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21 février 2010 7 21 /02 /février /2010 13:09

Et oui ! Le chapitre suivant sera celui du "prom" ! Cela fait un moment que je me préoccupe de ce chapitre (quelles robes porteront les filles ? Quelles seront les chansons ? etc, etc ...) mais, ce qui m'a le plus préoccupé, c'est sans aucun doute le point de vue de l'histoire. Qui méritait le plus d'être la narratrice (voir le narrateur !) de ce chapitre ? Lilian ? Morgan ? Jade ? Pourquoi pas Tabatha ? Ou encore Alexandre ? Après maintes réflexions, je me suis décidée pour un type de chapitre bien particulier : plusieurs personnages raconteront leur vision du bal ! En tout, il y en aura quatre. J'ai bien avancé la rédaction du chapitre et, à l'instant où je tape cet article, je viens de commencer le point de vue du troisième personnage. Mais voilà que je me pose une question, ou plutôt que je vous pose une question, à vous chers et biens aimés lecteurs. Voulez-vous que je poste le chapitre en une fois (les différents points de vue s'enchaîneront, vous les aurez en une fois) ou préférez-vous que je les poste un par un (cela vous permettrait d'avoir rapidement les deux premiers points de vue) ?
En aucun cas, l'une ou l'autre de ses solutions ne m'arrangent ou ne m'embêtent plus qu'une autre. C'est vraiment selon vos envies !
Clo#

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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 22:16
chapitre 21 - ascenseur QG Knight Guild

   Quand je sortis de ma voiture, je constatais que l’on me tenait toujours rigueur de mes frasques de la semaine passée. J’étais seule. Des têtes se tournèrent néanmoins vers moi. Hé ! Je restais tout de même Morgan Jones !

   J’avançais le sourire aux lèvres, sans hésitation, d’un pas décidé sous les murmures de mes congénères. Être libre était tellement agréable ! Je n’éprouvais absolument aucun regret. Adieu mensonge et superficialité !

   Enfin … j’eus toutefois un pincement de cœur lorsque je croisais Lola Beck, sœur de Alana Beck – autre fille populaire. Tout le lycée devait savoir que c’était l’une de mes plus ferventes " disciples " et admiratrices, au grand dam d’Alana. Elle était rentrée cette année au lycée et m’avait suivi partout jusqu’à la semaine dernière.

   Dès qu’elle me vit, ses traits fins se crispèrent et elle s’arrêta. Je devinais qu’elle était blessée dans son amour propre. Je ne savais pas comment réagir. Devais-je faire comme s’il ne s’était rien passé ? Ou l’ignorer ?
-    Morgan …, dit-elle en serrant les poings, tu n’es qu’une sale traîtresse !
   Je m’étais attendue à ce qu’elle me dise ça, aussi, je ne fus pas plus choquée que ça.
-    Tu … tu as tourné le dos à tous tes amis ! Comme ça ! Sans aucune explication !
-    Ce n’était pas mes "amis", Lola.
-    Ah oui ? Quoi alors ? Ah mais oui, bien sûr. Tes faire-valoir !
-   Ce n’est pas ça ! objectai-je. Si j’avais dit "non" à Alexia quand elle m’a demandé de rejoindre les cheerleaders l’année dernière, tu me snoberais comme les autres !
   Lola eut l’air surprise, voir un peu indignée.
-    Tu … tu ne voulais pas … rejoindre l’équipe ?
-    Non. Je n’ai jamais voulu de toute cette popularité ridicule. 
   Elle baissa les yeux et serra les dents.
-    Et … pourquoi maintenant ? Ca n’avait pas l’air de te déplaire d’être le centre de toutes les attentions. Alors pourquoi ? Pourquoi avoir décidé d’arrêter ?
   Les larmes perlaient au coin de ses yeux. Voir son mentor dénigré tous ses efforts pour être aussi célèbre que lui et sa sœur lui était particulièrement pénible.
-    Et bien …
   Je n’avais encore jamais exprimé à voix haute mes motivations.
-    Il .. il y a un garçon qui me plaît … beaucoup, bredouillai-je. Mais … si je veux qu’il me remarque … je ne veux pas que ce soit sous les traits de la "Morgan Jones" que j’étais il y a encore une semaine. Je veux qu’il voie comment je suis … pour de vrai. 
    Lola était devenue toute blanche.
-    Tu as décidé de … de faire ce que tu as fait … pour un … garçon ?
-    Pas seulement. Cela faisait déjà un moment que je voulais arrêter tout "ça". Ce n’était qu’une question de temps avant que je craque. J’ai jugé que c’était une bonne occasion.
    Je lui adressais un petit sourire gêné. Elle pleurait maintenant. Je lui caressais l’épaule dans une tentative de réconfort.
-    Si .. tu as vraiment envie d’être populaire … continue tes efforts, l’encourageai-je. Mais j’aimerai que tu saches que … ce n’est pas … à mon sens … la meilleure chose à laquelle il faut aspirer,. J’espère qu’un jour, tu feras la rencontre d’une chose ou de quelqu’un qui te le fera comprendre.
   Je ne savais pas si elle m’écoutait.
-    Lola …
-    Ne me touche pas !
   Elle dégagea ma main de son épaule. Je vis qu’elle pleurait pour de bon.
-   Je te faisais confiance ! s’exclama-t-elle. Tu étais mon modèle ! Je voulais être comme toi ! Mais maintenant, si tu savais comme je regrette !
   Je ne sus pas quoi lui répondre.
-    Je voudrais ne jamais t’avoir connu ! conclut-elle.

     Et elle s’éloigna en courant.

" Lola … "

   J’espérais, qu’un jour, nous aurions l’occasion de nous reparler, quand sa rancœur se serait atténuée. Si cela ne devait pas arriver, je lui souhaitais simplement d’être heureuse. Je le pensais vraiment. Si cela revêtait une connotation de dernière volonté, c’était parce que je savais que cette discussion avec elle marquait ma définitive exclusion du cercle duquel j’avais toujours fait parti au lycée.

   J’espérais juste que je n’aurais pas à regretter ma décision.


  
   L’instant fatidique arriva. Le moment d’aller au self. La question était : " Avec qui manger ? ". Les autres filles de ma classe n’osaient pas me parler malgré mes efforts pour me rapprocher d’elles. J’osais espérer que j’allais retrouver Lilian ou Jade. Ou mieux encore, Malcolm.

" Je veux que vous me promettiez de ne jamais éprouver le moindre sentiment amoureux pour eux. Jamais. "

   Je sais. Mais qui parlait d’amour ? Je pouvais tout de même être amie avec lui ! … Non ? J’avais l’impression d’être remontée dans l’estime de Tabatha suite à ma rébellion et je priais pour qu’elle me laisse manger avec eux aujourd’hui encore. Je finis par l’apercevoir, elle déposait des bouquins dans son casier.

   Je me précipitai vers elle. La reine se retourna, aussi glaciale qu’à l’ordinaire.
-    Salut. Je peux manger avec toi à midi ?

   J’avais prononcé le tout à toute vitesse pour ne pas bafouiller. Elle soupira.
-    Pourquoi ?
-    Euh … et bien …
-    Jade est un peu plus loin dans cette allée, à son casier. Si tu veux quelqu’un pour manger avec toi, demande-lui.
-    … Euh … d’accord. Merci, ajoutai-je.  

   Elle grommela des paroles inintelligibles puis claqua la porte de son casier et s’éloigna. Je cherchais Jade du regard et la vis, elle semblait chercher quelque chose dans son casier et se trouvait avec une autre fille avec que je la voyais souvent. Cette même fille écarquilla d’ailleurs les yeux quand elle comprit que c’était bien elles que je me dirigeais.
-    Jade, lui souffla-t-elle. Morgan Jones s’approche de nous. Jaaade.  

   Cette dernière leva la tête de son casier et parut surprise de me voir.
-    Salut, commençai-je.
-    Sa … salut.
-    Ca vous dérange si je mange avec vous ? lui demandai-je. 
-    Non, pas du tout. Je … te présente Karen, me dit-elle tout en désignant la fille à côté d’elle.
-    Enchanté Karen.
-    Ah … euh, oui, moi de même.  

   Elle me tendit la main, réaction un peu maladroite mais à laquelle je réagis de manière spontanée en la lui serrant et riant.

   Rapidement, Karen perdit sa réserve et me parla comme si nous étions des amies de longue date. Elle bavardait à la place de Jade et j’avais moi-même de la peine à placer trois mots. Mais j’étais ravie d’être enfin considérée comme une personne ordinaire.

" Tu ferais mieux de déguerpir. "

   Je tressaillis à l’entente des voix, je n’en avais plus l’habitude. Elles m’indiquaient toutefois que l’un, au moins, des cavaliers se trouvaient à proximité. Je jetai de discrets coups d’œil autour de moi, espérant qu’il s’agisse de Malcolm mais j’eus beau me retourner, je ne le vis pas plus qu’Alexandre. Elles eurent également l’avantage de me faire penser aux pilules que je devais prendre à chaque repas.
-    Qu’est-ce que c’est ? s’enquit Karen quand elle les vit.
-     Des pilules contre le mal de gorge, mentis-je.  

   Pas question de lui dire qu’un médecin knight m’avait prescrit des médocs pour m’éviter d’attenter à la vie de chaque knight que je croisais.

   Voir l’avenir ! Et puis quoi encore ! Le simple fait d’y repenser m’énervait. Il devait bien y avoir une autre raison qui expliquait les voix dans ma tête. Après tout, si j’étais vraiment douée, mon don aurait dû fonctionner depuis ma plus tendre enfance, ce qui n’était pas le cas. Oh, bien sûr, il y avait les drôles de rêve avec la belle jeune femme – dont je n’arrivais pas à parler – et cet étrange cauchemar avec Marilyn Monroe mais … voir l’avenir ? Être une rook ? Merci bien mais non. Très peu pour moi. O.K. les pilules de Maximilien marchait, je n’avais plus la moindre voix à l’encontre de Tabatha et c’est à peine si elles me conseillaient de ne m’approcher de ses cavaliers. Mais je n’étais pas une douée. J’étais normale. Une fille normale cernée d’êtres tout sauf normaux. Bien que certains d’entre eux ne soient pas déplaisants, voir même carrément mignons.
-    Et toi Morgan ? Qu’est-ce que tu as prévu pour le bal de promo ?  

Je sursautai, surprise par l’intervention de Karen. Plongée dans mes pensées, je ne suivais plus la conversation.
-    Rien encore, avouai-je en souriant. Et toi ?
-    Moi je vais peut-être y allé avec Alexandre Evans !  

   Elle l’avait dit à voix basse, pour ne pas être entendue dans tout le self. Moi, j’avais les yeux grands ouverts.
-    Quoi ? … Tu lui as demandé ?
-    Oui mais … il n’est pas encore certain de s’y rendre alors il ne m’a pas encore donné une réponse définitive.
-    Et qu’est-ce qu’en dit Tabatha ?  

   Cette fois, ce fut au tour de Karen d’être surprise par ma question. Je réalisais que, n’étant pas aussi proche de la reine – non pas que je le sois énormément moi non plus au final –, elle ne devait pas avoir eu l’occasion de constater son attachement particulier à Alexandre et Malcolm.
-    Ben … rien, pourquoi ?
-    Pour rien. Oublie. En tout cas, tu as du courage d’avoir osé lui demander.
-    N’est-ce pas ? insista-t-elle, plutôt fière.  

   Que Jade lève les yeux au ciel ne m’échappa pas.


-    Merci de me prendre, me remercia Lilian en montant dans ma voiture.
-    De rien, je devais passer prendre Jade aussi alors une de plus ou de moins …, plaisantai-je.  

   Elle boucla sa ceinture de sécurité puis resta silencieuse pendant quelques dizaines de secondes avant de reprendre :
-    Je me demande quand même qu’est-ce que nous allons bien faire qui nécessite tout un après-midi.  

   Ah ça … Les cernes sous mes yeux n’étaient pas là pour rien. J’avais tellement angoissé depuis le message de Tabatha le mercredi – " Réservez-moi votre après-midi. RDV chez moi " - que je n’en avais pas dormi. Je ne comptais plus tous les cauchemars qui avaient découlé de cet SMS, j’en enchaînais parfois plusieurs par nuit. Je m’étais inquiétée de savoir si eux aussi allaient se réaliser mais j’avais rapidement compris que non, pour deux raisons. La première c’est qu’aucun n’avait été aussi réaliste que celui avec Marilyn Monroe, les sensations étaient les mêmes que celles d’un rêve normal. La seconde, aucun n’était plausible. Je doutais que Tabatha nous enchaîne réellement dans sa cave et encore moins qu’elle nous emmène en concert. En y repensant, je trouvais que mes rêves pouvaient vraiment se révéler étrange.

    Terreur des Ténèbres semblait nous attendre, postée devant la maison tel un chien de garde. Lilian et Jade rirent beaucoup quand je leur révélais son nom, bien qu’elles dussent avouer que, bizarrement, il lui allait bien.

Je frappais à la porte et, aussitôt, on m’autorisa à entrer. Je fus surprise de constater que le salon de Tabatha avait repris son aspect d’antan, sans morceaux de canapé éparpillés aux quatre coins. La propriétaire des lieux n’étaient pas là mais Malcolm et Alexandre, oui. Le punk se précipita aussitôt sur Jade qui tenta de sortir de la maison. Malheureusement, le blond fut plus rapide qu’elle.
-    Bonjour Malcolm.  

   C’était une salutation parfaitement normale pourtant je m’empourprais.
-    Salut.  

   Je n’avais pas pu m’empêcher de soigner ma tenue, soupçonnant que Malcolm serait présent cet après-midi et, dans le miroir, je m’étais trouvée plutôt attirante. Et jusqu’à ce que Tabatha arrive, je continuais à le penser. Oui, parce qu’à partir du moment où la reine était descendue au rez-de-chaussée, je m’étais sentie ridicule. Tellement gamine. Avait-elle vraiment seize ans ?

   Elle avait revêtu un bustier noir et un pantalon serré de la même couleur qu’elle avait rentré dans une paire de bottes sombres et brillantes. Autour de son cou, elle avait, évidemment, son habituel collier avec la clochette. Sa tenue mettait en évidence ses membres longs, graciles et joliment musclés, sa peau sans imperfection. Sa plastique irréprochable. Tabatha Taylor était splendide. J’étais passable.

   Elle ne prit pas la peine de nous saluer, se contenta d’attraper les clefs de voiture qu’elle avait posé sur sa table basse.
-   Levez-vous, bande de limaces, ordonna-t-elle aux garçons, à ce train-là on va finir par être en retard.
-   C’est toi qui dit ça ? persifla Alexandre, qui était toujours pendu au cou de Jade. C’est toi qui a voulu changer de tenue ! Tu veux plaire à Stanislas ou quoi ?  

   La reine se raidit. Elle se tourna vers son cavalier et lui lança un regard plus que mauvais.
-    Redis ça encore une fois, le menaça-t-elle, et je te tue.  

   J’avais beau savoir qu’elle tenait à Alexandre et Malcolm, je la crus capable de mettre ses menaces à exécution.
-    Malcolm et Alexandre, je vais poser les filles à la gare. Vous vous occupez de réceptionner les … rooks. Je vous rejoindrai ensuite à l’endroit dont nous avons convenu tout à l’heure.
-    Tu vas les laisser seules à la gare ? s’étonna Malcolm.
-    Ann s’occupera d’elles.  

   Hé ho. Qu’est-ce que c’était que cette histoire de gare ? Je n’étais prête à partir nulle part qui nécessitait que j’emprunte le train. Tabatha ne me laissa pas l’occasion de protester néanmoins, les cavaliers se levèrent et nous sortîmes tous de la maison. Nous retournâmes à Denver grâce à la porte et descendîmes au sous-sol de l’immeuble qu’était censée occuper la reine. Nous y attendaient un beau 4x4 flambant neuf et une autre belle voiture, de toute évidence conçue pour atteindre des vitesses vertigineuses.

    Tabatha se dirigea vers la Maserati – c’était tout du moins l’enseigne de cette marque qui était représentée sur le véhicule – tandis que les garçons montaient dans le 4x4.
-    Fais gaffe Tabatha. Tu as des passagers ! se moqua Alexandre. Méfiez-vous les filles, c’est une vraie folle avec un volant entre les mains !  

   L’intéressée ignora la remarque et se contenta de nous demander :
-    Entre vous trois, lesquelles sont les deux plus petites ?  

   Je compris pourquoi elle posait la question. Les voitures de luxe n’étaient pas réputées pour l’espace qu’offraient leurs places arrières. Autant notre conductrice et Jade pourraient se permettre d’étirer leurs jambes, autant Lilian et moi étions destinées à les plier. J’étais tellement préoccupée par la distance que nous allions parcourir ainsi que cela effaça mon excitation de monter dans une voiture pareille.

  

   Tabatha s’arrêta à l’Union Station. Ce n’était pas étonnant en soi puisqu’elle avait parlé de gare mais … où comptait-elle nous emmener ?

    Je n’avais été qu’une fois à la gare, quand j’avais été attendre l’une de mes tantes qui nous rendait visite, aussi je ne me rappelais avec précision l’intérieur du bâtiment. Jade et Lilian ne paraissaient pas rassurer et regardaient tout autour d’elles. Je faisais pareil.

   La reine s’avança sans la moindre hésitation vers l’un des guichets et nous la suivîmes sans qu’elle ait besoin de nous le dire bien que je sois surprise par son choix. Ce guichet était celui avec la plus longue file d’attente. Je me permis de le faire remarquer à Tabatha qui n’émit qu’un "Tss" énervé.

    Au bout de plusieurs minutes, nous arrivâmes, enfin, devant la guichetière. Étonnamment, quand elle nous vit, ses yeux s’illuminèrent. Il s’agissait d’une femme d’une cinquantaine d’année, avec des cheveux rouges absolument pas naturels, tout bouclés, attachés en un chignon d’où dépassaient la plupart des mèches, fardée et vêtue d’une veste sans manches en jean. Quand elle ouvrit la bouche, je sentis son haleine de fumeuse, d’ailleurs on l’imaginait aisément une clope au bec.
-    Salut Ann, la salua Tabatha.
-    Hé ! Tabatha ! Ca faisait longtemps ! Tu évitais la vielle Annie ? plaisanta la femme.  

   Tabatha rit sous cape, esquissant un semblant de sourire qui la rendait encore plus belle qu’à l’accoutumée.
-    En fait, j’aimerai emprunter la ligne spéciale.
-    Je m’en doute. On ne vient pas me voir pour résoudre un problème d’arithmétique. Alexandre et Malcolm sont là aussi ?
-    Non, ils sont partis prendre nos partenaires … rooks.
-    C’est vrai … ton équipe a été fondue avec une rook …  

   Elle marqua une courte pause avant d’ajouter :
-    Je n'arrive toujours pas à me faire à l’idée qu’on s’est allié avec l’ennemi.
-   Tss … Oui. Désolée mais je ne peux pas m’attarder plus longtemps. Tu peux te charger de leur expliquer comment ça marche ? Elles sont attendues au QG.  

   Elle nous désigna d’un mouvement de tête.
-    Bien sûr mais … quelqu’un les réceptionne à l’arrivée ? s’inquiéta Ann.
-    Oui, Alice m’a dit qu’elle s’en occuperait.
-    Bon, ça marche alors. File maintenant, je ne veux pas que tu sois en retard !  

   Tabatha ne se fit pas prier et partit immédiatement, sans nous dire un mot. Sympa.
-    Vous êtes bien Lilian Stevens, Morgan Jones et Jade Takano ? nous demanda la guichetière.  

   Nous hochâmes la tête.
-    Venez par ici.  

   Elle nous fit signe d’entrer dans la cabine et s’excusa auprès de ceux qui attendaient derrière nous.
-    Vous savez où vous êtes ? commença-t-elle quand elle se fut assurée que personne ne nous écoutait.
-    A l’Union Station.
-    Pas seulement, rit-elle. Cette gare abrite une station de la Ligne Spéciale.
-    Qu’est-ce que c’est ?
-    C’est un train souterrain mis en place par la Knight Guild. Il permet aux knights de se déplacer dans tous les Etats-Unis.
-    Les humains normaux ne connaissent pas la Ligne Spéciale ? la questionna Lilian.
-   Non, bien que la plupart des stations soient placées dans des gares tous publics, autrement dit, que les personnes normales utilisent.

    Ann ouvrit un tiroir de son bureau et en sortit une boîte en fer blanc dont elle tira trois tickets blancs sur lesquels étaient inscrits en lettres dorées " LIGNE SPECIALE ". Elle pianota ensuite sur son clavier et nous donna des informations vitales.
-    Alors, comme je vous l’ai dit, la Ligne Spéciale passe sous terre, il va donc falloir que vous descendiez. Seulement, la Knight Guild ne pouvait pas installer d’escalier sous peine de voir des gens normaux l’emprunter et la découvrir. Nous avons donc installé différents passages un peu partout dans la gare que nous utilisons à tour de rôle. Ecoutez-moi bien du coup sinon vous louperez votre train.  

    Elle garda le silence quelques secondes, histoire de s’assurer que nous étions attentives.
-    Bon, vous allez vous rendre aux toilettes. En arrivant, vous vous laverez les mains puis utiliserez le sèche-mains. A ce moment-là, vous passerez le code barre de vos tickets dessous – un scanner a été installé dans le sèche-mains. Une fois que ce sera fait, vous entrerez dans des cabines, vous assiérez sur les cabinets puis appuierez sur la chasse d’eau. Comme ça, vous activerez une porte et serez ainsi téléportées dans une salle. Vous en sortirez, il n’y a qu’une seule sortie, et là vous serez sur le quai de la Ligne Spéciale. Vous me suivez jusque là ?
-    Ca va.
-    Tant mieux. Quand vous serez sur le quai, la moitié du travail sera fait. Vous verrez qu’il y a énormément de mondes alors faîtes attention à ne pas vous éloigner les unes des autres.  

