’ils se font prendre, personne ne pourra leur prêter main forte. Et s’ils sortent … ils n’auront aucun moyen de se défendre.
Tadam !! Voilà le chapitre 31 !! J'espère qu'il vous plaira !
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