    Du même tiroir où elle avait tiré la boîte en fer, elle sortit trois dépliants qu’elle nous tendit. Il s’agissait d’un plan qui indiquait toutes les destinations accessibles en utilisant la station de la Ligne Spéciale à l’Union Station, un peu comme les plans de métro.
-    Vous devrez emprunter le "Stardust", c’est le nom du wagon.  

   Elle posa son doigt sur la ligne correspondante sur le dépliant.
-    Ne perdez pas de temps, il est très demandé, il y aura un monde fou.

    Je commençais à stresser.
-    Pour finir, vous devrez descendre à l’arrêt "QG". Quelqu’un va vous attendre là-bas, pour le retrouver, dirigez-vous vers la sortie.
-    Mais … comment fera-t-on pour reconnaître cette personne ? s’inquiéta Jade.
-    Ne vous inquiétez pas. Alice vous trouvera.  

   Elle eut un sourire chaleureux puis nous invita à nous dépêcher.
-    Le Stardust devrait arriver dans un quart d’heure. Bonne chance !
-    Merci !
-    Au revoir.  

    Nous sortîmes de la cabine avec un dernier regard pour Ann puis nous nous mîmes en quête des toilettes.


  
   J’avais été sceptique quant à la présence d’un scanner dans un bête sèche-mains jusqu’à ce que je passe mon ticket dessous et qu’un "bip" discret retentisse. Là, j’avais commencé à envisager qu’il était possible qu’une chasse d’eau me propulse sous terre. Je passerai sous silence les pensées qui m’ont habité quand je me suis assise sur les cabinets. En tout cas, elles ne volaient pas bien hautes. J’étais plutôt gênée. J’ai fermé les yeux et, en tâchant de ne pas trop réfléchir ainsi qu’en serrant fermement mon ticket " LIGNE SPECIALE", j’ai appuyé sur la chasse d’eau.

   Pendant encore quelques secondes j’ai entendu la conversation des deux femmes aux lavabos (" – Vraiment ? – Oui, Oui, je t’assure. Même qu’à ce moment-là, il lui a dit que… ") puis … il y a eut le brouhaha. Le type de brouhaha que produit habituellement une foule. Alors, j’ai rouvert les yeux.

   Je me trouvais dans une salle de forme rectangulaire toute en pierre. Un banc suivait le mouvement des murs. J’étais assise sur ce même banc et, à côté de moi, se trouvait Jade. Et après Jade, Lilian. On était bien toute arrivé à la station de la Ligne Spéciale. On s’est regardé avant de se lever et de se diriger vers l’ouverture en forme de porte afin de rejoindre le quai.

   Je n’en croyais pas mes yeux. Contrairement à ce que j’avais pu imaginer, l’endroit n’était pas exigu, plutôt haut de plafond au contraire. Toutes les gares de la Ligne Spéciale étaient-elles ainsi ? Cela me faisait drôle d’imaginer que des tas de gens marchaient au-dessus de lieux pareils. Des tas de personnes marchaient le long du quai, certaines en discutant avec une autre. Aucun train n’était là pour le moment. Je remarquais un panneau électronique indiquant les prochains à arriver, le Stardust comptaient parmi ceux-là. Il était censé arriver dans cinq minutes.
-    Comment ils ont fait pour construire ça ? s’interrogea Lilian à voix haute.
-    Bah … Ils ont dû utiliser un de leur super pouvoir, lâchai-je.  

   Tout comme moi, Jade et Lilian avaient le nez en l’air, occupées à scruter la moindre parcelle de la gare.

   Je fus sortie de mes pensées par le bruit d’une alarme, indiquant qu’un train arrivait. Mon cœur recommença à augmenter son nombre de pulsations par minutes.

    Le train était cylindrique et argenté, pourvu de fenêtres rondes. Quand il fut presque immobilisé, j’aperçus furtivement son nom, " Stardust ", écrit en lettres élégantes. A de petits portillons, placés à intervalles réguliers, de longues queues se formaient et, me souvenant des conseils d’Ann, j’exhortai les filles à se dépêcher de se mettre dans l’une d’elle.

    Une fois le train parfaitement immobile, les portes du train – circulaires elles aussi – s’ouvrirent avant de laisser sortir pour chaque portillon deux employés du train vêtus d’un bel uniforme bleu et d’une solennelle casquette assortie.
-    Bonjour, dirent-ils, parfaitement synchrones.  

   Ils sortirent, toujours en même temps, deux poinçons de la poche unique de leur veste et firent rentrer les premiers membres de la file. Arrivé mon tour, je tendis timidement à l’un d’eux mon ticket que l’on poinçonna machinalement.

    L’intérieur du Stardust était aussi splendide qu’il le laissait suggérer. De la moquette rouge avait été posée au sol et les murs étaient de la même couleur argentée qu’à l’extérieur. Exactement comme dans un train, il y avait différents compartiments et des banquettes, d’un même tissu rouge que le sol. Je m’empressai d’en réserver une encore libre avant d’être rejointe par mes deux camarades. Je remarquais que quelques plantes vertes avaient été disposées dans l’habitacle.

    Deux ou trois minutes plus tard, le Stardust repartait.


-    HIAAARGH ! !  

    J’avais beau savoir qu’à chaque hurlement que je poussais, tous les membres de notre compartiment se retournaient vers moi avec un drôle d’air, je ne pouvais pas m’en empêcher. Comme si eux étaient habitués à voir des dinosaures leur faire coucou par le hublot accolé à leur banquette ! Car régulièrement, des cinématiques (ça ne pouvait être que des cinématiques, aucun don ne pouvait permettre d’avoir ramené un T-Rex à la vie et de le faire habiter dans une voie de métro, hein ? ) venaient distraire les passagers de la Ligne Spéciale durant leur voyage souterrain. J’avais ainsi eu l’occasion de croiser des licornes, des sirènes, des fées, une princesse orientale et, maintenant, des dinosaures. Jade était ravie et ne cessait de s’enthousiasmer à chaque créature surnaturelle que nous croisions, Lilian paraissait un peu plus inquiète mais était transportée par le spectacle. Etaient-elles bien conscientes qu’elles étaient passées à moins de cinq mètres d’un carnivore qui n’aurait fait qu’une bouchée d’elles ? En tout cas, moi, je l’étais. Peut-être un peu trop en fait. Je consultais ma montre, cela faisait déjà une demi-heure que nous roulions et nous allions descendre, enfin, à la prochaine station.
-    Regardez ! Le kraken ! s’écria Jade.
-    HIAAARGH ! !

"Arrêt du QG, arrêt du QG. Prière aux passagers descendant à l'arrêt de se préparer à la descente. Arrêt du QG, ..."
   Bien décidée à ne plus jamais retomber sur un dinosaure ou une pieuvre géante, j’empoignai mon sac à main, me levai et, en m’accrochant aux poignées prévues à cet effet, regagnai les portes.

   Le point sur le dépliant d’Ann correspondant à la gare du QG indiquait bien qu’il s’agissait d’une importante station. Et, comme j’aurais dû m’en douter, le luxe étant proportionnel à la taille, l’arrêt étincelait de partout. Par contre, dire si cela était le fait de la lumière, émanant de je-ne-sais-où, reflétée sur les lustres en cristal, les murs en cristal ou le sol en cristal, impossible pour moi. Une énorme horloge, en or pour changer, était suspendue au, grand, plafond et permettait d’indiquer l’heure, exacte, aux utilisateurs de la Ligne Spéciale. Par contre, un panneau indiquant la sortie, ça, il n’y avait pas. Quelqu’un l’avait peut-être volé (un panneau "Sortie" en cristal cela pouvait sans doute se vendre une fortune). Finalement, nous décidâmes de monter un gigantissime escalier – en cristal, pas de gaspillage surtout. L’endroit était étonnamment silencieux alors qu’il y avait foule et que ses dimensions auraient dû amplifier les bavardages. Pour peu, je me serais cru dans une église. Sous mes pas, chaque marche émettait un joli son cristallin et, accompagnés de ceux de Lilian et Jade, nous étions à l’origine du trois-quarts du bruit.

   Arrivées en haut, toutefois, nous n’étions pas plus avancées. Au moins nous avions une superbe vue sur la gare.
-    Hé, les filles, par ici.  

    Nous nous tournâmes comme une seule adolescente vers la voix.

    La femme devait avoir vingt cinq ans tout au plus. Elle avait des cheveux très noirs coupés en un carré sévère qui contrastait avec le sourire amusé qui flottait sur son visage à ce moment-là. Sa peau très belle et brillante contrastait à merveille avec ses cheveux et ses beaux yeux bleus ourlés de noir. D’une manière générale, elle était maquillée discrètement mais efficacement. Elle devait être de taille moyenne mais les talons haut perchés qu’elle portait lui donnait une certaine prestance. En guise de vêtements, elle avait une salopette blanche très courte et dotée d’un décolleté qui dévoilait une partie de sa poitrine tout en restant convenable. Par-dessus, elle avait une veste blanche. Aux jambes, elle avait revêtu des jambières noires sans pied qui descendaient jusqu’en bas de ses chevilles et empiétaient un peu sur ses chaussures. Sexy et classe à la fois.

   La femme nous tendit la main en souriant.
-    Enchanté de faire votre connaissance. Je suis Alice Osborn, Seconde de la Knight Guild.  

   Je ne savais pas à quoi correspondait exactement le titre de "Seconde" mais qu’elle daigne le préciser laissait supposer que c’était un titre important.
-    Enchanté … aussi. Je suis …
-    Morgan Jones, me coupa-t-elle. Je sais qui vous êtes toutes les trois.  

   Elle eut un petit rire.
-     Je vais vous conduire au QG, vous êtes très attendues.

    Elle sourit de nouveau puis commença à marcher sans se préoccuper des têtes qui se tournaient vers elle sur son passage, ne s’arrêtant qu’une fois arrivée devant un bel ascenseur en verre. Les portes s’ouvrirent automatiquement et nous montâmes toutes à l’intérieur. Sans un bruit, nous commençâmes notre ascension.

   Quelle ne fut pas ma surprise de voir l’appareil continuer à monter même quand nous eûmes dépassé tous les immeubles les plus haut de la ville ! Et ce, sans que personne ne semble s’en apercevoir ! J’avais beau ne pas avoir le vertige, savoir qu’une force invisible nous tractait vers des hauteurs invraisemblables me rendait malade. Oui, parce qu’il n’y avait pas de câbles (j’avais vérifié).
-    A … Alice, où allons-nous ? balbutiai-je.
-    Au QG, me répondit-elle tranquillement.
-   Et il est encore loin ?
-   Non. Plus qu’à quelques dizaines de mètres. Tiens, tu peux le voir en levant la tête.
-   Ce n’est pas possible …, souffla Lilian.  

   Un imposant bâtiment en verre et en métal se tenait au-dessus de nos têtes, haut comme un immeuble de taille respectable. Il flottait. A notre approche, des battants s’ouvrirent, permettant à l’ascenseur de rentrer dans la structure volante.

   L’intérieur du QG de la Knight Guild ne comportait aucune différence notable avec celui d’un bel immeuble a priori normal. Deux rangées d’ascenseurs en verre desservaient les différents étages, composés de bureaux avec de belles baies vitrées. Il y avait aussi des escaliers en métal.

   L’ascenseur se posa sur une estrade prévue à cet effet avant d’ouvrir ses portes. Je sortis en tremblotant, éprouvée par ma rencontre avec un dinosaure et mon voyage dans les airs.
-    Suivez-moi, nous ordonna Alice, toujours souriante.  

   Elle se dirigea vers un autre ascenseur, Lilian, Jade et moi sur ses traces. Je remarquais qu’il y avait moins de boutons que d’étages et en fis part à Alice, histoire de rompre le silence.
-    Les derniers étages … ne doivent pas être accessibles à tout le monde, m’expliqua-t-elle.

   Je m’en voulus de ne pas l’avoir deviné toute seule. Elle allait finir par me prendre pour une idiote.

   Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur le dix-huitième étage et nous nous engouffrâmes hors de l’habitacle de l’appareil. Cet étage avait beau présenter les mêmes caractéristiques que les autres – structure métallique, murs de verre, moquette noire –, ici, tous les rideaux étaient tirés sur les baies vitrés. Je compris que cela devait être les bureaux des membres les plus importants de la Knight Guild et qu’ils ne devaient pas vouloir que tout le monde sache ce qu’ils y trafiquaient. Seul l’un d’eux restait à la vue de tous, une sorte de salle d’attente. Il y avait des canapés, une machine à boissons et des magazines ainsi que Stanislas, Killian, Tabatha, Alexandre et Malcolm. La reine semblait surveiller tous les garçons du coin de l’œil, en particulier le roi rook qui paraissait vouloir se balader un peu partout dans le bâtiment (c’était un rook après tout). Ce fut lui qui nous aperçut le premier.

    La Seconde leur fit signe de venir et de la suivre avant de reprendre sa marche.
-    Jaaade !
-    Alex, il y a des gens qui travaillent, le réprimanda gentiment Alice.  

   Elle aussi l’appelait par son diminutif ! Jusqu’à présent, je n’avais jamais entendu que Tabatha et Malcolm le nommer ainsi. Quelle relation entretenait-elle avec lui ?
-    Tabatha !  

    Tout notre groupe se retourna en direction de la voix qui avait hélé cette dernière. Il s’agissait de Luna, la reine knight que j’avais eu l’occasion de rencontrer lors de ma première visite chez Shannon, accompagnée de son séduisant cavalier, Rey de son prénom.
-    Alex, Malcolm ! Qu’est-ce que vous faîtes ici ? s’étonna-t-elle, visiblement heureuse de les voir. Oh ! Lilian, Morgan, Jade ! Je suis contente de vous revoir ! Pas vrai Rey ?
-    Bien sûr.

   Il posa sur elle un regard tendre et je crus deviné que …
-    Et tu ramènes de beaux garçons avec toi …, murmura Luna à l’autre reine en jetant une œillade appuyée à Stanislas puis à Killian avant de repasser au roi.

   Œillade qui n’échappa pas à Rey, qui décocha un regard furieux aux rooks.
-    Ce sont des rooks, lui précisa Tabatha à voix basse.  

   Luna eut l’air surprise puis franchement dégoûtée. Je crus même l’entendre murmurer : "Berk !".
-    Tu viens chercher un ordre de mission ? lui demanda ensuite Tabatha.
-    Oui. Et toi ?
-    Pas exactement. En fait, je …

   Un raclement de gorge d’Alice la rappela toutefois à l’ordre et elle conclut sa discussion d’un "Je te rappelle". Tabatha avait-elle donc des amies ? Autre que ses cavaliers ?

   Luna et Rey partis, nous tombâmes au détour d’un couloir sur Shannon, en larmes.
-    Qu’est-ce qui t’arrive ? s’enquit immédiatement Alice, inquiète.
-   C'EST UNE HONTE ! La comptabilité refuse de me laisser investir dans la Sabline à Grandes Fleurs !  

   Chaque dentelle de sa crinoline trembla et elle essuya ses larmes avec son mouchoir en soie.
-    Ecoute, Shannon, je suis occupée là …, s’excusa Alice.
-    La Sabline à Grandes Fleurs est une ESPECE EN VOIE DE DISPARITION ! s’indigna Shannon. Et qu’est-ce que me répond la comptabilité ? Que j’ai suffisamment de "trucs verts" chez moi  !
-    Calme-toi, lui conseilla Alice. Je m’en occuperai, je te le jure mais là il faut que tu partes …
-    SI LA COMPTABILITE CROIT QUE JE VAIS ME LAISSER FAIRE COMME CA !   

   Elle s’éloigna en vociférant d’autres menaces contre la comptabilité et quand nous arrivâmes au bureau d’Alice, sa propriétaire paraissait épuisée.

    La pièce était élégante mais relativement vide, j’en conclus que, peut-être, les autres jours, Alice siégeait ailleurs.
-    Asseyez-vous, nous invita-t-elle. Alex, lâche Miss Takano.

    Une fois que le calme fut à peu près installé, que la Seconde eut salué en bonnes et dues formes l’équipe rook, Alice commença son discours.
-    Lilian, Morgan, Jade, j’ai demandé à vous rencontrer afin de discuter avec vous de certains points. Vous n’êtes pas sans savoir que vous avez été chacune attaquée par un membre de l’Ace Guild, qui a juré votre perte. Contrairement aux autres attaques que vous avez subies et qui étaient l’œuvre de la Rook Guild, les aces ne se préoccupent pas de faire les choses dans la plus grande discrétion. Ils s’en sont pris à vous dans des lieux publics, mettant en danger le reste de la population en plus de vous. Et il s’est avéré que les doués à qui nous avions confié votre protection rencontrent de grandes difficultés à …
-    Ce n’est pas vrai ! s’écria Tabatha. Je …
-   Ca suffit Tabatha, la coupa Alice. Nous en avons déjà discuté et je te demande de t’en tenir au fait. Face à l’assassin d’élite le plus faible de l’Ace Guild vous avez connu plus de dégâts que jamais auparavant, autant chez les knights que chez les rooks.  

   La reine grommela mais garda le silence, elle ne devait pas apprécié qu’on lui rappelle ses échecs. Lors du trajet dans ma voiture, Lilian avait parlé de l’attaque du trèfle et des trois autres assassins super puissants – le carreau, le cœur et le pique.
-    Je disais donc, reprit la Seconde, que les doués assignés à votre protection ont du mal à remplir leur tâche. Personne ne peut les en blâmer toutefois. Nous ne connaissons quasiment rien d’essentiel sur l’Ace Guild et on ne peut pas battre un adversaire dont l’on ne connaît rien.
-     Et … et l’ace qui ressemblait à Marylin Monroe ? intervins-je. Vous l’aviez capturé, non ? Il ne vous a rien appris ?
-    Après quelques heures de captivité, il a explosé, m’informa Alice. Nous pensons que l’Ace Guild a posé sur ses membres un sceau qui les tuent à distance. Cela leur permet de s’assurer, justement, qu’ils ne révéleront rien.  

    Quelle horreur !
-    Malgré la sécurité qui a été mise en place, vous courez beaucoup de trop de risques, ainsi que votre famille. L’Ace Guild s’est rendue à proximité des lieux de vie des familles Stevens et Takano. Nous ne pouvons pas vous laisser dans une telle situation.  

    Elle joignit ses mains ensemble sur son bureau avant d’inspirer un un grand coup.
-    Avec le Conseil, nous avons décidé d’envoyer l’équipe 4-9 …
-    Excusez-moi, qu’est-ce que c’est "l’équipe 4-9" ?

-     C’est le nom donné à l’équipe jumelée de Tabatha et Stanislas, comme Tabatha est la quatrième reine et Stanislas le neuvième roi, m’expliqua gentiment Alice. Il a donc été décidé qu’ils seraient envoyés à Miami durant la période des vacances d’été pour enquêter sur l’Ace Guild qui a une base dans la ville. Ils pourront être assisté par la Rook Guild qui y possède elle aussi un centre.

" Je sais que c’est impoli de couper la parole, je sais que c’est impoli … " 

    Et qui allait se charger de nous assister si on nous retirait Tabatha et Cie ? Qui ?
-     Comme nous avons jugé bon de ne vous laisser avec votre famille, pour sa propre sécurité, nous comptons vous envoyer avec eux à Miami.  

    Quoi ? C’était une blague ? La Knight Guild et la Rook Guild nous offraient des vacances à Miami pendant les vacances ?
-    Vous serez en vacances à partir du 8 Juin, nous rappela Alice. Vous partirez le 10 et reviendrez le 10 Juillet.  

   Un mois à Miami ?
-     Mes … mes parents ne voudront pas que je …, bafouilla Lilian.
-    Je compte sur les talents de séduction de Tabatha pour convaincre les parents. Nous avons prévu une petite histoire pour ça, nous assura la Seconde.  

    Un mois à Miami avec Malcolm ? Dans ma tête, j’y étais déjà. Les palmiers … les plages … la mer … Malcolm … le soleil … Malcolm en maillot de bain …
-    La Knight Guild et la Rook Guild se charge de tout. En bonnes lycéennes, occupez-vous seulement du bal de fin d’année, ajouta-t-elle en plaisantant.

 

 

 

 
Lexique
L'Union Station : En français, la Gare de l'Union est une gare historique de qui se situe dans le quartier de Lower Downtown.
Stardust : en anglais, cela signifie "poussière d'étoile".
Le kraken : il s'agit d'une créature fantastique issue des légendes scandinaves médiévales. Il s'agit d'un monstre de très grande taille et doté de nombreux tentacules. Il est souvent représenté sous la forme d’une pieuvre géante.

Et voilà le travail ! J'espère que cette petite découverte du monde de la Knight Guild vous a plu ^^
Le chapitre prochain, c'est le bal de promo !

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 18:56
chapitre 20 - voiture de nuit

   J’allais finir par lui sauter à la gorge, lui arracher les cheveux et lui plonger la tête dans la cuvette des toilettes. A qui ? A la fille qui attendait sur le seuil de la maison d’Anthony. Elle avait, évidemment, de longs cheveux bruns dégradés, des formes avantageuses avantagées par son ridicule petit top à paillettes moulant, son slim et ses minables ballerines lustrées. Elle portait un de ses ignobles sacs en cuir à l’épaule. Ce qui m’énervait le plus était sans aucun doute son air sûr d’elle et réjouie.

" Mon Dieu ! " devait-elle se dire. " J’ai un rencard avec Anthony Sanders ! Maintenant qu’il s’est débarrassé de son affreuse ex-petite copine ! "

   Ce qu’elle ne savait pas, c’était que l’affreuse ex comptait ne pas le rester éternellement. Dans la mesure où des tas d’affreux voulaient me voir six pieds sous terre, il aurait été plutôt raisonnable de laisser Anthony tranquille, afin de le protéger. Mais ce n’était tout bonnement pas possible ! Je ne pouvais pas décemment laisser des filles comme celle qui attendait devant la porte me prendre mon (ex) petit ami ! Pour ça, j’avais tout un plan, mûrement réfléchi. Et qui commençait dès maintenant.

   Ma mère et celle de mon ex (temporaire) s’étaient toujours très bien entendu et comptaient le rester malgré le froid créé par leur rejeton. J’avais supplié ma mère de trouver quelque chose – n’importe quoi – à prêter à (celle qui avait été) ma future belle-mère, comme elles le faisaient souvent. Après plusieurs heures passées devant le miroir à me maquiller, légèrement, et à choisir une tenue susceptible d’attirer un minimum l’attention d’Anthony, j’étais partie et je venais de passer le portail de mon (ancien) petit ami. Je n’étais plus qu’à un mètre de la fille.

   Elle parut surprise de me voir.
-   Bonjour, lui dis-je avec un grand sourire avant de frapper à la porte.
-   J’arrive Chelsea ! prévint la douce voix d’Anthony de l’intérieur.
-   Ce … ce n’est pas Chelsea !
   Flûte ! J’avais bafouillé ! La porte s’ouvrit alors en grand. Anthony avait les yeux écarquillés en grand.
-   Li … Lilian ? Qu’est-ce que tu fais … ici ?
-   Ma mère voulait rendre à la tienne le livre sur les confitures qu’elle lui avait prêté et… elle vous offre des confitures, justement, qu’elle a faîte.
   Je les lui tendis. Anthony et la fille les fixaient, interloqués.
-   Et elle aimerait que ta mère lui rende ses pots en verre.
-   Euh … D’accord.
   Il s’empara des confitures.
-   Par contre … euh … ma mère n’est pas là donc … je ne sais pas où elle a rangé les pots en verre de ta mère …
-   Ce n’est pas un problème, lui assurai-je. Moi, je sais.
   Je dégageai Anthony de la porte d’un coup d’épaule et entrai, sans un regard pour Chelsea. Mon intrusion ne semblait pas beaucoup plaire à cette dernière d’ailleurs.
-   Anthony ! chuchota-t-elle. C’est bien ton ex, non ?
-   Euh … oui …
-   Et tu la laisses entrer comme ça ?
-   Qu’est-ce que tu veux qu’elle fasse ? Elle ne va pas venir avec nous au cinéma non plus.
   Parce qu’il l’emmenait au cinéma ! Quoique, ça m’arrangeait. Il suffisait que je retarde suffisamment Anthony pour que leur sortie soit compromise. La séance commencerait sans eux.

   Mon (ex) petit ami me rejoignit dans la cuisine, où il déposa les confitures. Pour ma part, j’ouvrais des placards au hasard – ne sachant pas réellement où étaient les pots de ma mère. Anthony me fixait, embarrassé.
-   Si tu veux, je te ramènerai les pots dès que ma mère sera rentrée …, proposa-t-il.
-   Pourquoi faire ? Je suis là, je ne voudrai pas t’obliger à te déplacer.
   Il eut un silence gêné, dû au fait qu’il ne devait pas oser me dire que j’allais finir par le mettre en retard avec Chelsea.
-   Tu … tu as un rendez-vous aujourd’hui ? finit-il par me demander.
   Pour le coup, j’étais surprise.
-   Non. Pourquoi ça ?
-   Ah … euh … c’est juste que … tu … tu es très jolie aujourd’hui …
   Je piquai un fard mais, décidée à ne pas me laisser démonter – et à assurer la réussite de mon super plan –, je lui rétorquai un cynique :
-   Parce que je ne le suis pas d’habitude ?
-   Non, non ! Ce n’est pas ça !
   Comme il était mignon quand il paniquait ! J’avais l’impression de le revoir à nos débuts. Mais l’heure n’était pas aux attendrissements. Pas pour moi du moins.

   J’arrêtais ma fouille, me relevai, et ne bougeai plus.
-   Lilian ? s’inquiéta Anthony.
" Ce n’est pas le moment de flancher Lilian ! Tu dois le faire. Il doit comprendre."
-   Lilian ?
   J’agrippai un de mes bras avant de me retourner, histoire de m’éviter de trembler. Je m’approchai ensuite de lui, les yeux rivés sur le sol. Je savais bien qu’en cet instant, je devais avoir l’œil humide et les joues roses. D’après mes sources, ce genre d’attitude faisait craquer les garçons, non ? Je croisais les doigts pour que cela marche avec le mien.
-   Lilian ?
   Doucement, je relevai mon regard pour fixer mes yeux dans ceux bleu gris d’Anthony. J’avais l’impression que ma petite mise en scène l’ébranlait, parce qu’il était tout rouge.

" Bon … Alors maintenant je dois … "

   Que … Qu’est-ce que j’avais prévu, une fois arrivée à cette partie de l’histoire ? Impossible de m’en rappeler ! En plus, j’étais incapable de réfléchir avec Anthony qui était aussi près de moi ! Je ne pouvais pas partir maintenant, j’allais donc devoir improviser.

   Dans les films, que font les héroïnes arrivées à ce stade ? Il me semble qu’elles sortent des déclarations d’amour passionnées. Le seul problème, c’est que elles, ou plutôt les actrices qui les interprètent, ont appris un texte.

   Quelqu’un avait-il déjà dû improviser une déclaration d’amour passionnée dans la minute qui suivait ? Si oui, merci de m’en avertir.

   Et tout de suite !
-   Anthony …
   Je n’avais plus le choix. Je devais complètement arrêté de réfléchir. Et laisser parler mon cœur. Mon Dieu ! Comme cette formulation était niaise ! J’allais être ridicule. Mais bon, quitte à l’être, autant l’être totalement.

Je plaçai mes mains sur son torse puis ma tête, avant de passer mes bras dans son dos. Il était agréable d’entendre battre le cœur d’Anthony, surtout à une vitesse pareille. C’était à croire qu’il allait s’arrêter d’un moment à l’autre. Le mien aussi par la même occasion.
-   Je t’aime Anthony.
   Et voilà que je pleurais ! La totale !

   J’enfonçai mes ongles dans sa peau mais il ne broncha pas.
-   Je suis désolée d’avoir été aussi désagréable ! Pardon ! Mais …
   Pendant un court instant, je cherchais mes mots.
-   Je suis … sincèrement désolée … je ne suis peut-être pas assez démonstrative mais … je veux m’améliorer ! Si tu me laisses être à tes côtés Anthony … je … je te jure de faire de mon mieux !
   J’hésitai un peu avant de répéter :
-   Je t’aime ! Je … suis tellement malheureuse depuis que … que l’on n’est plus ensemble !
   Je me tus et profitai de ma proximité avec Anthony. Si ça se trouve, il trouvait ma performance pitoyable et c’était la dernière fois que j’allais avoir l’occasion de le serrer dans mes bras. Autant en retirer un maximum de bénéfice.

   Pendant plusieurs minutes, il n’y eut plus aucun bruit dans la petite cuisine des Sanders. Le silence fut néanmoins interrompu par une plainte :
-   Anthony ! On va être en retard à la séance !
   Zut ! J’avais oublié que Chelsea attendait à la porte ! Prise par un élan de timidité, je m’écartai violemment d’Anthony et me dirigeai vers la sortie. Mais je n’en eus pas l’occasion.

   Anthony referma la porte de la cuisine, empêchant les cris de Chelsea de nous parvenir. J’étais bloquée.
-   Ce n’est pas à toi de t’excuser …, finit par dire Anthony. C’est à moi.
   " Surtout ne pas réfléchir … "
-    Tu étais malheureuse, non ? Je n’étais jamais là, toujours occupé avec mes amis … Quand je me suis rendu compte que mon attitude laissait à désirer, m’expliqua-t-il, je t’ai invité à la fête d’Alexia mais … ça ne s’est pas bien passé. J’ai vraiment été … bête … Je pensais naïvement que les autres t’accepteraient, comme tu étais ma petite copine … mais je n’ai même pas été capable de comprendre qu’ils n’étaient pas assez intelligent pour passer outre de ton comportement si différent du leur …
   J’avais la gorge serrée et c’était comme si j’abritais un essaim d’abeilles en colère dans mon ventre. Je ne dis rien.
-   C’est vrai que tes sautes d’humeur ne me facilitaient pas la tâche mais … je suppose qu’elles étaient dues au fait que je n’étais pas assez présent pour comprendre d’où elles venaient.
   Il m’était douloureux de l’entendre s’accuser alors que – pour les sautes d’humeur – tout était de ma faute.
-   J’étais énervé contre moi-même et je m’en voulais beaucoup … j’avais un comportement exécrable et … quand je t’ai vu avec Evans … je me suis dis que je n’avais jamais été capable de me séparer de ma bande d’amis pour aller manger avec toi … ça m’a révolté.
   J’étais émue qu’il me révèle aussi sincèrement ses sentiments. Je n’avais jamais été aussi proche de lui. Pourquoi fallait-il que ça arrive alors que l’on n’était plus ensemble ?
-   Je t’ai plaqué parce que … je ne pouvais plus me supporter. C’est la pire des raisons, je sais mais … ça ne m’a pas gêné à ce moment-là. Je m’excuse, Lilian. Vraiment, je m’excuse.
   Il m’attrapa le bras avec délicatesse et me poussa à me retourner, à lui faire face. Mes larmes s’étaient arrêtées mais elles étaient sur le point de reprendre.

   Anthony me prit alors dans ses bras puis me dit à voix basse :
-   Je t’aime Lilian.
   C’est là que je me suis rappelée de mon plan initial. Il m’avait dit tout ce que j’avais besoin de savoir.

   Il passa sa main derrière ma nuque et rapprocha nos têtes. Je passai mes bras autour de son cou tandis qu’il plaquait ses lèvres contre les miennes.

   Je me suis alors rendue compte à quel point elles m’avaient manqué.

 


   J’étais heureuse.

 


   Le lendemain, Anthony vint me chercher en voiture à la maison. Il était radieux et je savais que je l’étais aussi. Quand nous sortîmes de l’habitacle du véhicule, une fois arrivés au lycée, il me prit par la main. Tout le monde nous dévisagea mais je gardais la tête haute. J’étais décidée à ne pas recommencer mes erreurs de la dernière fois. Parmi la foule, je distinguai la silhouette de Morgan.
-   Morgan !
   Elle ne sembla pas m’avoir entendu et je lui courus après. Je l’attrapai par la manche.

   Quand elle se retourna, je fus un peu surprise. Elle avait des cernes importantes sous les yeux et ne s’était pas maquillée, une première chez elle. Elle avait l’air épuisée.
-   Ca ne va pas ? m’inquiétai-je.
-    Si, si … C’est juste que je n’ai pas beaucoup dormi ces derniers temps … Mais qu’est-ce que tu me voulais ?
-   Euh … je … je voulais te dire que je m’étais remise avec Anthony …
   Elle avait été très inquiète lors de ma rupture avec Anthony et m’avait exprimé une grande sollicitude. Je m’étais dit qu’elle devait faire partie des premières à apprendre l’excellente nouvelle.
-   Oh … c’est super.
   Morgan esquissa une grimace que j’identifiai comme un sourire.
-   Vraiment Morgan … Tu n’as pas l’air bien … Tu veux que je t’accompagne à l’infirmerie ?
-   Non, non … merci … Tu m’excuses, hein, je vais rejoindre mes … amis …
   Elle m’adressa un bref signe de la main et s’éloigna. Anthony me rejoignit à ce moment-là.
-   Morgan est malade ? s’enquit-il. Elle ne m’a pas paru en grande forme.
-   Oui … je lui ais proposé d’aller à l’infirmerie avec elle mais … elle n’a pas voulu.
   Mon petit ami fronça les sourcils.
-   Qu’est-ce qui se passe ? lui demandai-je.
-   Ben … je me demande … si Morgan n’aurait pas des problèmes avec ses amis en ce moment …
-   Pourquoi donc ?
-   Je ne sais pas … j’ai juste l’impression qu’elle fait souvent la tête et puis … ah ! J’arrive pas à l’expliquer mais … on dirait qu’elle se force à sourire.
   Peut-être Morgan ne supportait-elle plus sa bande d’amis ? Elle m’avait avoué lors de l’anniversaire d’Alexia Hilton qu’elle n’appréciait pas particulièrement avec les gens lesquels elle traînait. Avait-elle atteint ses limites ? Mais pourquoi maintenant ?

 


   J’obtins ma réponse à la pause de midi. J’allais accepter la proposition d’Alexandre de manger avec eux – les knights et Jade –, malgré la frousse que m’inspirait le regard furieux de la reine, quand Anthony était arrivé et m’avait à son tour demander de manger avec lui. J’avais bien sûr accepter et décliner l’offre du cavalier, ce qui parut être au goût de Tabatha.
-   Dis donc … Taylor est vraiment superbe ! me fit remarquer mon petit ami en s’asseyant à une table du self.
-   Tu dis ça comme si c’était la première fois que tu la voyais.
-   D’aussi près, oui. Les yeux qu’elle a ! C’est impressionnant !
   J’entamai ma salade d’entrée.
-   Par contre, j’ai eu l’impression qu’elle était contente que tu ne manges pas avec elle.
   Certainement mais c’était surtout le fait que je ne sois pas avec ses cavaliers.
-   Takano a l’air d’être au goût d’Evans, poursuivit-il.
-   Oui !
   La relation qu’entretenait le punk et ma camarade m’amusait beaucoup. Jade était tellement mignonne quand elle rougissait jusqu’au oreilles !
-   Ca serait amusant si …
   Je fus interrompue par un bruit retentissant. Tout le self se tut et se tourna vers la responsable du vacarme : Morgan Jones.

   Elle s’était levée de sa table, composée des élèves les plus populaires du lycée, et avait fait claquer son plateau. Les lèvres pincées, elle le retira et se dirigea vers la table de Tabatha et Cie.
-   Je peux m’asseoir avec vous ?
   La reine leva un sourcil.
-   Je ne suis pas sûre que nous soyons de bonne compagnie … si tu la cherches, elle est restée à la table que tu viens de quitter, lui répondit-elle, moqueuse.
-   Je peux m’asseoir ? répéta Morgan. Je ne supporte plus la "bonne compagnie".
   La "bonne compagnie" décida alors de réagir.
-   Hé Morgan ! Ca suffit les blagues ! Reviens !
-   Non. Je ne reviendrai plus.
-   Tu vas pas aller avec ces perdants ?
   Et autant, que l’on les traite de perdants, les cavalier s’en fichaient mais … pas sûr qu’ils acceptent que l’on parle comme ça de Tabatha.

   Kent West allait sortir une autre vacherie quand une pomme l’avait malencontreusement percuté en pleine tête.
-   Excuse-moi ! s’exclama Malcolm tandis qu’Alexandre éclatait de rire. Mais j’avais parié avec Alex que je réussirai à te toucher en pleine tête !
-   Espèce de …
   Scott Oliver se prit alors une banane en pleine poire.
-   Tu vois Malcolm, moi aussi je peux le faire ! s’écria le punk.
   Tabatha pouffait.

  Cristopher Randall, un garçon de l’équipe de basket, irascible et insupportable tellement il avait la grosse tête, se sentit obligé de s’en mêler et se rendit directement à la table des doués. Ce qui fut une grosse erreur.

   A peine arrivé, il empoigna Alexandre par le col.
-   Ecoute-moi bien, commença-t-il, menaçant.
-   Avant toute chose, le coupa le punk, j’aimerais que tu me lâches car, vois-tu, je ne peux pas t’en coller une dans cette position. Et si tu n’obéis pas assez vite, non seulement je me fâche, mais Tabatha va vouloir te faire ta fête. Tu serais obligé de passer sur le billard pour retrouver figure humaine.
   Il avait débité le tout sur un ton léger mais comique qui provoqua l’hilarité générale de tous les lycéens assistant à la scène, exceptés les populaires qui étaient outrés que l’on puisse parler ainsi à l’un des leurs.
-   Ah ouais ? Tu vas me faire ma fête ?
   Sa remarque s’adressait à Tabatha et cette dernière, n’étant pas habituée à ce qu’on lui parle sur ce ton, fronça les sourcils et se redressa. Ce jour-là, elle portait des talons et elle faisait ainsi la taille de Cristopher, qui n’était pas le garçon le plus grand de son équipe.
-   Oui. Tu as intérêt à dégager d’ici très vite si tu ne veux pas connaître la plus grande honte de ta vie.
   Les cheerleaders la huèrent.
-    TAISEZ-VOUS BANDE DE DINDES !
   Le silence revint.
-    Je ne sais pas pour qui tu te prends, reprit la reine, mais je te conseille de lâcher Alex tout de suite et de te barrer. Sinon, je serais obligée de prendre des mesures.
   Décontenancé qu’on ose le menacer aussi ouvertement, la brute ne savait pas quoi répondre. Il finit par lâcher un autre "Ah ouais ?" suivi d’un :
-    J’aimerai bien voir ça.
   Tabatha prit donc la part de pizza d’Alexandre et l’écrasa sur la face de Cristopher. Comme ce dernier avait les mains sur le col du cavalier, il ne pouvait même pas se défendre. La reine étala bien toute la surface de la pizza et, quand elle eut fini, le gros malin était tartiné de tomates et de champignons.

   Tout le monde, moi comprise, éclata de rire.

   Cristopher lâcha le punk, qui applaudissait et fut bientôt imité par tous les spectateurs, et retourna vite fait à sa table pour s’essuyer tout en prévenant Tabatha qu’elle ne " payait rien pour attendre ".

   La reine s’assit et, enfin, Morgan put faire de même. Elle venait de subir la chute la plus totale dans la hiérarchie du lycée mais le sourire, sincère, qui flottait sur ses lèvres me prouvait qu’elle ne regrettait rien. Quant à Tabatha, la fascination que lui portait le lycée n’en fut que renforcée.

-   C’est super Lilian !
-   Oh oui !
-   J’ai toujours pensé que ça finirait comme ça !
   Megan avait pourtant été la plus défaitiste. Mais bon ! J’étais tellement heureuse que je m’en fichais.
-   Vous avez prévu de sortir bientôt ? m’interrogea Diane.
-   Oui. On va aller au cinéma ce week-end.
   Plus précisément, voir le film que Chelsea avait manqué.
-   Il va te falloir une tenue exceptionnelle ! m’assura Ruby.
   Je reconnaissais bien là une accro du shopping.
-   Pourquoi pas mercredi ? renchérit Diane.
-   Ca ne va pas être possible, j’ai un DM à faire …, les informai-je.
-   C’est qui le beau garçon en bas ?
   Toutes les têtes se tournèrent vers Megan puis nous nous précipitâmes toutes à la fenêtre. Quelle ne fut pas stupeur de constater qu’il s’agissait de Killian !
-   Ouah ! Mais il est super mignon ! s’exclama Diane.
-   De trop ! poursuivit Ruby.
-   Ce petit côté rocker … Ce n’est pas pour me déplaire …, murmura Megan.
-   Tu le connais Lilian ?
   Mes amies me scrutaient, l’air avide.
-   Euh … Oui …
-   Qu’est-ce que tu attends ! s’écrièrent-elles. Va lui ouvrir !
   Déconcertée par l’apparition de Killian, je descendis au rez-de-chaussée, ouvris la porte d’entrée et me rendis au portail. Je ne savais pas quelle tête il ferait en me voyant – soit il me cracherait à la figure, soit l’exact opposé. Je n’étais pas préparée à ce qu’il me sourit comme si j’étais le soleil de sa journée. Cela me fit peur.
-   Lilian, bonjour !
-   Euh … bonjour … Qu’est-ce qui se passe ?
-   Quoi ?
-   Pourquoi tu souris comme ça ?
   A peine les mots sortis de ma bouche, les traits de la tour se crispèrent.
-   Parce que tu crois que te voir me fait particulièrement plaisir ?
   Il avait quasiment craché ses paroles sans à aucun moment se départir de son sourire.
-   S’il n’y avait pas des risques que l’on te voit chialer, comme tes copines par exemple, tu verrais que, non, ta compagnie ne m’est pas franchement agréable.
-   Ah …
   J’étais gênée et je me demandais bien ce que j’avais fait pour qu’il m’oppose une telle animosité.

 " Ne pars pas, s’il te plaît

       Reste

      Que si nous devions mourir demain

     Ca soit au creux de tes bras

     … " 
   Encore ses paroles !

  -   Je suis là, reprit Killian, pour t’avertir que l’Ace Guild a officiellement déclaré à la Knight et à la Rook Guild qu’elle voulait vous buter, toi et les deux autres. Pigé ?
-   … Oui …
-   Donc fait gaffe. Ne reste jamais seule dans des endroits déserts ou sombres. C’est le minimum. Avec l’autre cinglée et les deux ploucs qui la suivent on va s’arranger pour ne jamais vous laisser seules mais bon … voilà quoi.
   Il passa la main dans ses cheveux puis conclut sa tirade d’un :
-    J’y vais, hein.
   Et il repartit, comme il était venu.


   J’avais le cœur serré à la perspective que des aces soient en ce moment même en train de me traquer et de ce fait, je n’étais absolument pas concentrée sur le film, ce qu’Anthony remarqua.
-   Le film ne te plaît pas Lilian ?
-   Si, si ! Ne t’inquiète pas.
   J’optai pour une posture attentive et tâchai de reprendre le fil de l’histoire. Au bout de trois minutes, j’abandonnais.

   Mon portable vibra, m’indiquant que je venais de recevoir un message. Je le lus.

" Lilian il est tard. Rentre à la maison. Bisous. Maman "

   Elle devait se payer ma tête, sans aucun doute. Elle savait que je rentrerai tard, je le lui avais dit et elle m’avait donné son accord.

" Je suis dans la salle de cinéma, le film est presque fini, je rentre dès que le générique de fin commence. "

   J’attendis de lire l’accusé de réception puis refermai mon portable. Le vibreur se déclencha tout de suite après.

" Non. Tu rentres maintenant Lilian ! Je ne te le dirais pas deux fois. Bises, maman "

" Je ne peux pas rentrer, ce sont les parents d’Anthony qui doivent venir nous chercher, il ne m’a pas emmené en voiture. Je rentre dès que je peux. "

   Ce à quoi ma mère répondit par un :

" Ca suffit Lilian. Tu n’as pas à me répondre comme ça, tu es punie. Un bus passe devant le cinéma dans dix minutes. Gare à toi si tu le loupes. Bisous, maman. "

   Je faillis m’étrangler devant l’injustice dont j’étais victime mais rassemblai mes affaires.
-   Qu’est-ce que tu fais ? s’étonna Anthony.
-   Ma mère me demande de rentrer par le bus qui passe dans dix minutes parce qu’elle trouve qu’il est trop tard.
-   Tu ne lui avais pas donné l’horaire de fin de la séance ?
-   Si, bien sûr. Mais … C’est comme ça. Je ne comprends pas non plus.
-   Bon …
   Il se releva mais je le poussais à se rasseoir.
-   Reste ici Anthony, il faut quelqu’un qui puisse me raconter la fin.
   Je sentais surtout les larmes me monter aux yeux et je ne voulais pas qu’il le voie.
-   Lilian …
-   Lilian, rien du tout ! le coupai-je. J’y vais.
   Je me faufilai entre les sièges puis sortis de la salle.

   Je me retins de pleurer jusqu’à ce que je sois assise dans l’abri de bus.

" Je lui avais dit … elle le savait … Elle me fait chier ! Elle passe son temps à me faire chier de toute manière … En plein rendez-vous avec Anthony ! A croire qu’elle n’a que ça à faire ! "

-   BORDEL DE MERDE !
   Il fallait que ça sorte. Je n’aimais pas particulièrement sortir des expressions pareilles mais, pour le coup, c’était plus fort que moi. Les passants me regardaient bizarrement, comme si j’avais hurlé : " LES ALIENS ATTAQUENT ! ". Ils me prirent peut-être pour une folle ou pour une dévergondée, selon leur âge. Les plus sympathiques penseraient que mon copain m’avait posé un lapin. Les larmes dégoulinaient et je ne cherchai plus à les retenir. Je ne les essuyai pas non plus, tenant peut-être à ce que ma mère voit que j’avais pleuré. Je l’imaginai, demandant naïvement si ma sortie c’était mal passé. J’étais tellement énervée que je prenais plaisir à m’imaginer lui coller une grosse baffe après qu’elle ait posé la question fatidique. Bien sûr, j’en aurai profiter pour lui dire tout ce qui me pesait sur le cœur et qui était dû à sa manière de faire. Je sanglotai à présent. Et le bus qui n’arrivait pas ! Je me retins pour ne pas crier une autre grossièreté. Je calai ma tête entre mes mains lorsqu’une autre s’abaissa sur mon épaule. Je crus d’abord que c’était Anthony et paniquai. Mais c’était Killian. Je ne l’avais pas revu depuis le lundi. Je lui jetai un regard apeuré avant de détourner les yeux et d’essayer d’arrêter mes larmes. N’y arrivant pas, je pleurai encore plus, de nervosité à présent.
-   Par … Pardon …, balbutiai-je. Je … suis … vrai-vraiment désolée de t’im … de t’imposer ça …
   Que je m’excuse pour rien n’arrangeait pas les choses. Après tout, Killian ne s’était pas plaint de mes sanglots, il n’avait même pas ouvert le bouche. Ce qui était d’ailleurs plutôt étonnant. Il fit alors quelque chose de vraiment surprenant. Voir même d’audacieux. 
   Il passa ses bras autour de moi et m’attira contre lui, sans un mot. Je voulus d’abord protesté mais ne le fis pas. Mes larmes redoublèrent. Sa présence était la bien venue, j’avais justement besoin de quelqu’un à qui dévoiler tous mes malheurs sans pour autant les lui narrer.

   Le bus arriva. Il me tendit une main pour m’aider à me relever.
-   Presse-toi un peu, le bus va partir sans toi sinon.
   J’acceptais sa main, plaçai la mienne dans la sienne.

   Je montai dans le bus, tendis ma monnaie au chauffeur pour payer mon ticket puis m’assis à une place de libre. Je constatai avec étonnement que Killian était monté lui aussi ! Il s’installa au siège à côté du mien puis attendis que le véhicule démarre pour reprendre la parole.
-   Alors … Qu’est-ce qui se passe ? Ton copain t’a posé un lapin ?
-   Non … Il était là …
-   Parce que t’as vraiment un copain ? 
-   Hein ? Ben oui … Même qu’aujourd’hui on avait rendez-vous … au cinéma …
-   Et c’est pour ça que tu pleures ?
-   Non … Ma … ma mère a voulu que je rentre … avant que le film soit fini …
-   Pourquoi ?
-   Parce que … Elle trouvait qu’il était tard et que je devais rentrer …
-   Ta mère a jamais été jeune ou quoi ?  Si pour elle ça c’est tard !
   Il s’esclaffa et je me mis à rire tout en reniflant. Ce n’était pas très sexy.
-   Et donc tu pleures parce qu’elle te demande de rentrer ? Tu ne serais pas un peu pleurnicharde sur les bords ?
-    Mais … Mais c’est que … ça m’énerve … J’en ais vraiment marre … Je n’ai pas de vie en dehors de chez moi … Et encore ! A la maison je dois me contenter de faire mes devoirs et de faire plaisir à mes parents ! Dès que je veux sortir c’est la croix et la banière pour qu’ils acceptent !
   Je recommençais à pleurer. Là, c’était sûr, j’étais une pleurnicharde.
-   J’aimerai bien qu’ils me laissent un peu plus de liberté et qu’ils acceptent que tous les pédophiles de la ville ne se donnent pas rendez-vous sur mon chemin ! m’énervai-je.
-   C’est ce qu’ils pensent ? 
-   En gros …
-   Brr ! J’aimerai pas avoir tes parents ! Et pourtant je ne m’entends pas avec les miens !
   Il recommença à rire et je l’observais. Ses yeux étaient étranges. Hormis la partie habituellement blanche de l’œil, tout le reste était noir. On ne distinguait pas son iris de sa pupille.
-   Je descends ici, l’informais-je, au bout de quelques minutes.
-   Moi aussi.
-   Quoi ?
   Il me poussa vers la sortie.
-   Mais … Pourquoi tu descends ici ?
-   Parce que tu y descends.
   Comment pouvait-il être à la fois gentil et énervant ? Ses deux personnalités étaient bien trop opposées pour n’être au final qu’une seule personne. Ou alors savait-il jongler avec habilité entre les deux facettes se sa personnalité. Et dans ce cas, quelle était la vraie ? La méprisante ou la douce ?

 

   A quelques mètres de ma maison, la tour s’arrêta et je lui demandais la raison.
-   C’est mon tour de garde pendant encore une heure et je dois récupérer des affaires dans ma voiture, qui est garée là.
   Il me désigna l’un des véhicules.
-    Oh ! D’accord …
   Je commençai à m’éloigner avant de me décider à ajouter :
-    Salut.
   Il eut l’air un peu surpris mais il sourit un peu et me rendit mon au revoir.
-   Fais quand même atten … LILIAN !
   Il se jeta sur moi, me projeta à terre, m’évitant ainsi de me prendre une gerbe de feu sortie de nulle part, qui s’écrasa sur le goudron de la route.

   J’avais mal partout mais plus peur encore.
-   Il est revenu …, murmura la tour.
   Devant mon air étonné et apeuré, il m’expliqua :
-   C’est un ace et il s’en est pris à Jade le week-end dernier mais il est partit sans prévenir.
-   Vous … n’avez pas réussi à l’avoir ? m’étranglai-je.
   Killian secoua la tête.
-   Non. Il est protégé par un autre ace qui doit disposer d’un bouclier. Tabatha n’était pas loin de l’avoir.
   Même Tabatha avait échoué !
-   Faut pas qu’on reste là.
   Il m’empoigna le poignet et se mit à quatre pattes, me poussant à le suivre. Il nous conduisit jusqu’à sa voiture puis me fit monter dans sa voiture avant de le faire lui même et de démarrer en trombe le véhicule.
-   Hé ! protestai-je. Où tu m’emmènes ?
-   Si on reste ici les aces risquent de détruire tout le quartier.
-   Mais … mais la dernière fois vous êtes restés sur place !
-  Justement, "nous" étions à plusieurs ! Sans le roi ou la reine, la tour ou le cavalier voit la moitié de sa puissance réduite.
-   AH !
   Une nouvelle boule de feu venait de passer, à vingt centimètres de ma vitre.
-   T’as ton portable ? m’interrogea la tour.
   J’acquiesçai.
-   Appelle la cinglée … euh, non, Tabatha … Elle se chargera de prévenir les autres.
   Je m’exécutai immédiatement et la reine décrocha dans les secondes qui suivirent.
-   Quoi ? grogna-t-elle.
-   C’est Lilian ! Je suis avec Killian et nous sommes poursuivis par … les aces que vous avez affronté la dernière fois.
-   Où êtes-vous ? s’enquit-elle, son sérieux retrouvé.
-   On est en voiture …
-   Demande à Killian où il vous emmène, me coupa-t-elle.
   Je répétai la question à Killian.
-   Au Cherry Creek State Park.
-   Au Cherry Creek State Park. On est parti de chez moi, la renseignai-je.
-   Bien. On vous rejoint.
   Elle raccrocha.
-   Qu’est-ce qu’elle a dit ? me demanda la tour.
-   Qu’ils arrivaient. KILLIAN, ATTENTION !
   Une personne se tenait au milieu de la route. Killian évita de peu la nouvelle attaque enflammée qu’elle nous envoya et tourna dans une rue, qui nous éloignait de notre destination. Une chance que personne n’ait été sur cette route.

   La peur me nouait l’estomac. J’étais totalement crispée et que Killian slalome entre les passants ne m’aidait pas à me calmer, un peu. Je crus d’ailleurs à plusieurs reprises qu’il allait en percuter un.

   Avions-nous réussi à semer les aces ? En tout cas, ils ne s’étaient pas manifestés depuis plusieurs minutes, ce qui persuada Killian de reprendre la route du Cherry Creek State Park. Je ne pouvais m’empêcher de jeter compulsivement des coups d’œil aux rétroviseurs, bien que je ne sache pas exactement ce que je craignais de voir. La pluie qui s’était mise à tomber rendait la visibilité mauvaise.
-   On est suivit.
   Qu’avait dit Killian ?
-   Quoi ?
-   La voiture qui est derrière nous, c’est la même depuis tout à l’heure.
   J’entendis le moteur plus fort qu’avant et le paysage défilait plus rapidement que tout à l’heure : mon conducteur accélérait. La voiture de derrière aussi – et je constatai, qu’effectivement, non seulement elle nous suivait depuis le début mais qu’en plus, son conducteur était l’individu qui nous avait barré la route un peu plus tôt. La personne sur le siège passager devait être l’ace avec le bouclier.
-   Killian ! Tu as loupé la sortie ! remarquai-je soudain.
-   Je sais.
   Il donna un grand coup de volant et la voiture effectua un demi tour, dans un grand crissement de pneus mouillés. Nous roulions désormais droit sur nos poursuivants.
-   KILLIAN ! STOOP !
   Il ne m’écouta pas. Je tentais de lui arracher le volant des mains mais il me repoussa.
-   Laisse-moi faire !
-   STOOOOP !
   La voiture des aces pila mais ne s’arrêta pas immédiatement en raison de la pluie. Je crus un instant que ma dernière heure était venue avant que, tel un pro, Killian dévie suffisamment notre véhicule pour nous éviter une collision mortelle.
-   Tu es complètement dingue ! hurlai-je une fois que j’eus réalisée que je n’étais pas morte. On a failli mourir !
-   C’est toi la dingue ! Arrête de hurler !
Mes cris s’intensifièrent quand je vis dans le rétroviseur que la voiture des aces était de nouveau à notre poursuite.
-   QU’EST-CE QU’ON VA FAIRE ? !
-   ARRETE DE HUR … !
   Killian eut beau freiner, nous rentrâmes dans le grillage qui délimitait le Cherry Creek State Park et continuâmes de le traîner sur une dizaine de mètres.

   La voiture échappa au contrôle de la tour et zigzagse mit à zigzaguer. En plein dans un arbre. Arbre dangereusement implanté sur le versant d’un fossé.

   Si, dans une situation plus ordinaire, j’avais été seule dans la voiture, ou plutôt au volant de cette voiture, je serais morte. Comme ça. Peut-être pas sur le coup mais je serais morte. J’aurais été déclarée comme décédée dans un accident de voiture. Tout le monde aurait beaucoup pleuré, j’en suis sûre, y compris des personnes insoupçonnées. On a parfois plus d’amis mort que vivant. C’est triste je trouve. Au moins, j’aurai eu le temps de me réconcilier avec Anthony.

   Apparemment, on voit sa vie défilée avant de mourir. Et comme je suis une personne très normale, j’aurai pensé que ça m’arriverait moi aussi. Seulement non. Il y a juste les secondes qui s’étirent, pour faire durer nos derniers instants je suppose. Elles durent tellement longtemps ses secondes que j’ai même le temps de penser à tout ce que je viens de dire. A faire des hypothèses au cas où j’aurais été seule dans cette voiture.

   Mais je ne l’étais pas.

   Killian ouvrit en grand sa portière et, comme nous n’étions pas attachés, je venais de m’en rendre, me tira de mon siège et nous expulsa de l’habitacle.

   La voiture percuta l’arbre qui sous le choc partit s’écraser … je ne sais pas où. Et ça m’importe peu en fait.

   Killian me servit d’amortisseur et nous roulâmes dans le fossé, à notre tour. Je fus tartinée de boue et d’herbe – en avalais un peu. J’avais l’impression que ma chute ne s’arrêterait jamais. Nous venions de dépasser un rocher quand la peau du rook était devenu de la pierre et s’était comme greffée à la pierre. Il m’avait retenu et mon envie de vomir se calma, maintenant que mon estomac ne tanguait plus à droite et à gauche.
-   Ki …
-   Chut, m’intima-t-il en chuchotant. Les aces vont nous chercher. On ne doit pas faire de bruit jusqu’à ce que Stanislas et les autres nous aient repéré.
   La pluie n’avait jamais été aussi bienfaisante qu’en cet instant. Je respirais mieux, débarassée de la boue et de l’herbe dans ma bouche, même si elle faisait coller mes cheveux à mon visage. Je m’agrippai autant que je le pouvais à Killian.

   Pendant combien de temps allions-nous rester ainsi ?

 


   Au bout de plusieurs heures, la pluie semblait avoir pénétré mes os et je mourais de froid. Je ne me plaignais pas, craignant de causer notre perte. Les aces nous cherchaient peut-être toujours. Où était Tabatha ? Je m’étais mise à pleurer tellement le froid était intolérable.

" On va bientôt nous retrouver … " espérai-je. " Oui bientôt … ". Mais personne ne venait et l’eau continuait à me tomber dessus. Killian souffrait-il autant ou bien être transformé partiellement en caillou le rendait-il insensible ? J’avais été tenté de lui demander en quoi consistait réellement son don mais je ne pouvais pas parler. Mes dents s’entrechoquaient tant ! Quand cette nuit se terminerait-elle ? Elle ne paraissait pas avoir de fin. Jamais le soleil ne m’avait autant manquer, tout comme la chaleur. Et ma mère ? Je craignais que dans l’urgence de l’action, les knights ou les rooks n’aient pas eu l’occasion de demander à un doué de me remplacer le temps que l’on me retrouve. Mes parents devaient être fous d’inquiétude ! Ils avaient dû appeler tous mes amis ainsi qu’Anthony, qui devait s’en vouloir de ne pas m’avoir suivi. Peut-être même avaient-ils appelé la police.

   Et si l’équipe de Tabatha avait été mise en déroute ? Cela expliquerait pourquoi ils n’étaient pas déjà venus nous chercher. Oh non, pitié ! Ils ne pouvaient pas tous être mort ou grièvement blessés !

   L’ambiance se prêtant parfaitement au jeu, je fus bientôt persuadée que personne ne viendrait et que je mourais ici. Ma vie semblait définitivement devoir s’arrêter au Cherry Creek State Park. J’avais les yeux fixés sur mes doigts. Ils étaient tous frippés et bleus. Je les desserrais un peu mais cela me fit mal. Je sentais mes paupières se baisser tout en le refusant car j’avais le terrible pressentiment que je ne me réveillerai plus. J’étais tellement fatiguée …

   J’avais tellement froid aussi …

   Tellement froid …

   Et je fermai les yeux.

-    Elle est en hypothermie, amène les couvertures !
   La voix stridente de Tabatha me fit sortir de mon état comateux, sans me faire ouvrir les yeux cependant. Je sentis qu’on m’enveloppait, qu’on me frictionnait.
-    Pas besoin d’eau. Je crois qu’elle en a eu un peu trop cette nuit.
   C’est vrai … Il avait plu cette nuit me semblait-il …
-   J’ai dit " PAS D’EAU " !
   Si elle pouvait arrêter de hurler … je voulais dormir, moi.
-   Sers une tasse de chocolat. Avec un peu de chance, ça la stimulera.
   Je n’avais pas faim … je voulais dormir. Mais dès que les effluves de la douce boisson m’effleurèrent, je me rendis compte que mon estomac me faisait atrocement mal. Cela réveilla d’ailleurs toutes les douleurs de mon corps. J’avais mal partout tout compte fait.

   J’ouvris mes paupières au coup par coup et des cris de joie fusèrent.
-   Lilian ! Lilian, tu m’entends ?
-   A … Alexandre ?
   Le soleil me fit mal et je clignais des yeux pour en atténuer la lumière avant de me rendre compte qu’il s’agissait simplement de la tête blonde du cavalier.

   J’étais à l’arrière d’un 4x4, que j’identifiais comme celui dans lequel j’avais été kidnappé.
   Je me redressai difficilement, chaque mouvement révélant de nouvelles courbatures.

   Alexandre était assis à mes pieds et me tendait une tasse fumante.
-   Bois un peu, il faut que tu te réchauffes.
   J’attrapai la tasse et me brûlai la langue dès les premières gouttes qui tombèrent dans ma bouche. Je continuai tout de même à boire.
-   Toute la police est sur ses traces, il va falloir inventer quelque chose …
   Je reconnus la voix hypnotique de Stanislas, à quelques mètres.
-   En évitant de mettre Lilian dans une situation trop désagréable.
   Cette fois, c’était Killian. Je compris qu’il s’inquiétait de mon sort suite à mes pleurs de la veille, à la sortie du cinéma.
-   On pourrait dire que …, commença Malcolm.
-   Qu’est-ce qui s’est passé hier soir ? demandai-je à Alexandre.
-   Tu veux savoir pourquoi on a tant tardé hier ?
   J’eus une moue gênée mais le punk ne parut pas m’en tenir rigueur.
-    Nous n’étions pas très loin de vous quand votre voiture a défoncé le grillage du parc et on s’est précipité à votre secours mais nous sommes tombés sur les aces. Celui qui jetait les boules de feu était très doué et avec son partenaire qui empêchait que l’on l’attaque cela ne nous facilitait pas la tâche. Stanislas et moi on s’est chargé du premier et Tabatha et Malcolm de celui avec le bouclier. Il s’était vraiment bien planqué et après ils ont eu quelques difficultés à le battre. Ce n’est qu’après qu’ils lui aient réglé son compte qu’on a pu, avec Stanislas, battre l’autre. Mais nos combats ont attiré les responsables du parc qui ont découvert la voiture et le trou que vous aviez fait dans le grillage. On a dû attendre qu’ils partent et nous ne nous sommes lancés à votre recherche il y a seulement une demie heure …
    Il s’était mis à tripoter ses doigts, révélant chez lui une certaine nervosité que je ne lui avais jamais vu.
-   Il y a un problème ? m’inquiétai-je d’une voix tremblotante.
-   Euh … Non, non, ça va …
-   Il n’y a pas de " ça va " qui tienne.
   Tabatha se tenait derrière son cavalier.
-   Viens, m’ordonna-t-elle. Il faut que tu voies.
-   Tabatha, elle est encore très faible …, plaida Alexandre.
-   Et alors ? La faiblesse n’excuse pas l’ignorance.
    Le punk m’aida à sortir de la voiture et à rester debout. La reine knight se dirigea vers une bâche noire d’une démarche claudicante. Comme me l’avait expliqué Alexandre, la bataille de cette nuit n’avait pas été une partie de plaisir. Tabatha retira la toile, laissant à découvert les corps des aces.

   J’eus un violent haut le cœur à la vue des cadavres mais la reine ne me laissa pas le temps de souffler. Elle s’accroupit en grimaçant, probablement à cause de sa cheville qui devait être blessée, et pointa du doigt le tatouage se trouvant sur la nuque de l’un d’eux. Il s’agissait d’une carte à jouer, l’as, d’où semblaient s’échapper des rubans. Plus précisément, un as de trèfle.
-   Comme tu le sais, l’Ace Guild a officiellement déposé un contrat sur vous. L’ace qui l’a dit à Jade …
-   Un ace a été en contact avec Jade ? m’écriai-je.
   Tabatha leva un sourcil.
-   Elle ne te l’a pas dit ?
   Je secouai la tête.
-   Tss … C’est quoi votre problème ? pesta la reine. Jade ne savait déjà pas que Morgan …
-   Morgan aussi a été attaquée ? la coupai-je.
-   MAIS VOUS VOUS RENDEZ COMPTE DE LA SITUATION ? s’énerva Tabatha. On veut vous tuer. Compris ? Vous tuer. Et vous, plutôt que de vous entraider en disant aux autres : "Faîtes gaffe, on s’en est pris à moi, on s’en prendra à vous ", qu’est-ce que vous faîtes ? Rien. Vous prévenir les unes les autres, c’est le minimum pour survivre.
   Mon malaise s’accentua.
-   N’insiste pas Tabatha …, lui souffla Alexandre.
-   Mais elles m’énervent ! cracha-t-elle en levant les yeux au ciel. Qu’elles se débrouillent !
   Elle se releva et partit, furieuse. Une main s’abbatit alors sur mon épaule. C’était Stanislas.
-   Ne stresse pas Lilian. Elle est de mauvaise humeur, elle a eu une nuit difficile.
   Le roi rook présentait pour sa part des brûlures sur un pan du bras et devait avoir une coupure en haut de la tête car du sang se trouvait au-dessus de son œil. Il prit la place de Tabatha et me résuma la situation.
-   Lors de sa confrontation avec Jade, l’ace lui a dit que vous subiriez " l’attaque des quatre familles " et qu’elle causerait votre perte. Nous ne savions pas comment l’interpréter jusqu’à ce que l’on voit ça.
   Il désigna le tatouage de l’ace.
-   Du peu que l’on sache de l’Ace Guild, nous connaissons l’existence d’assassins à sa solde qui sont désignés comme le trèfle, le carreau, le cœur et le pique. Le trèfle est le moins fort, le pique le plus puissant. Au-dessus du trèfle se trouve le carreau et en dessous du pique le cœur. Nous pensons désormais que les quatre familles se réfèrent au quatre types de famille dans les jeux de carte, ce qui paraît logique. Les aces que nous avons affronté cette nuit étaient le duo du trèfle et ils ont réussi à blesser Tabatha, ce qui n’était pas arrivé apparemment depuis des lustres. Nous craignons la puissance des trois autres familles et leur méthode. Les aces n’ont pas hésité à vous attaquer dans des lieux publics, ils ne craignent pas de révéler au monde leur existence et les conséquences que cela auraient.
   Il se tut pendant quelques secondes avant de reprendre.
-   Je dois être franc avec toi : nous ne sommes pas sûrs de pouvoir réussir à vous protéger.

-   Bon, tu te rappelles de tout ?
-   Oui.
-   Bonne chance alors.
   Je descendis du 4x4, qui repartit aussitôt.

" Alors … le poste de police est un peu plus loin … "

me rappelai-je.

   Me souvenant des recommandations que l’on m’avait faîte, je tâchai de prendre un air hagard et une démarche tremblotante.
   Je mis à peine un pied dans le poste que l’un des policiers assis au comptoir se précipita sur moi.
-   Miss Stevens ? s’enquit-il.
-   Oui …
   Il me prit par les épaules et me poussa à m’asseoir.
-   Que quelqu’un prévienne ses parents qu’on l’a retrouvé ! cria-t-il. Comment te sens-tu ? me demanda-t-il ensuite.
   Je ne répondis pas afin qu’il en tire ses propres conclusions.
-   Elle est sous le choc …, murmura-t-il pour lui-même. Quelqu’un a prévenu ses parents ?
-   Oui ! Ils arrivent !
-   Bien. Qu’est-ce qui t’es arrivé ? s’enquit-il.
-   Je … je ne me rappelle pas … je venais de sortir du cinéma … et … et après c’est le trou noir !
   J’éclatai en une série de sanglots qui se voulaient conpulsifs.
-   La pauvre enfant …, entendis-je murmurer.
   La conclusion à laquelle arriva l’enquête fut que l’"on" m’avait attaqué sur le chemin du retour pour me piquer mon argent – contenu dans le porte-feuille que m’avait retiré Alexandre. "On" m’avait assommé puis abandonné dans un coin désert avant que je ne me réveille ce matin et que je rejoigne le poste de police. Je ne me souvenais, malheureusement, de rien. Quand ma mère était arrivé, elle m’avait prise dans ses bras en se répendant en excuses, elle s’en voulait affreusement de m’avoir obligé de partir au cinéma. Mon père s’était contenu mais je voyais bien qu’il était soulagé. Mon frère avait lui aussi pleuré en me voyant – à croire qu’ils me croyaient tous morte. Ce que j’avais bien failli être, en réalité.

   Nous étions repartis dans l’après-midi, les policiers étant " désolés de ne pas pouvoir retrouver les agresseurs de votre fille ".

   Tout le monde était joyeux. Ma mère me cuisina mes plats préférés. Thomas fut à mes petits soins. Mon père délaissa son ordinateur portable pour s’occuper de moi. Je me désolais de ne pas réussir à être heureuse alors qu’il y avait une telle émanation de bonheur autour de moi.

   Comment aurais-je pu ?

 


" … nous ne sommes pas sûrs de pouvoir réussir à vous protéger. "

   Comment peut-on être heureux quand l’on sait que nos jours sont comptés ? Et que personne ne semble pouvoir l’en empêcher ?

   Pas même Tabatha Taylor.



Lexique
Cherry Creek State Park : Il s’agit d’un important parc situé à Denver de 3346 hectares qui est composé de prairie naturelle avec un lac en son centre qui est partagé entre les bateaux à moteur, voiliers et bateaux à aubes avec des plages, où l’on peut faire du vélo, des randonnées et des balades à cheval (entre autres) sur les routes, chemins et sentiers.


Voilà, ceci est le dernier chapitre de ce qu'on pourrait considérer comme la première partie de ce premier volume. Plus qu'à écrire la deuxième et dernière partie. Les deux chapitres qui vont suivre peuvent être considéré comme transitoire bien qu'ils n'en restent pas moins croustillants, enfin je l'espère.
J'espère que vous continuerez à me suivre chers lecteurs !

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5 février 2010 5 05 /02 /février /2010 22:00
chapitre 19 - plateau ensanglanté
-   Hum … A quoi penses-tu Jade ?

   Silence.
-   Jade ?
   Silence. 
-   Jaaade …
   Soupir.
-   Tu n’es pas malade quand même ?
   Soupir.
-   Jade !
-   Alexandre !
   Je repoussai le punk qui avait entrepris de me faire un câlin, espérant sans doute provoquer une quelconque réaction chez moi. Et il avait réussi.
-   Tu ne te rends pas compte Jade ! Je m’inquiétais !
-   Tu ne sers pas Tabatha dans tes bras quand tu t’inquiètes pour elle ! rétorquai-je.
-   Tabatha me tuerait si j’osais le faire ! Ce n’est pas l’envie qui me manque.
-   Tu ne sens rien, non ?
-   Et alors ? Je peux mourir moi aussi !
-   Les esprits malfaisants ne peuvent pas mourir, répliquai-je, moqueuse.
-   Un esprit malfaisant … Oui … Ca résume bien le personnage …
-   Tabatha !
   Je ne l’avais pas vu venir et j’espérais qu’elle ne m’avait pas vu dans les bras de son cavalier. A l’origine, j’attendais Karen devant le lycée quand Alexandre avait pointé le bout de son nez, escorté par Malcolm – ce dernier était ensuite parti chercher quelque chose dans son casier, nous laissant seuls.
-   B-b-b-bonjour ! bafouillai-je.
   La reine leva un sourcil puis répondit à ma salutation d’un " Bonjour " qui trahissait sa répugnance à mon égard. Elle ne s’attarda pas d’ailleurs auprès de moi et partit, probablement pour rejoindre sa salle de cours, le punk sur ses talons. Karen arriva quelques minutes après.
-   Je vais le faire aujourd’hui, déclara-t-elle, sans préambule.
   Ce fut à mon tour de lever un sourcil.
-   Qu’est-ce que tu vas faire aujourd’hui ?
   Ma mère m’a sommé de me décider pour le bal de fin d’année si je veux avoir le temps de choisir la tenue qui me plaît. C’est pourquoi je vais demander aujourd’hui à Alexandre s’il veut bien m’accompagner au bal.
   Elle aurait tout aussi bien pu me frapper tellement j’étais surprise et, je devais l’avouer, un peu effrayée. Je savais qu’elle le ferait un jour mais là … maintenant, tout de suite …

" Je veux que vous me promettiez de ne jamais éprouver le moindre sentiment amoureux pour eux. Jamais. "

   Ce fut comme une piqûre de rappel. Je devais me contrôler.
-   Euh … d’accord … Comment tu comptes t’y prendre ? m’enquis-je.
-   Pour être franche … je voulais que tu m’aides …, m’avoua Karen.
-   Moi ? m’étonnai-je. Je te préviens, je ne lui demanderais pas à ta place.
-   Ce n’est pas ça. C’est juste que … tu es proche de Tabatha alors …
-   Je ne suis pas …
-   … tu pourrais approcher Alexandre et lui dire que je veux lui parler … Tu l’amènerais à moi et là … je … enfin, je lui demanderais.
-   Pourquoi ne vas-tu pas le voir directement ?
-   Je ne peux pas. J’ai trop peur de Tabatha. J’ai l’impression que si je demande à parler à Alexandre seule à seul sous son nez elle me décapitera.
   Karen n’était pas si loin que ça de la vérité. Seulement Tabatha préférait, lorsqu’elle était en colère, balancer des escaliers sur les gens. Mais bon, elle avait compris le principal : il était plutôt risqué de trop s’approcher d’Alexandre quand elle était dans les parages.

 

   Une question que je ne m’étais jamais, jusqu’à cet ennuyeux cours d’histoire, posée germa dans mon esprit : pourquoi Tabatha tenait-elle autant à ses cavaliers ? En était-il ainsi pour toutes les équipes ? Bien entendu, non puisque Tabatha était la seule reine à avoir deux cavaliers. Et qui pouvait m’apporter des réponses ? Je me voyais mal poser la question à l’un des principaux concernés – c’est-à-dire Malcolm, Alexandre et Tabatha.

   Je commençais à craindre que mes questions restent sans réponse.

-   Bon … J’y vais …

   Ma phrase ne s’adressait qu’à moi. Je mis un pied devant l’autre, fis une pause, avançai encore d’un pas. Pourquoi mon cœur battait-il à une vitesse pareille ? Ce n’est pas moi qui allait demander à Alexandre de m’accompagner au bal ! De plus, manque de chance, il était flanqué de Malcolm et de Tabatha, non pas que ce soit étonnant.
-   A … Alexandre ?
-   Jade ! Que me veux-tu ? Je suis prêt à tuer pour toi !
    J’essayai de ne pas trop penser au regard assassin que me lança Tabatha à l’entente de la dernière phrase.
-   Pas … pas besoin … par contre … je … je … je voudrais … enfin … voilà … quelqu’un … quelqu’un voudrait te parler …
-   Vraiment ? Qui donc ? m’interrogea Tabatha.
-   Euh … Elle … elle n’est pas dangereuse …
-   C’est une fille ! fulmina la reine.
-   Ne t’énerve pas Tabatha ! Elle va sûrement lui demander la même chose que les autres, rigola Malcolm.
   Alexandre rit aussi puis me suivit à travers la cour.
-   Dis-moi tout Jade …
-   Je n’ai rien à te dire.
-   Voyons, bien sûr que si. Je sais de quoi il s’agit.
   Il avait l’air si sérieux que je crus qu’il avait deviné mes interrogations secrètes. Je préférais néanmoins vérifier, commençant à avoir l’habitude de ses étranges réactions.
-   Ah bon ? Quoi ?
   Il s’arrêta et mit se mains sur mes épaules.
-   Tu veux que je t’accompagne au bal ?
   Je piquai un fard et recommençai à marcher.
-   Non ! Bien sûr que non !
-   C’est sûr ?
   Il parut déçu mais je compris qu’il feintait. Le fourbe ! A ce moment-là, je distinguai Karen à côté d’un groupe de lycéen, anxieuse.
-   Karen ! la hélai-je. 
   Elle se tourna vers nous et en apercevant le monstre qui se tenait derrière moi, elle rougit. Quand Alexandre fut juste à côté d’elle, je m’éloignai un peu, les laissant seuls.
-   Oh ! Tu es Karen, n’est-ce pas ? L’amie de Jade !
-   Oui … euh … Je voulais … je voulais … te-te-te-te-te demander quelque chose …, bredouilla Karen.
-   Je t’écoute.
   Etonnamment, il se comportait comme un être normalement constitué. J’avais eu peur qu’une de ses extravagances ne perturbe encore un peu plus Karen.
-   Je … enfin … si ça … ne te dérange pas … Est-ce …
" Tu y es presque Karen ! Tu peux le faire ! " l’encourageai-je, mentalement.
-   Est-ce que tu veux bien … m’accompagner au bal ?
   Sa voix s’était faîte toute petite et mignonne. Avec un peu de chance, ça plairait au punk.
-   Et bien … je suis très touché par ta proposition … Vraiment … mais …
   Non ! Il allait refuser ! Et n’ayant pas été prévenue à l’avance, je n’avais pas emporté de paquets de mouchoirs ! Avec quoi allais-je essuyer les pleurs de Karen ? Je n’étais toutefois pas assez gentille pour plaindre réellement mon amie. J’éprouvais surtout un grand soulagement qui me faisait honte.
-   … je ne sais pas encore si je me rendrais au bal … Alors je ne peux pas répondre à ta proposition tout de suite. Cela te dérange-t-il si je te donne ma réponse un peu plus tard ?
-   … Non ! Bien sûr que non !
-   C’est gentil de ta part Karen. Excuse-moi, je vais rejoindre mes amis.
-   Je t’en prie !
   Et il s’éloigna nonchalamment. Je n’en croyais pas mes oreilles.

   Il n’avait pas dit non !
-   JADE ! Il ne m’a pas dit non !
   J’étais sonnée. Incapable de véritablement m’enthousiasmée pour l’excellente nouvelle.

   Vraiment excellente ?

  Je repensai à ce qu’avait dit Malcolm : " Elle va sûrement lui demander la même chose que les autres"

  Karen n’était donc pas la seule à avoir demandé au cavalier de venir au bal ? Alexandre n’avait pourtant jamais laissé sous-entendre une chose pareille. Il semblait juste ne pas avoir accepté parce qu’il n’était pas sûr d’être là pour le bal. Que mijotait-il ? Je décidais de ne pas faire part des mes protestations à Karen, ne voulant pas la briser dans son élan.

   Mais … tout de même …

 

   Je n’étais plus qu’à quelques mètres de chez moi quand je m’aperçus que la silhouette adossée à la barrière de mon jardin appartenait à Stanislas. Il me fit un grand sourire et se redressa.
-   Bonjour Jade.
-   Euh … Bonjour …
-   Ta journée s’est-elle bien passée ?
-   … Oui …
   Je doutais que le roi rook soit là uniquement pour se préoccuper de ce genre de détails.
-   Que … qu’est-ce que tu fais ici ? finis-je par lui demander.
-   C’est mon tour de garde.
-   Ton quoi ?
-   Tu sais ce qui est arrivé à Morgan ce week-end ?
-   Non … je ne l’ai pas vu aujourd’hui … Il s’est passé quelque chose de grave ?
-   Hum … Plutôt … Elle s’est fait attaquer par deux membres de l’Ace Guild.
   Et il semblait douter de la gravité de la chose !
-   Et ? Co … Comment s’en est-elle sortie ? m’inquiétai-je.
-   Bien. On a réussi à la sortir de ce pétrin.
-   Qui "on" ?
-   Killian, moi, Malcolm, Alexandre et Tabatha, me précisa-t-il. L’une des deux aces a été mise hors d’état de nuire et l’autre a été rapatriée dans un QG de la Knight Guild. Elle a été interrogée.
-   Qu’en ait-il ressorti ?
-   De quoi ?
-   De l’interrogatoire ! m’énervai-je, c’était à croire qu’il faisait exprès d’être aussi détaché.
-   Ah … Et bien, on sait pourquoi l’Ace Guild a voulu zigouiller Morgan. Comme tu le sais, cette guilde compte détruire la planète. En fait, ses dirigeants sont des extrémistes qui pensent qu’il faut anéantir l’humanité pour qu’elle rachète ses péchés, tu vois le genre ?
-   … On va dire que oui …
-   Et bien, autant la Rook Guild pense que vous, les immortelles, vous …
-   Je ne suis pas immortelle, protestai-je.
-   Peu importe. Si les deux guildes originelles pensent que Morgan, Lilian et toi vous nous conduirez au pendentif, l’Ace Guild pense que … en quelque sorte … le pendentif est … en vous … ou quelque chose du même style. En vous tuant, elle récupère le pendentif et " boum la planète ! ". Par conséquent, il a été décidé que l’équipe de Tabatha et son équipe rook partenaire – c’est-à-dire la mienne – serait chargée de votre protection contre l’Ace Guild. Quelle ironie, tu ne trouves pas ? Je dois désormais te protéger !
-   Ha ha … C’est … ton tour de garde donc aujourd’hui ?
-   Tout à fait.
-   D’accord … euh … je vais rentrer chez moi si tu n’as plus rien à me dire …
   A cet instant, Stanislas fit la moue.
-   Quoi ?
-   Effectivement, je n’ais plus rien à te dire … mais j’ai quelques petites choses à te demander. Si je rentre chez toi, ça te dérange ?
   Je fis une grimace intérieure. Je n’avais pas la moindre envie que Stanislas mette un pied chez moi.
-   Je … je ne suis pas sûre que ma mère apprécie que … que je ramène quelqu’un comme ça … sans … sans la prévenir … désolée …, m’excusai-je.
-   Pas de problème.
   Et il m’adressa un grand sourire charmeur. Etrangement, il me mit mal à l’aise.

   Je sursautai en entrant dans ma chambre.
-   Stanislas ? !
   Il était accroupi par terre et lisait le dos d’un album de musique.
-   Re-bonjour Jade, me salua-t-il sans m’adresser un regard.
-   Qu’est-ce que tu fais ici ? m’écriai-je à voix basse, pour éviter que ma mère m’entende.
-   Tu as dit mot pour mot que cela dérangerait ta mère que tu ramènes quelqu’un sans prévenir alors je suis venu sans que ta mère le sache, comme ça elle ne sera pas dérangée.
-   Le problème n’est pas là ! On n’entre pas chez les gens comme ça !
   Cette fois, il me regarda, d’un air perplexe.
-   Vraiment ?
-   Bien sûr que oui ! Ma … ma chambre n’est même pas rangée en plus !
   Elle ne l’était jamais d’ailleurs et que Karen la voit dans cet état ne me dérangeait pas dans la mesure où elle était une fille. Ce qui n’était pas tout à fait le cas de Stanislas.
-   Hum … Bien sûr …, marmonna le roi. Tu es une fille timide mais tu laisses tomber tes défenses plus facilement avec les filles … quoique … ça dépend avec les garçons … en tout cas, moi je ne fais pas partie de cette catégorie de personnes avec lesquelles tu te relâches … Probablement parce que, entre autre, je t’ai kidnappé et séquestré … et ensuite parce que je te mets mal à l’aise parce que tu te demandes comment je fais pour cerner sans difficulté apparente la personnalité des gens … Oui, tu n’aimes pas ça, tu te sens oppressée et tu te demandes tout ce que je sais … C’est probablement ça …
   J’étais totalement ébahie.
-   Que … que … comment tu sais tout ça ?
-   Bah … J’ai des facilités …
   Et il me fixa avec un air plein de sous-entendu.
-   C’est … grâce à ton don ?
-   Possible.
   Il me fit un sourire narquois.
-   Mais … c’est quoi … exactement … comme don ? m’inquiétai-je.
-   Je vois … je perçois … les liens que les gens tissent entre eux. Les sentiments qu’ils éprouvent les uns envers les autres et, plus important, les sentiments qu’ils ont pour eux même. Certains se détestent, d’autres s’adorent … Les relations sont vraiment très complexes !
-   C’est … c’est comme ça que tu as su pour Lilian ?
-   Entre autre.
-   Et … à quoi ça ressemble un … "lien" ?
   Il réfléchit, certainement à la manière de me présenter les choses.
-   Imagine-toi … imagine que part de chaque individu des dizaines et des dizaines de fils colorés qui le relient à des dizaines et des dizaines d’individus. Chaque fil a une couleur différente et, en cours de route, il en change.
-   Pourquoi ?
-   Parce que chaque couleur représente un type de lien différent, et chaque code couleur est propre à chaque individu. Et à moins de ressentir le même sentiment et que la couleur soit la même …
-   D’a … d’accord … mais … comment fais-tu alors … pour connaître la nature du lien … s’il est différent pour tout le monde ?
-   C’est en ça que mon don m’aide. Il me permet de les comprendre mais … hum … tu connais le principe de la machine à sous ?
-   Ceux des casinos ?
-   Oui. Pour obtenir le jackpot, tu dois faire en sorte de ne faire sortir qu’un seul même symbole. Je fais pareil, dans ma tête. Je joue plusieurs fois jusqu’à avoir le jackpot. A ce moment-là, je connais avec certitude le lien. J’y arrive plus ou moins vite selon le degré de résistance de la personne que j’étudie.
-   Tu … tu peux me donner un exemple ?
-   Je n’ai absolument aucun mal à connaître tes liens avec les autres. Avec Tabatha, je n’en connais qu’un ou deux ou trois. Tu comprends ?
-   Je crois …
-   Et c’est à ce sujet que je voulais te parler.
   J’étais sur mes gardes. Malgré l’apparente amabilité de Stanislas, je ne savais pas ce qui se cachait vraiment derrière. Il me faisait un peu penser à un renard.
-   J’ai vu que tu t’entendais bien avec Alexandre Evans …, commença le roi.
   Qu’il commence par me parler de ce funeste personnage ne me mettait pas dans de bonnes dispositions.
-   Si on veut …, grognai-je. Il … il m’embête plus qu’autre chose.
-   J’avais cru comprendre mais … est-ce qu’il lui arrive de te … parler ? De choses un peu … personnelles ?
-   Non.
   Ma réponse avait été, à mon sens, claire, nette et précise.
-   Il parle beaucoup … mais … pas de lui, enfin … pas de ce qu’il pense franchement …, argumentai-je. Il blague.
   Stanislas semblait boire mes paroles.
-   Dans quelle circonstance plaisante-t-il ? enchaîna-t-il.
-   Euh … je … je ne comprends pas … ta question …
-   Tu n’as jamais remarqué à quels moments il plaisante le plus ? explicita le roi.
-   Euh …, répétai-je.
   Sincèrement, je n’avais jamais fait attention à ça. J’étais à chaque fois tellement déroutée par la présence d’Alexandre, tellement perturbée.
-  Désolée … mais … je ne vois pas …
   Stanislas soupira.
-   Ce n’est pas grave. Je n’espérais pas en apprendre énormément de toute façon.
-   … Pourquoi poses-tu toutes ces questions ?
   Le roi me fixa de ses yeux de glace impénétrables tandis que les coins de ses lèvres se retroussaient en un sourire légèrement moqueur.
-   C’est un secret, conclut-il. Merci de ta coopération.
   Il se dirigea vers la fenêtre, l’ouvrit puis, après un signe de tête en guise d’adieu, sauta, me laissant plus déroutée que jamais.

   Pourquoi cette impression que les doués passaient leur temps à conspirer, et qu’ils se servaient de nous – Morgan, Lilian et moi – pour arriver à leur but ?

-   Tu crois ?
-   Je pense. Elle irait mieux avec tes cheveux.
   Karen fit la moue.
-   Elle est quand même un peu chère. Et comme j’aimerai aussi avoir une jolie coiffure, il faudrait que j’équilibre les prix … Et puis il y a les chaussures …
   Je poussai un soupir. J’étais bien contente de ne pas avoir à me soucier de ce genre de détails. Je jetai machinalement un coup d’œil à ma montre et constatai qu’il était temps pour moi de rentrer.
-   Karen … il faut que j’y aille … Je reviendrai demain quand j’aurai fini mes devoirs.
-   Ca marche. Je te raccompagne jusqu’à la porte.
   J’attrapai mon pull que j’avais posé sur le dossier de sa chaise de bureau et me rendis à la porte d’entrée, où j’enfilai mes chaussures et remis mon pull et ma veste. Karen me fit la bise et je repartis.

   Consciente qu’il était dangereux pour moi de marcher de nuit, même avec un doué qui devait me surveiller, je me hâtais.
" N’empêche … Ca m’étonne … Pourquoi Alexandre accepterait d’aller au bal avec Karen ? O.K., elle est mignonne mais … je suis sûre que des dizaines d’autres filles lui ont demandé, et sans aucun doute des bien plus belles que Karen … Mais qu’est-ce que je raconte ? Karen est belle et Alexandre fait bien ce qu’il veut … "

  Et puis surtout :
" Je veux que vous me promettiez de ne jamais éprouver le moindre sentiment amoureux pour eux. Jamais. "

   De toute manière, ce n’est pas comme si je pouvais tomber amoureuse d’Alexandre ! C’était un abruti, un crétin … Un … un punk ! Et puis … euh … Enfin, bref.
-   Je suis rentrée ! annonçai-je en passant le pas de la porte.
   Je vis ma mère, qui était en train de faire ses comptes, probablement, mon frère et ma sœur jouaient à la console de jeux.
-   Où est papa ?
-   Sur le PC, il consulte ses mails, me renseigna ma mère. J’avais pensé passer nous faire livrer pour le dîner.
-   Super !
-   J’avais pensé à Sushi Den, j’ai envie de manger japonais, ce soir. Tu peux passer la commande Jade ?
-   Euh … O.K. Qu’est-ce que je commande ?
   Ma mère me fit une liste, que je murmurai au combiné à toute vitesse, pressée d’en finir.
-   Alors, qu’est-ce que vous avez fait de beau avec Karen ? me demanda ma mère, une fois ma corvée finie.
-   On a regardé les robes pour le bal de fin d’année. Pour Karen, précisai-je.
-   Tu ne vas pas y aller ? C’est dommage.
   Soucieuse de ne pas m’étaler sur le sujet, je m’intéressai au jeu auquel jouaient Joanna et Corentin puis regagnai ma chambre.

 

   On frappa à ma fenêtre, au beau milieu de la nuit. Je ne me réveillai cependant qu’une fois qu’une pierre manqua de briser la vitre. Je relevai mon buste et ramenai le couverture sur moi, apeurée. Une autre pierre cogna la fenêtre.
-   Jade ! C’est Malcolm !
   Je me levai mais, craignant qu’un doué ace n’ait imité la voix du cavalier, je me rendis à la cuisine et, de là, entrouvris sans bruit le volet de la fenêtre.

   Ouf. Il s’agissait bien de Malcolm.

   Je retournai à ma chambre et ouvris la fenêtre.
-   Malcolm ?
-  Oui ! Jade, dépêche-toi d’enfiler un gros pull et des chaussures de marche si tu en as, il y a des personnes qui traînent autour de chez toi et que je soupçonne être des aces.
-   Oh ! Je … j’arrive tout de suite !
   J’ouvris mon armoire et en sortis un bon gros vieux pull en laine puis me mis en quête de mes chaussures de marche – car j’en avais. Je me rendis dans le salon, où je les pris dans le placard réservé à cet effet, avant d’attraper mes clefs. J’avais pensé sortir par la porte d’entrée mais j’avais peur que ma sœur, qui dormait tout comme moi au rez-de-chaussée, ne l’entende. Et la maison résonnait, même mes parents risquaient de l’entendre de l’étage. Je descendis au garage, en prévoyant de sortir par une fenêtre – je n’avais pas sur mon trousseau la clef électronique du garage.
-   Wouf !
   Mince ! J’avais oublié Benji, ma chienne, que mes parents mettaient ici pour éviter qu’elle ne dérange toute la maisonnée la nuit.
-   Du calme Benji, chuchotai-je. Ne fais pas de bruit surtout, d’accord ?
   Ce à quoi elle répondit par un autre aboiement.
-   Chut !
   J’ouvris la lucarne, montai sur un carton et gagnai mon ticket pour l’extérieur. La lucarne était cachée par des arbustes que ma mère avait planté juste devant et je dus batailler pour réussir à me remettre debout. Je fourrai mes clefs dans l’unique poche de mon pull et cherchai Malcolm dans la nuit noire.

   Je distinguai sa silhouette et il s’approcha de moi.
-   Je vais te conduire chez Tabatha, dans un premier temps, m’expliqua-t-il.
-   O … Oui. Mais les aces … ils ne risquent pas de nous suivre ?
   Il me conduisit à sa voiture tout en me détaillant le plan.
-   Killian va servir de leurre, ne t’inquiète pas. J’ai tout prévu. Je suis un génie.
   Déstabilisée par son auto-compliment, je m’installai côté passager et Malcolm poursuivit. 
-   Alexandre sera chez Tabatha également, pour ta sécurité. Je m’occuperai de surveiller les alentours de la porte. Les rooks vont rester dans ton quartier, pour veiller sur ta famille.
   Il démarra la voiture.
-   Et Lilian et Morgan ? Elles … elles vont rester sans protection ?
-   Non, on a posé des sceaux autour de chez elles, si quelqu’un tentait d’entrer sans y être invité, nous le saurions immédiatement. Les sceaux l’empêcheront pendant quelques minutes de rentrer, le temps que l’on arrive sur place. Enfin, surtout moi, parce que je suis le plus rapide.
   Présenté comme ça, j’étais rassurée pour mes proches. Je devais maintenant me soucier de moi, et de ceux qui allaient veiller à ce qu’il ne m’arrive rien. Je me demandais également si Malcolm avait des prédispositions à s’envoyer des fleurs.

 

   Ce fut Alexandre qui m’ouvrit et, contrairement aux autres fois, il ne me sauta pas au cou. Au contraire, il était sérieux. Il avait d’ailleurs revêtu les vêtements qu’il portait lors de la bataille contre l’équipe de Stanislas, ceux où les motifs écossais de son pantalon habituellement rouges étaient noirs.

   Tabatha était assise sur le canapé – son salon avait retrouvé son aspect d’antan grâce à des méthodes miracles que je ne connaissais sans doute pas – et semblait m’attendre.
-   Vous n’avez pas été suivi ? m’interrogea-t-elle.
-   Je … je ne crois pas … Malcolm ne m’a rien dit …
-   Bon. Assis-toi sur le canapé. Alexandre suis-moi. Tu peux regarder la télé, m’autorisa-t-elle.
   Ils montèrent ensuite ensemble à l’étage, me laissant seule. Je me calais dans l’angle du canapé et ramenai mes jambes contre mon torse. Je jetai un bref coup d’œil à la télécommande mais je n’avais pas la force, au milieu de la nuit, de la prendre. Je fermai les yeux.

   Ma vue étant bouchée, mes autres sens percevaient mieux ce qui m’entouraient et j’entendis des bribes de conversation provenant de l’étage. Je me concentrais pour essayer de tout comprendre.
-   Je te … viens … andre. Je ne veux … comme … fois ! Au moin … jure … laisse … aces ! … pris ?
-   … ûr. Ne … ète …
   Je soupçonnais que l’on soit en train de parler de moi mais j’étais tellement fatiguée que je ne me sentais pas le courage de creuser la question.

   Alexandre et Tabatha revinrent au rez-de-chaussée et cette dernière ordonna à son cavalier de rejoindre Malcolm, ce qui me crispa. L’idée de rester seule avec Tabatha ne me plaisait que très moyennement. Aussi gênant que pouvaient être les comportements d’Alexandre, ils avaient l’effet non négligeable de faire oublier le reste, comme la présence de sa reine.

   Alexandre partit, Tabatha me fixa de longues minutes durant, comme pour me jauger.
-   Tu as faim ? finit-elle par me demander.
   Je lui indiquai d’un signe de tête que non.
-   Et bien moi si. Et comme je dois te surveiller, tu vas monter avec moi.
   Pourquoi alors m’avoir demandé mon avis ? Mais ma curiosité l’emporta sur ma contrariété, due à la fatigue, et je la suivis. Je n’étais encore jamais montée à l’étage et j’étais impatiente de voir à quoi ressemblait le reste de la bâtisse.

   Les murs du couloir étaient toujours de la même couleur cuivre et comportaient quatre portes en bois. Tabatha en ouvrit une, dévoilant une superbe cuisineö . Les murs étaient bardés de bois foncé et tout le mobilier était fait de cette même matière. Le sol était en parquet sombre mais, de grandes fenêtres, le jour, et des lampes dégageant une forte lumière, le soir, éclairaient la pièce.

   La reine me tira une chaise avant de sortir un paquet de cookies d’un placard. Elle s’assit ensuite en face de moi, ouvrit la boîte et croqua dans un gâteau. Tout en mâchant, elle contempla son biscuit de ses somptueux yeux vert émeraude.

   Je me demandais si Tabatha avait conscience de son physique absolument parfait et de son effet sur les autres. Sa personnalité différait tellement de la mienne qu’elle m’intriguait. J’aurai aimé savoir à quoi ressemblait notre monde vu par ses yeux si froids. J’aurai voulu la connaître un peu mieux, pourquoi pas devenir son amie. Je savais bien que c’était une entreprise risquée qui n’avait quasiment aucune chance d’aboutir mais, chaque fois qu’elle me fixait ou me parlait avec son air vaguement répugné, je ressentais le besoin de combler cette distance entre nous.

   Plongée dans mes pensées, je ne m’étais aperçue que Tabatha avait maintenant les yeux rivés sur moi. Je baissai les miens.
-   Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit-elle.
   J’étais incapable de lui révéler le sujet de ma réflexion.
-   Je … je m’inquiétai pour … pour Malcolm … Alexandre … Killian … et Stanislas …
-   Franchement, les deux derniers ne méritent pas qu’on s’attarde sur le sort. Si les aces pouvaient m’en débarrasser ça m’arrangerait.
   Elle marqua une légère pause avant de reprendre :
-   Moi aussi je m’inquiète pour Alex et Malcolm.
   Sa voix était teintée d’une mélancolie que je ne lui connaissais pas jusqu’alors. Ses sourcils étaient froncés mais ne marquaient pas comme à l’habitude une irritation mais une inquiétude sincère et profonde. A cet instant, elle paraissait si fragile ! On aurait dit une de ses précieuses poupées de porcelaine, susceptibles de se briser au moindre choc. La reine n’en paraissait que plus belle. Son attitude renforça mon impression – elle était profondément attachée à ses cavaliers bien qu’elle ait tendance à les traiter un peu durement. Elle se reprit vite, toutefois. Elle partit replacer le paquet de cookies à sa place et revint s’asseoir à sa place, de nouveau aussi glaciale qu’à l’ordinaire.

   Le silence était affreusement pesant et je n’avais qu’une envie : le rompre.
-   Ta … Tabatha … Pendant son tour de garde, Stanislas est venu me parler …
-   Et alors ? Vous faîtes bien ce que vous voulez.
-   Non mais … il m’a posé de drôles de questions … Il voulait savoir si Alexandre me parlait de lui …
   La reine serra les poings et les jointures de ses doigts devinrent toutes blanches.
-   Qu’est-ce que tu lui as répondu ? poursuivit Tabatha d’une voix trop posée pour être vraie.
-   Ri … rien !
-   Stanislas t’a dit ce qui le motivait à te poser des questions pareilles ?
-   Pas vraiment mais … il m’a expliqué que son don consistait à voir les liens de gens entre eux …
   Tabatha se leva d’un bond.
-   C’est une blague ?
   Si cela avait été possible, je me serais cachée dans un trou de souris.
-   N … non …
   Elle s’éloigna de la table et se mit à faire les cent pas, ses mains accrochées dans ses cheveux.

   Son téléphone portable sonna.
-   Allô ? dit-elle en décrochant, sa voix trahissant sa mauvaise humeur. … Malcolm va se charger de Jade et je vais vous rejoindre. Où êtes-vous ? … D’accord, j’attends d’avoir passé Jade à Malcolm pour partir. Oui, à plus.
   Elle raccrocha et se tourna vers moi.
-   L’ace se révèle plus coriace que prévu, je vais devoir me déplacer. Malcolm va te conduire en lieu sûr.
    J’opinai.
-   Reste ici, je vais me changer.
   Elle quitta la pièce tout comme mon sentiment de sécurité s’envola.

 

   Malcolm fut là quelques minutes plus tard. Tabatha avait revêtu une combinaison moulante noir qui laissait ses bras et ses jambes nues et prit connaissance de toutes les données dont elle aurait besoin.
-   Nos attaques ne fonctionnent pas contre lui … peut-être dispose-t-il d’un bouclier mais comme il est capable de nous envoyer les boules de feu on pense plutôt qu’un second ace le couvre …
-   Il va falloir le débusquer, conclut Tabatha.
-   Méfie-toi, l’ace visible est vivace.
-   Comme si quelqu’un pouvait me battre à ce jeu-là !
-   Vraiment, Tabatha, fais atten …
-   Ne pense pas trop à moi, le coupa la reine. Occupe-toi dont plutôt de Jade.
-   Je ne pensais pas à toi mais à la voiture.
   Tabatha leva les yeux au ciel.
-   J’ai eu mon permis !
-   J’ai toujours pensé que tu avais dragué le moniteur pour l’avoir !
-    Tss …
   Elle monta dans une splendide voiture noire qui me parut plus que rapide tandis que Malcolm me conduisit dans une voiture que j’identifiais comme une Porsche, bleue.
-   Où va-t-on ? lui demandai-je.
-   Hum … Au choix … soit en boîte de nuit pour qu’on soit perdu dans la foule soit dans un endroit un peu désert pour que je puisse repérer tout de suite une personne qui nous aurait suivi. Qu’est-ce que tu préfères ?
-   L’endroit désert. Enfin, si … si ça ne te dérange pas.
-   Rien ne me dérange. Je suis tellement doué, je ne suis pas à ça près.
   Cette fois, c’était officiel. Malcolm était vraiment dans le sac des personnes très sûres d’elles et qui n’hésitaient pas à le faire savoir.

 

   Malcolm s’était garé dans une impasse et nous étions restés dans le véhicule. Le cavalier tapotait le volant tout en sifflotant. Plus relax que lui dans une situation pareille, il ne devait pas y avoir. J’avais sommeil mais je n’osais pas fermer les yeux, de peur de m’endormir pour de bon et qu’un ace arrive pendant ce laps de temps.

   Je somnolais.
-   Pff … On s’ennuie ici …
   Le Grand Malcolm était tellement doué qu’il en arrivait à s’ennuyer.
 " Mais bien sûr Malcolm ! Il serait préférable qu’un ace vienne nous rendre visite, au moins on pourrait entamer une discussion à trois ! "
-   Ouvre la boîte à gants, m’ordonna soudainement mon camarade.
-   Quoi ?
   Mais il avait l’air sérieux et je ne voulais pas le contrarier. Je m’exécutai.
-   Passe-moi les étuis.
   Avec précaution, je retirais les deux objets, ne sachant pas ce qui se trouvaient à l’intérieur. Malcolm défit les scratches et en sortit des pistolets gros calibres. En y réfléchissant, je n’avais jamais vu le cavalier autrement qu’avec ce genre d’armes à la main et j’en déduisis qu’il devait y avoir un rapport avec son don.
-   Ma … Malcolm ?
-   Oui ?
   Il ne m’écoutait que d’une oreille, occupé à charger les pistolets.
-   Que … Qu’est-ce que c’est ton don ?
   Il se tourna vers moi, particulièrement solennel.
-   Je suis un tueur de tomates.
   Le contraste entre son expression et ses paroles fut tel que j’éclatais de rire, sans réussir à me contrôler. Malcolm m’imita, tout en poursuivant son travail.
-   Hi, hi, hi … Et sinon ? Pour de vrai ?
-   En fait, je …
   Mais avant qu’il termine sa phrase, il ouvrit sa portière, se cacha derrière et tira.
-   Baisse-toi ! m’ordonna-t-il.
   Je me planquai sous la boîte à gants, tremblante.
-   Il y a un ace ? chuchotai-je.
-   Oui. Et non, je ne suis pas tueur de tomates. Je suis sniper. J’ai eu une haute acuité visuelle. Je suis capable de visualiser le moindre gravier sur un chemin de pierres, et jusqu’à une certaine obscurité. Du coup, si Alex est chargé de protéger Tabatha de près, moi je m’occupe des dangers plus lointains.
   La situation avait beau être peu propice aux discussions, parler m’évitait de trop paniquer.
-   Ne bouge plus Jade, quelqu’un s’approche.
   J’allais jusqu’à arrêter de respirer.

  " Jade Takano … "
   Je … Quelqu’un était en train de me parler … dans ma tête ? Par mesure de précaution, je bouchais mes oreilles avec mes mains.

" Regardez-moi Miss Takano … "

" On ne m’aura pas comme ça " me promis-je. " Il peut toujours rêvé pour que je sorte de ma cachette."

" Très bien, Jade Takano. Puisque vous ne voulez pas me voir, écoutez au moins mon message … Et transmettez-le à vos compagnes … Les Miss Jones et Stevens … Nous savons où vous habitez … nous connaissons chaque membre de vos familles … nous ne reculerons à rien pour vous attraper … Vous connaîtrez l’extrême honneur de mourir avant le reste de l’humanité … de racheter vos fautes les premières … L’Ace Guild y veillera. Aussi, élues de Loreleï, vous aurez beau recevoir la protection des meilleures équipes des faibles Rook et Knight Guild, nous vous trouverons. Ne l’oubliez pas … Vous subirez l’attaque des quatre familles … Et vous mourez. "

   De longues minutes s’écoulèrent. De longues minutes pendant lesquelles je prenais conscience de ce que m’avait promis l’Ace Guild.
-   Jade, tu peux te relever, l’intrus est parti. Je commence à me demander si c’était vraiment un ace.
   Il regagna la place conducteur puis ferma la portière.
-    Ben ? Qu’est-ce que tu fais ? Je t’assure, tu ne coures plus aucun danger. Tu peux me faire confiance.
   Je ne lui répondis rien. A vrai dire, je ne l’écoutais même pas. Se paroles glissaient sur moi sans m’atteindre.
-    Jade ? Tu es toute pâle. Qu’est-ce qui ne va pas ?
   Je mis quelques temps avant de réussir quelques mots, très simples.
-   Malcolm … L’Ace Guild va nous tuer … avant le reste de l’humanité …

   Et son messager m’avait prévenu que l’Ace Guild n’hésiterait pas à utiliser n’importe quel moyen.





Lexique
La cuisine de Tabatha : il s'agit d'une cuisine américaine mais comme le récit se déroule aux Etats-Unis, que Jade est américaine, je ne pouvais pas le préciser.

Voilà ! J'espère ce que chapitre va vous plaire, chers lecteurs ^^ Celui-ci devait mettre en avant Stanislas et Malcolm, trop effacé devant les éxubérances d'Alexandre !
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24 janvier 2010 7 24 /01 /janvier /2010 12:51
chapitre 18 - marylin monroe

 

" … pour faire sauter la planète. "

" … pour faire sauter la planète. "

" … pour faire sauter la planète. "

   Toute la semaine, j’avais entendu ces mots-là à mon réveil et que je sois enfin en week-end ne les empêcha pas de continuer à me harceler.

"  … pour faire sauter la planète. "

" N’y pense plus Morgan, n’y pense plus … "

   Il était néanmoins plus facile de le penser que de se faire véritablement obéir.

   Je descendis les escaliers d’un pas lourd, traînant et bruyant et je craignais un instant de déranger mes parents avant de me rappeler qu’ils étaient tous les deux partis de bonne heure ce matin pour régler des trucs à leur boulot respectif. Je jetai un regard à la pendule : dix heures et demie indiquait-elle, ils n’allaient pas tarder à rentrer et ils m’avaient promis des viennoiseries pour mon petit-déjeuner.

   Ne sachant pas quoi faire, je m’allongeai sur le canapé et attrapai la télécommande pour allumer la télé. Je tombais sur des dessins animés initialement prévus pour des enfants en bas âges mais j’étais si peu réveillée que je ne pris pas la peine de changer de chaînes.

" … pour faire sauter la planète. "
-   Oh ! Que cache le magicien dans son chapeau ? Ah ! Une colombe ! Ce qu’elle est blanche !
" … pour faire sauter la planète. "
-   Rouh rouh fait la colombe !
-   Vos gueules …, grognai-je, et à ma tête et à la télévision.
   Je finis par éteindre le téléviseur et à me rendormir, toujours sur le canapé.

" Quelle vie de m… "

  
   Le paysage autour de moi était entièrement en noir et blanc, comme dans les vieux films. Je mis mes mains devant mes yeux, elles étaient aussi blanches que le décor de la ville autour de moi. A quelle époque étais-je ? Les passants étaient vêtus à la mode des années 50, je devais donc me trouver à cette même période.

   Je m’aperçus que j’étais arrêtée en plein milieu d’un trottoir bien que personne ne semble trouver ça étrange. Je commençais à marcher, espérant enfin me souvenir de la raison qui m’avait amené ici et, plus important encore, qui j’étais.

   J’avançais, avançais, sans pour autant savoir où j’allais. Toutefois, je ne me sentais absolument pas stressée et étais tranquille.

   Je regardais autour de moi, en pensant qu’un élément du paysage allait me rendre la mémoire. Je scrutais le moindre nom de magasin, tentais de comprendre de quoi parlaient les passants mais je ne percevais qu’un fort brouhaha.

   Une scène finit toutefois par retenir mon attention. Une femme et un homme. La femme était blonde et avais des cheveux courts et savamment bouclés.

" Marylin Monroe "

   Elle, je la connaissais apparemment, je savais son nom. Elle passa au-dessus d’une grille de métro et sa jupe se souleva.

" Sept ans de réflexion "

   Je m’arrêtais alors, prise d’un sentiment de panique.

" Je ne devrais pas être là … Je … Qu’est-ce que je fais là ? Il faut que je rentre chez moi ! "

   Je me mis à courir. Désormais, j’étais affolée de ne pas savoir où j’allais. "A l’aide !" voulus-je crier. Mais le son qui s’échappa de ma gorge était aussi audible que les paroles des citadins, ils ne parurent même pas m’entendre. Je continuais à courir.

" C’est un cauchemar, c’est un cauchemar … C’est un cauchemar ! Je vais finir par me réveiller et je serais de nouveau chez moi … "

   Mais ma peur persista.

   Toujours apeurée, je finis par tourner dans une ruelle. Il s’agissait d’une impasse. Je me retournais et vis avec stupeur qu’une personne m’empêchait d’en sortir. C’était Marylin Monroe, un pistolet à la main.
-   Ta vie s’arrête ici ma chérie !
   Et comme si la pellicule du film était abîmée, le décor s’effrita.

   Je hurlais.

 

-   … !
   Je mis quelques secondes à me rendre compte que j’étais bien chez moi, sur mon canapé. Je passai ma main dans mes cheveux afin de rabattre en arrière des mèches de cheveux qui me gênaient.
-   Ouf …
   Ca n’avait été qu’un rêve. Un rêve saisissant par son réalisme, je n’avais compris que sur la fin que c’en était bien un. Mon cœur continuait de battre à un rythme effréné.

 

   J'appris un peu plus tard dans la journée que ma mère avait prévu de rendre visite à une amie qui était hospitalisée. Mon père me proposa alors de me déposer en ville pendant qu'il accompagnerait ma mère. Ravie de cette aubaine, j'acceptais. Je ne risquais plus ma vie en sortant un pied de chez moi – non pas que j'y sois plus en sécurité d'ailleurs.

 

" Ne craque pas Morgan, ne craque pas ... "

   Pourtant, ce pull était si mignon …

" Non. "

   Afin de m'éviter d'autres tentations, je préférais sortir du magasin. Une fois dehors, je consultais ma montre et m'aperçus qu'il me restait pas mal de temps à tuer. Je songeais d'abord à rentrer chez moi mais je devais aller manger au restaurant avec mes parents quand ils seraient revenus. J'étais contrainte de rester sur place.

   Ne sachant pas quoi faire, je commençais par m'asseoir sur un banc et à consulter mes SMS. Personne ne m'en avait envoyé. A quoi avoir un liste de contacts aussi remplie me servait-il si lesdits contacts de me contactaient pas ? Dépitée, je rangeai mon portable et entrepris de remonter la rue.

   J'eus un bref instant l'impression d'être de nouveau dans mon rêve, à marcher dans une rue sans but précis en regardant les enseignes des magasins sauf que cette fois-ci, le paysage était bien en couleur et que Marylin Monroe n'en avait pas après moi. Je ne pus toutefois m'empêcher de la chercher, au cas où.
-   Pff …
   Je shootai dans un grava et tournai à l'angle d'une rue. Je ne l'avais encore jamais remarqué, elle était pourtant très jolie. Il n'y avait absolument personne et je finis par comprendre pourquoi, il s'agissait d'une impasse. Je décidai toutefois d'aller jusqu'au bout, comme je n'avais rien de mieux à faire.

   Soudain, les ampoules des lampadaires éclatèrent, les unes après les autres. Je sursautai et constatai à quel point l'atmosphère de la rue dépendait de cette lumière artificielle. Maintenant, elle me semblait lugubre. A grands pas, je rebroussai chemin pour retourner dans la grande rue mais … il n'y avait plus une seule lumière. Et il n'y avait plus personne non plus. La grande rue passante était désormais déserte et sombre. Comme si ma cage thoracique avait rétréci, ma respiration devint difficile.

   En courant, je remontai le long de la rue et ma sensation de déjà-vu revint.

" Ce n'était qu'un rêve Morgan. Un rêve. "

   La rue ne semblait pas voir de fin. Pire, j'avais l'impression de tourner en rond. Pourtant, comme si j'avais emprunté une porte à la mode knight ou rook, je me retrouvais à mon point de départ initial. Les lampadaires étaient allumés et les passants faisaient leur course. Je me retournai. Je ne vis que la continuité de la rue qui s'étirait devant moi. Tout était parfaitement normal.

   Je n'avais plus envie de rester seule dans la rue et entrai dans une boutique bondée où semblait s'être rassemblées toutes les mères de famille de la ville, accompagnées de leur marmaille. Je n'étais pas vraiment à ma place dans le décor mais fis comme si de rien n'était. J'attrapai une veste et commençai à l'examiner sous toutes ses coutures, pour faire semblant d'avoir quelque chose à faire.

   J'étais en pleine contemplation d'un jean quand je remarquais l'étrange silence qui régnait dans la salle. Je jetais un regard circulaire et m'aperçus que tout le monde était figé, telles des statues plus vraies que nature. Le petit garçon qui sautait à côté de moi depuis tout à l'heure était suspendu dans les airs. Sans réfléchir, je m'emparai de mon portable et débutai la rédaction d'un SMS, craignant que l'on ne me réponde pas si j'appelais.

" SOS Il se passe des choses étranges je suis dans le magasin … "
-    Salut chérie.
   Mes doigts s'agrippèrent autour de mon portable. Sans l'avoir fini, j'appuyai sur la touche " Envoyer ". Je savais ce qu'allait bientôt m'annoncer la voix. C'était la même.

   Timidement, je levais les yeux. En face de moi, se tenaient deux femmes. La première avait une chevelure blonde très claire, longue, un air glacial et portait une simple chemise blanche avec un pantalon noir. Ce n'était pas elle qui m'avait parler. C'était l'autre. Le sosie de Marylin Monroe.

   Elle avait quasiment le même visage, une coiffure identique et était vêtue d'un épais manteau de fourrure blanche qui faisait ressortir sa robe rouge.
-   Que fais-tu avec ce portable ? s'enquit-elle.
   Pétrifiée comme je l’étais, il m’était impossible de parler.
-   De toute manière, ça ne va pas te servir à grand chose …, poursuivit le sosie.
   Les coins de la bouche de sa partenaire s’étirèrent en un sourire menaçant tandis que je me rapprochais instinctivement de la porte de secours.
-   … parce que ta vie s’arrête ici ma chérie !
   Comme dans mon rêve, le sol se mit à s’effriter sauf que cette fois-ci, les gens pétrifiés tombaient dans le gouffre béant. En fait, ils semblaient même y être attiré, comme s’il avait s’agit d’un trou noir. Et c’était la réalité.

   Je hurlais.

   De plus en plus fort à mesure que le néant se rapprochait. Cette fois j’en étais sûre, ma vie allait s’arrêter là.

Je fus attirée tel un aimant à la porte de secours, échappant au trou noir. Quelqu’un m’avait attrapé par le poignet et m’avait éloigné des folles furieuses.
-   Stanislas !
   Car c’était bien lui qui était là. Il me répondit d’un signe de tête et pour la première fois depuis que je le connaissais il avait l’air sérieux.
-   Tu te sens capable de courir ?
-   Je … je pense …
-   Alors suis-moi.
   Mes jambes tremblaient mais la peur me donna la force de mettre un pied devant l’autre. Pile à cet instant, la sortie de secours fut aspirée par le gouffre. Je me retournai et m’arrêtai, pétrifiée tandis que Stanislas me prenait la main et m’entraînait dans son sillon.
-   Ne t’arrête pas ! m’ordonna-t-il.
   Le néant se lança à notre poursuite et comme j’étais à peu près l’équivalent d’un boulet pour le roi rook, il finit par me mettre sur son dos et lança une ventouse initialement située sur sa ceinture et à laquelle était reliée un câble sur le toit d’un petit immeuble. Nos pieds quittâmes la terre ferme juste à temps pour ne pas se faire prendre.

   Nous descendîmes du toit dans la rue située de l’autre côté de l’immeuble et recommençâmes à courir en slalomant entre les passants, figés eux aussi. Si Stanislas ne devait pas avoir de problème d’endurance, moi si. Rapidement, j’eus un point de côté et l’affreuse impression que j’allais m’écrouler au prochain pas.

   Nous finîmes par nous cacher derrière une voiture, où j’en profitais pour souffler. Le roi sortit un miroir d’une de ses poches de son pantalon, m’agrippa le bras et effleura la surface de l’objet. Rien ne se passa.
-   Euh … Il y a un problème Stanislas ?
-   Oui … Le miroir ne marche pas …
-   Il était censé faire quelque chose ?
-   C’est une porte miniaturisée … Nous aurions dû partir d’ici …
-   Et pourquoi la porte ne marche pas ? m’inquiétai-je.
-   Je ne sais pas …
   Stanislas fronçait les sourcils, préoccupé. Il prit son portable et composa un numéro.
-   Killian, dit-il à voix basse, le plan a échoué, la porte ne marche pas, je ne …
   Il fut interrompu par une voiture qui s’écrasa juste devant nous.
-   Sortez de là !
   Je reconnus la voix du sosie de Marylin Monroe. La voiture sur laquelle nous étions adossés avec mon garde du corps se retira alors et s’envola dans les airs. Pour mieux s’écraser contre l’immeuble. Stanislas m’évita de me retrouver sous les débris du véhicule puis se redressa. Il me plaça derrière lui.
-   Selon les nouvelles règles établies par l’accord entre la Rook et la Knight Guild, toutes les attaques de la Rook Guild sont interdites contre Miss Jones, récita-t-il.
-   Alors c’est vrai ? s’enquit la femme à l’allure glaciale. Les deux guildes originelles en sont réduites à s’allier ?
   Je ne comprenais pas. Ces deux femmes devaient bien faire parti de la Rook Guild pourtant. Un coup de vent fit voler le manteau de fourrure du sosie et dévoila, au niveau de la poitrine, dans le décolleté de la robe, un tatouage qui n’était assurément ni celui de la Knight Guild, ni celui de la Rook Guild. Il s’agissait d’une carte à jouer d’où s’envolaient des rubans. Mes yeux s’agrandirent quand je réalisais que ce n’était pas n’importe quelle carte.
-   L’as …, soufflai-je.
   Je fus prise de tremblements plus violents encore et agrippai un pan de la chemise de Stanislas.
-   Stanislas …, pleurnichai-je.
   La partenaire de Marylin rompit le silence.
-   Nous voulons juste récupérer la fille, dit-elle à l’intention du roi. Laisse-la nous et il ne t’arrivera rien.
   Je craignais un instant que mon protecteur ne s’exécute, mais cela tenait plus à mes préjugés envers la Rook Guild qu’à ce que je connaissais vraiment de lui. Je serrais toutefois un peu plus sa chemise. Il tourna alors légèrement la tête vers moi.
-   Ne t’inquiète pas, me rassura-t-il en chuchotant.
-   Est-ce que … STANISLAS !
   De nouveau, le gouffre s’étalait devant nous, aspirant tout ce qui se trouvait autour de lui – voitures, lampadaires, individus. Nous nous collâmes contre la façade de l’immeuble afin de lui échapper.

   Mes pieds quittèrent le sol.
-   STANISLAS !
   Il me retint par le poignet, m’empêchant de m’envoler du côté de nos ennemis. Je les regardai et compris que cette soudaine capacité à voler était le fait de la femme à l’apparence glaciale. Elle agitait ses doigts comme pour me faire signe d’approcher.
-   NE ME LACHE PAS ! hurlai-je, effrayée.
   Stanislas avait beau me tenir des deux mains, il semblait sur le point de partir avec moi.
-   NON ! NE ME LACHE PAS !
   Mais ses mains finirent par céder, glissant de mon poignet.
-   NOOON ! NON !
   Horrifiée, je survolai le trou noir et me rapprochai des deux femmes. Quand la distance entre nous fut réduite au moins de moitié, Marylin Monroe sortit de la doublure de son manteau un pistolet couleur argent.
-   NON ! STANISLAS !
   Le sosie ferma un œil pour mieux viser, me viser.
-   NON !
   Elle s’apprêtait à appuyer sur la détente quand elle et sa partenaire furent balayées parce qui me sembla être un morceau de goudron. Je n’eus cependant pas le loisir de me pencher plus longtemps sur le sujet : la femme-glaçon avait relâché son don, et moi-même. Je tombai dans le néant du gouffre.

   Je fus rattrapée in extremis par Malcolm qui me reposa sur la terre ferme.
-   Ca va ?
   Je ne lui répondis pas, incapable d’émettre un son. J’étais tétanisée, mon cerveau n’ayant pas encore assimilé que j’avais échappé d’un cheveu à la mort, au moins provisoirement.

   En tâchant de reprendre mes esprits, je contemplai la scène. Stanislas n’avait pas bougé depuis que je lui avais échappé, Alexandre à ses côtés, Malcolm devant moi. Je constatai que ce que j’avais pris pour un bout de goudron était en réalité Killian, une fois que la substance sembla s’être rétracté et n’apparaissait plus nulle part sur son corps.

   Malcolm sortit à son tour une arme à feu d’un de ses étuis et en pointa le canon sur nos adversaires. Les deux femmes se relevèrent très rapidement et constatèrent avec effarement le nombre de leurs ennemis. Elles ne paraissaient plus aussi sûres d’elles que tout à l’heure maintenant qu’elles n’avaient plus l’avantage du nombre. Et elles ne s’aperçurent pas tout de suite d’un autre adversaire qui était arrivé dans leur dos, sans bruit.

   Tabatha effectua immédiatement une clef de bras à Marylin Monroe, qui mit les genoux à terre. Sa partenaire se tourna aussitôt vers la reine knight et entreprit avec son don de la mettre hors d’état de nuire.

   Malcolm fut plus rapide qu’elle toutefois. Après une détonation, une tâche sombre s’étala sur sa chemise blanche et elle s’effondra.
-   Lyndia ! s’écria le sosie.
   Elle tenta de faire lâcher prise à Tabatha, qui ne flancha pas, dotée d’une force physique anormalement élevée.
-   Que voulez-vous à Morgan Jones ? lui demanda-t-elle d’un ton froid.
   Marylin grogna tout en continuant de se débattre. La reine l’écrasa violemment contre le sol.
-   Je ne me répéterai pas encore une fois, la menaça-t-elle. Que voulez-vous à Morgan Jones ?
-   Elle fait partie de l’Ace Guild, Tabatha, la renseigna Stanislas. Il serait plus judicieux de lui demander ce que l’Ace Guild veut, elle.
   Alexandre eut l’air surpris. 
-   Elle fait partie de l’Ace Guild ?
-   Oui, elle porte un tatouage on ne peut plus équivoque. Sur la poitrine.
   Tabatha retourna le sosie, de manière à ce qu’elle se retrouve sur le dos. Je conclu qu’elle pensa la même chose que le roi rook et moi un peu plus tôt car elle s’empressa de lui demander :
-   Que veut l’Ace Guild ?
-   Tu penses vraiment que je vais te le dire ? lança Marylin, moqueuse.
-   Je pense surtout que si tu veux espérer rester en vie un peu plus longtemps tu vas cracher le morceau. Si elle n’obtempère pas, Malcolm, ajouta la reine à l’intention de son cavalier, tire.
-   Pas de problème.
-   Hé ! Arrêtez ! protesta le sosie.
   Elle semblait prendre conscience que Tabatha n’était pas du genre à lancer des menaces à la légère. La reine la remit debout.
-   On va l’amener au QG pour l’interroger.
-   Qu’est-ce qu’il lui arrivera ensuite ? s’enquit Killian.
-   Ce n’est pas aux combattants de le décider. Les responsables feront ce qu’ils voudront.
   La reine posa les yeux sur moi.
-   Stanislas et Killian, ramenez Morgan chez elle.
-   On n’est pas sous tes ordres ! répliqua la tour avec férocité.
   Tabatha soupira.
-   Ce … ce n’est pas la peine … Je devais attendre mes parents … ils vont venir me chercher …, précisai-je.
-   Bon, les rooks, vous vous assurez qu’il ne lui arrive rien.
-   Je t’ai déjà dit qu’on n’était pas sous tes ordres !
   La reine se tourna vers la tour, furieuse.
-   Ecoute. Soit tu obéis sagement soit on règle ça dans un combat.
-   Killian, nous allons nous charger de la protection de Morgan, décida Stanislas.
-   Pourquoi tu lui obéis ?
-   Tu ne gagnerais pas contre elle.
   Killian sembla vouloir répliquer mais il ne fit rien.
-   Et comment on fait pour ça ?
   Il désigna ce qui nous entourait, tout ce qui avait été figé, pétrifié.
-   Il suffit que l’ace relâche son illusion.
   Tout le monde se tourna vers Stanislas.
-   Une illusion ? répéta Tabatha. Comment tu le sais ?
-   Je n’en suis pas sûr mais je pense avoir raison, n’est-ce pas ? insista-t-il auprès du sosie.
-   Pff !
-   Bah, il suffit de la tuer pour que l’illusion se relâche de toute manière, non ? affirma la reine knight. Malcolm, tire.
-   Non ! Attendez !
   Immédiatement, une sorte d’ombre qui se serait superposé sur la ville se retira et la vie reprit son cours comme si de rien n’était. Je reconnus même quelques personnes dont les statues avaient été aspirées dans le pseudo trou noir. J’en fus soulagée.
-   Je te préviens, au moindre truc louche je te tue, précisa Tabatha à l’ace.
   Malcolm me tendit sa main pour m’aider à me relever.

" Tue-le ! "

" Sombre idiote, tue-le ! "

" Qu’est-ce que tu attends ? ! "

" Tue-le ! "

" Tue-le ! "

-   Morgan ? Ca ne va pas ? 
   Une explosion de fureur et de haine jaillit dans mon cœur. Malcolm était l’ennemi à abattre. Il fallait qu’il meure.

   Je lui sautai à la gorge et explosai son nez d’un coup de poing. Il m’empoigna les bras.
-   CREVE !
   Killian m’attrapa par la taille. Je me débattis.
-   Malcolm !
   Alexandre s’était précipité vers nous. Malcolm m’avait lâché afin d’essayer d’arrêter le sang qui s’écoulait abondamment de son nez. Le punk devint à son tour une cible.

" Tue-le ! "

   Je tâchai de le griffer mais Killian m’éloigna.
-   LAISSE-MOI !
-   Elle a pété un câble ! s’écria-t-il.
   Des passants nous regardaient bizarrement.
-   Tu vas te calmer oui ? !
   Tabatha m’asséna une baffe que je ne vis pas venir, puissante et qui claqua bien.

" Fuis ! "

" Ne t’approche pas d’elle ! "

   Cela me calma mais désormais je ne voulais plus qu’une seule chose : m’échapper.
-   On attire trop l’attention, murmura Tabatha. Entre l’autre (elle désigna le sosie) et elle (elle me désigna moi). Et toi aussi (elle désigna Malcolm). Il faut qu’on parte tout de suite.
-   Les parents de Morgan vont l’attendre, remarqua Alexandre.
-   On ne peut pas leur rendre dans cet état ! Elle va les balancer sous les roues d’une voiture ! répliqua Killian.
-    LACHE-MOI !
-    Vous avez toujours votre porte miniaturisée ? demanda Tabatha aux rooks. Si l’on se rend tout de suite au QG on pourra demander l’aide d’un doué au don de métamorphose.
   Stanislas acquiesça.
-   Tu m’as appelé tout à l’heure pour me dire que la porte miniaturisée ne marchait pas, objecta la tour.
-   Elle n’a pas marché tout à l’heure mais cela devait être parce que l’on ne pouvait pas sortir de l’illusion. Dépêchons-nous.
   Tout notre groupe s’éloigna, Killian continuant à me retenir, Tabatha tenant toujours l’ace, qui paraissait se demander si Tabatha la tuerait vraiment au moindre faux pas. Nous regagnâmes une ruelle obscure et disparûmes.

 

   Malgré la folie, je reconnus le château de Shannon et sa propriétaire.
-   Tabatha ? Qu’est-ce que tu viens faire ici à cette heure ? Malcolm, qu’est-ce qui est arrivé à ton nez ? Qui est cette femme ?
-   Charity est bien ici ?
-   Oui mais …
-   Il faut absolument qu’elle se charge de couvrir Morgan. Va la chercher ! C’est une urgence ! Je t’expliquerai tout plus tard !
   Shannon parut perplexe mais ne posa pas plus de questions. Une domestique partit chercher la dénommer Charity. Elle revint quelques minutes plus tard et je m’aperçus qu’il s’agissait de la blonde qui s’était chargée la dernière fois de prendre l’apparence de Lilian.
-   Tabatha … Qu’est-ce que cette histoire ? Tu sais que …
-   On n’a pas le temps, la coupa la reine. Morgan s’est fait attaquer par des aces, dont cette femme, et elle a complètement perdu la tête.
-   CREVE ! crachai-je à la blonde après que les voix m’aient conseillé de m’occuper de son cas.
-   Tu vois ? On ne peut pas la laisser se balader en toute impunité dans Denver.
-   Je comprends. Je m’en occupe tout de suite.
-   Merci.
   Sous mes yeux, Charity prit mon apparence, récupérant tous mes souvenirs, nous compara puis quitta la superbe véranda de Shannon – celle où nous avions prit notre petit-déjeuner avec Jade et Morgan il y a de ça un temps qui me parut être une éternité.
-   J’ai demandé à ce que l’on aille chercher Maximilien pour qu’il s’occupe de Malcolm et de Morgan, nous dit Shannon.
-   Par’on pou’ le dé’angement, s’excusa Malcolm, le nez toujours en sang.
-   VOUS POUVEZ TOUS ALLER CREVER !
-   Qui t’a fait ça ? continua Shannon.
-   Mo’gan. Je ‘e pen’ais pas qu’elle m’attaque’ait.
-   Elle ne t’a loupé en tout cas, constata la belle rousse.
-   Me’ci, j’avais ‘ema’qué.
-   Qui a besoin de mes innombrables talents ?
   Plusieurs têtes se tournèrent dans la direction d’où s’élevait la voix. Il s’agissait d’un homme étrange, avec de longs cheveux, un chapeau et des lunettes. Maximilien s’approcha.
-   Malcolm ! Ton nez !
-   ‘e sais. Tu peux m’a’’anger ça ?
-   Bien sûr. Qui est la seconde personne pour laquelle on m’a appelé ?
-   Elle, lui indiqua Tabatha.
-   Miss Jones ?
-   Elle-même.
-   JE VAIS TOUS VOUS TUER !

   Le nez de Malcolm fut réparé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire et le sang s’arrêta de couler.

-   Vous voulez que je continue de vous la tenir ? proposa Killian à Maximilien.
-   Je pense pouvoir me débrouiller seul, merci. Malcolm va vous raccompagnez auprès de votre roi.
   Killian me déposa sur la table d’opération et partit tout de suite, craignant de se faire attaquer à son tour.

   La salle dans laquelle on m’avait conduite avec Malcolm était le portrait type d’un cabinet de médecin. Sans doute parce que c’en était une. Maximilien se tenait derrière son bureau en bois.
-   Alors Miss Jones, vous vous sentez mieux ?
-   ALLEZ CREVER !
-   La réponse doit être non dans ce cas. Je vais devoir vous administrer un petit calmant…
-   VOUS NE M’APPROCHEREZ PAS !
-   Oui, oui … Il ne faut pas avoir peur des piqûres vous savez … Vous êtes une grande fille …
   Tout en préparant sa seringue, il s’avança vers moi.
-   NE M’APPROCHEZ PAS ! SINON JE VOUS TUE !
-   Ce n’est pas la première que l’on me dit ça … les piqûres ne sont pas si terribles …
-   JE VAIS VOUS T … !
   Mais avant que je finisse ma remarque habituelle, Maximilien s’était approché à une vitesse étonnante et m’avait planté l’aiguille dans le bras.

   C’est comme si le feu de haine s’était soudainement éteint, laissant derrière lui un grand vide. Je m’allongeai sur la table.
-   Tu te sens mieux ? s’enquit le médecin.
-   Oui … Merci …
    L’homme tira sa chaise de bureau à roulettes et s’assit à côté de moi.
-   Alors Miss Jones ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
   Je fermai les yeux, fatiguée. Devais-je parler de ses étranges voix dans ma tête ? Ne risquait-il pas de me faire interner ? Devais-je aussi évoquer mon étrange rêve qui avait précédé l’attaque ace ? Et ceux avec l’étrange jeune femme ? J’étais épuisée de toujours faire comme si tout allait bien et le docteur, malgré son étrange accoutrement, m’inspirait confiance, sans doute en raison de sa voix douce. Je me mis à pleurer.
-   Vous … Vous n’en parlerez pas ?
-    Tout ce que tu me diras restera entre nous. Je suis médecin et je dois respecter le secret professionnel.
   J’inspirai un peu, voulant me calmer.
-   Il ne faut pas retenir ses larmes, Morgan. Si tu pleures, c’est que tu en as besoin.
-   Oui …
   Je reniflai.
-   Ca a commencé … la première fois que j’ai croisé Tabatha dans un couloir … Des voix se sont mises à m’ordonner de fuir … Ca faisait tellement mal … Ca fait si mal de leur résister… Quand j’ai rencontré Malcolm et Alexandre, elles ont voulu que je les tue aussi … Au fil du temps j’ai finalement réussi à les … calmer … un peu … mais aujourd’hui … elles voulaient que Malcolm meurt … j’ai voulu résister … comme d’habitude … mais elles étaient vraiment trop fortes … trop …
   Maximilien ne dit rien, comme s’il savait que j’avais d’autres choses à lui révéler.
-    Et puis ce matin … ce matin j’ai fait un rêve bizarre … J’ai en partie rêvé … de ce qui m’arriverait … aujourd’hui … Oui, en partie parce que … ça se passait dans les années 50 et que … j’étais dans un film mais … je me faisais poursuivre par Marylin Monroe qui voulait me tuer avec un pistolet … et cet après-midi … je me suis fait attaquer par le sosie de Marylin Monroe qui a failli me tuer avec un pistolet … Je … je comprends pas ! Je comprends rien de toute manière !
   Comme précédemment, la colère éclata mais cette fois, au lieu d’être allumée par la haine, elle était provoquée par la peur.
-   J’ai jamais voulu tout ça moi ! Je voulais pas de tous ces dons, de toutes ces guildes qui se battent entre elles pour un collier ! Je suis une fille normale ! J’aspire à une vie normale ! Tous ces trucs surnaturels, là, c’est pas pour moi ! Je … Ca me fait peur ! Et puis, les …
   Je m’arrêtai net. J’avais voulu lui parler des rêves avec l’étrange jeune femme mais c’est comme si une autre petite voix m’avait chuchoté "Non". J’avais l’impression que je devais garder le secret, comme si ce n’était pas le moment, que ce secret était destiné à être dévoiler à un autre moment.

   Je ne tentai pas de retenir mes larmes, ne pouvais pas les retenir. Comme me l’avait dit Maximilien, j’en avais sûrement besoin.

   Le médecin garda le silence. Il me laissa en paix – ce à quoi j’aspirais depuis longtemps – et ne m’en blâma pas. Il attendit que j’arrête de pleurer pour reprendre la parole.
-   Ca fait du bien de pleurer, pas vrai ?
-   … Moui …
-   Il ne faut pas hésiter à le faire, ce n’est pas une activité spécialement réservée aux bébés.
-   … Je sais …
-   Ceux qui disent que c’est ridicule doivent être bien malheureux, toujours à se retenir … Non pas que ceux qui pleurent soient plus heureux qu’eux.
   Le silence revint, mais ne marquait pas une quelconque gêne. Avec Maximilien, il paraissait bienveillant.
-   Morgan … je comprends que toutes nos histoires entre guildes te fassent peur. Tu n’as pas choisi d’être un élément de ces histoires, voir même un élément de désaccord. Seulement … il y a un moment où il faut savoir prendre sur soi. D’accord, tu n’aimes pas le "surnaturel" mais tu vas être obligée de le côtoyer pendant quelques temps. Je ne te demande pas de devenir membre d’une guilde, ni même de t’intéresser à toutes nos activités. Seulement à celles qui te concernent de près. Si tu veux rester en vie et en finir un jour avec tout ça, il faut que tu saches à quoi t’attendre, que tu comprennes un minimum l’univers qui t’entoure. Pour ta propre sécurité. Tu comprends ?
   Force m’était de reconnaître qu’il avait raison.
-   … Oui.
-   Bon. Mais … je crois que dans ton cas, Morgan, tu es plus concernée par les guildes que les miss Stevens et Takano.
-   Pourquoi donc ?
   Maximilien parut chercher ses mots.
-   Quand … quand tu étais petite Morgan … il ne t’est jamais arrivé des choses … spéciales ? De faire des choses que les autres enfants ne savaient pas faire ?
   A part l’étrange rêve de la jeune femme, je ne voyais pas. Mais je n’avais pas le droit de lui en parler.
-   Non … Non, je ne crois pas.
-   Tu en es bien sûre ?
-   D’un prime abord … Comme ça … Oui. Je ne vois pas.
-   Parce que … tu comprends … quand les enfants qui se révéleront doués ne sont encore qu’à des états de fœtus, leur don est déjà présent et … dans certains cas … a déjà choisi un camp.
-   Comment ça ?
-   Sais-tu comment les guildes font pour avoir autant de membres ?
-   Non.
-   Certaines personnes ont le don de repérer les autres doués, mais seulement les êtres déjà nés, pas des bébés dans le ventre de leur mère. Dans leur guilde, elles sont chargées de les indiquer à des unités qui se rendent ensuite chez les parents, normaux, pour leur expliquer la situation. La Rook Guild a des méthodes très … expéditives de convaincre les parents réticents à leur confier leur enfant, même provisoirement.
-   Je me demande comment les parents font pour confier leurs enfants à de parfaits inconnus …
-   A part pour quelques dons, tous les autres sont activés dès la naissance. Les parents confient dans un premier temps leur enfant aux guildes pour qu’il apprenne à contrôler son don. Mais quelques enfants … échappent à ces contrôles permanents. Peu.
   Mon cœur se serra un peu.
-   Et donc ?
-   J’y viens Morgan, j’y viens … Je t’expliquais juste quelques petites choses … utiles. Je te disais avant ça, que des fœtus doués décidaient sans le vouloir de leur camp. Enfin, c’est plutôt leur don qui choisit son camp, mais passons. Cette préférence est plus ou moins marquée par la suite, que le don soit exploité par la Rook Guild ou la Knight Guild. Mais pour certaines personnes, pour qui cette préférence est très marquée, cela se traduit par des réactions très violentes aux membres de la guilde ennemie. Tes voix se sont toujours dirigées uniquement contre les knights n’est-ce pas ? Jamais contre les rooks ?
   Je commençais petit à petit à comprendre là où il devait vouloir m’emmener, tout en refusant de le faire. Je me contentais d’approuver d’un signe de tête.
-   Pourquoi me dire tout ça ?
   Pendant quelques secondes, le silence s’installa de nouveau.
-   Parce que, Morgan, commença Maximilien, je pense …
   Il hésita, se demandant peut-être s’il devait me le dire.

-   Je pense … que tu as un don … et qu’il te permet de "voir" l’avenir.

 

  Dessin-Morgan-past-present-and-future.jpg


Lexique :

Sept ans de réflexion :
Il s’agit d’un film réalisé en 1955, où Marylin Monroe détient l’un des rôles principaux. C’est dans ce film qu’à lieu la célèbre scène où la jupe de l’actrice s’envole.
Tatatadam ! Alors ? Combien parmis vous avait prévu ça ? 
Faîtes-moi part de vos commentaires !

 

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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 22:32

chapitre 17 - carte à jouer

   Je voulais mourir.

   De toute manière, j’allais finir par me dessécher complètement à force de pleurer.

" Ca ne peut plus durer comme ça Lilian … "

   Je t’en collerai moi des " Ca ne peut plus durer Lilian " !

  Crétin ! Abruti ! Idiot ! Tout est de sa faute !
-   Viens manger Lilian ! me héla ma mère du rez-de-chaussée.
-   Je n’ai pas faim ! rétorquai-je, avec une violence que je ne me connaissais pas.
-   Ne me parle pas sur ce ton ! Et viens manger !
-   JE N’AI PAS FAIM !
   Comme je m’y attendais, ma mère n’allait pas laisser passer ma rébellion et monta les escaliers. La porte s’ouvrit avec fracas.
-   LILIAN ! Qu’est-ce que c’est que ce comportement ? Descend tout de suite manger !
-   Nooon … Bouououh …
-   Mais … qu’est-ce qui ne va pas ?
   Elle s’assit en douceur sur mon lit.
-   Un problème au lycée ?
-   Pff !
   J’inspirai et vidai mon sac. Sans doute mes sanglots empêchèrent ma mère de me comprendre puisqu’elle m’obligea à répéter.
-   Anthony m’a plaqué !
   Et mes larmes reprirent de plus belle.

 

  Tout avait commencé le lendemain du jour où une fausse moi, une blonde sulfureuse à la poitrine plus qu’avantageuse, avait embrassé mon petit ami devant toute sa bande d’amis. Quand j’étais arrivée au lycée, Megan, Ruby et Diane m’avaient regardé avec des yeux exorbités et je n’avais pas compris pourquoi – la knight avait pris soin de ne pas me retransmettre les souvenirs les plus importants. Les ragots que j’avais réussi à glaner m’apprirent néanmoins tout ce que je devais savoir. D’abord la honte puis la fureur m’avaient envahis. De quel droit cette blonde s’était-elle permis d’interférer dans ma vie privé ? Malheureusement, ce fut pendant la seconde phase du processus qu’Anthony apparut.
-    Lilian …
   Ma première réaction avait été de tourner aussitôt les talons.
-    Lilian !
   Je l’avais entendu se laisser à ma poursuite, comme lors du stage à la forêt d’Arapaho. Il m’avait toutefois rapidement rattraper et m’avait retenu par le bras. Il avait cherché mon regard mais j’avais fixement contemplé mes pieds.
-    Je suis content de voir, m’avait-il affirmé.
   " Heureux ? " avais-je pensé. Il devait simplement espérer que je serais maintenant d’accord pour … enfin, bref. Je ne lui avais rien répondu.
-   Tu … tu m’as surpris hier, m’avoua-t-il. Je ne m’y attendais pas du tout.
   Si je n’avais pas été si concentrée sur mes pieds, j’aurais levé les yeux au ciel.
-   Mais surpris en bien ! s’empressa-t-il d’ajouter, craignant que mon silence eut marqué un mécontentement.
   Il était incroyable de constater à quel point avoir des pieds pouvaient se révéler pratique !
-   Il y a un problème ? s’enquit-il, inquiet de mon silence.
-   Il n’y a aucun problème. Vraiment.
   Je l’avais fait lâcher mon bras et avait commencé à partir.
-    Bien sûr que si il y en a un ! Et j’aimerai bien savoir lequel !
-    PUISQUE JE TE DIS QU’IL N’Y EN A PAS !
   Comme je l’ai précisé, j’étais de mauvaise humeur à ce moment-là. Habituellement, je ne suis pas si crue. Alors que je m’enfuyais vers ma prochaine heure de cours, il m’avait empoigné par l’épaule. Mais quand je suis dans l’état où j’étais, je suis vraiment épouvantable – j’essaye tant bien que mal de me corriger d’ailleurs. Tout ce que j’avais trouvé de mieux à faire, c’était de lui crier :
-  NE ME TOUCHE PAS
   … et de lui coller un coup de sac à dos. Ses yeux étaient complètement écarquillés à cause de la surprise, du choc. Les larmes, de fureur et de honte mêlées, sur le point de perler, j’étais partie. Quoique " enfuie " soit plus juste.

   Il me serait cependant peut-être resté quelques chances de continuer à être la copine d’Anthony si, innocemment, je n’avais pas accepté à midi de manger au self avec les cavaliers de Tabatha. En plaisantant, Alexandre avait eu le malheur de passer son bras sur mes épaules. Bien qu’il l’ait retiré tout de suite, après que Tabatha lui ait lancé un regard éloquent, Anthony avait assisté à la scène. Et c’était bien ce qui m’avait perdu.

Le soir même, mon petit ami (ex-petit ami désormais) était passé à la maison, l’air plutôt triste et sérieux. J’avais terriblement honte de mon comportement de la dernière fois et j’avais prévu de me répandre en excuses et en baisers. Rouge comme une pivoine, j’étais sortie de la maison et m’étais approché en tâchant de ne pas regarder mes pieds trop souvent.
-   Désolée, avais-je commencé, j’ai beaucoup de devoirs ce soir, je ne peux pas sortir mais …
-   Ce n’est pas pour ça que je suis venu.
-   Oh ! Tu veux récupérer ton livre ? Je monte tout de suite le cher …
-   Non Lilian, m’avait-il coupé. Ce n’est pas pour ça.
   J’avais un peu plus rougi.
-   Tu veux que je m’excuse ?
   Il eut l’air surpris.
-   Non, non …  Tu fais ce que tu veux.
-   Je ne …
-   S’il te plaît Lilian, contente-toi de m’écouter. Ce que je dois te dire est difficile.
   Je m’étais tellement persuadée que l’on ne se séparerait pas que l’idée qu’il soit là pour rompre ne m’avait même pas traverser l’esprit. Idiote.
-   Ca ne peut plus durer comme ça Lilian … 
-   Quoi ?
-   Je … Un coup tu me fuis, un coup tu m’embrasses, la fois d’après tu me fuis encore … Je ne comprends pas ce que tu veux.
-   Je ne veux rien, lui avais-je assuré, toujours aussi loin de la réalité.
-   Je ne sais pas ce que tu penses … Est-ce que tu es avec moi pour … t’amuser ?
   Visiblement, prononcer le dernier mot lui avait été particulièrement douloureux.
-   Bien sûr que non !
-   Je ne sais plus où j’en suis, Lilian. Je suis complètement perdu. Et puis il y a Evans …
-   Alexandre ? m'étais-je étonnée.
-   Oui Alexandre … Qu'est-ce que tu faisais avec lui hier ?
-   Rien du tout ! avais-je protesté. Je suis juste allée manger avec lui.
-   Tu n'as jamais voulu manger avec moi au self.

 

  Pour ma défense, je tiens à préciser que si je n'ai jamais été avec lui au self c'est que je ne peux pas – qu'aurait-on penser si un garçon comme Anthony avait mangé avec une fille comme moi ? Tout le monde se serait moqué de lui. Mais à cet instant de notre discussion, une petite piqûre m’avait transpercé le cœur, mon subconscient commençant sans doute à comprendre.
-   Je ne … Je ne peux pas continuer à sortir avec toi Lilian.
   Là, je n’avais plus eu de cœur du tout. Par contre, mes yeux s’étaient remplis de larme.
-   Non … Anthony … Je ne veux pas …
-   Désolé Lilian … Je suis sincèrement désolé.
   Et sans un mot de plus mais après maintes hésitations, il était reparti.

  Je m’étais fait plaqué devant mon portail.

 

 

-   Tout est de ma faute maman … Je suis une véritable idiote …
   Elle me tapota le dos.
-   Bien sûr que non, chérie … Il y a des couples qui sont fait pour durer et pas d’autres …
   Mes lamentations s’étaient poursuivies.
-   Il faut que j’aille m’occuper de ton frère …
   C’est ça. Qu’elle me laisse seule. On a besoin de personne pour mourir.

 


   J'avais les paupières entièrement congestionnées à force d'avoir pleuré. Ma mère avait même été jusqu'à me proposer de rester à la maison hier, ce que j'avais accepté. Aujourd’hui, je devais toutefois me contraindre à retourner au lycée – toute seule, sans activité, j'aurais de nouveau passé ma journée à pleurer.

   Je devais vraiment faire peine à voir car même mes amies remarquèrent ma peine.
-   Qu'est-ce qui t'es arrivée ? s'enquit Megan.
-   Tu as pleuré ? poursuivit Diane.
-   Tu veux en parler ? renchérit Ruby.
   Je réprimai une autre crise de larmes et leur expliquai la situation d'une toute petite voix.
-   Anthony … m'a-m'a-m'a plaqué …
-   QUOI ?!
   Elles avaient crié en chœur.
-   Mais pourquoi ?
-   Il-il-il-il dit qu'il ne peut pas conti-ti-ti-tinuer à sortir avec moi, qu'il-qu'il-qu'il ne me comprend plus … Il pense que je sors … que je sortais avec plus pou-pou-pour m'amuser …
   Les filles parurent vraiment avoir de la peine pour moi.
-   Aller, haut les cœurs ! m'encouragea Ruby.
-   Bienvenue au club des célibataires ! plaisanta une autre.
-   N'empêche … Ça sent vraiment l'excuse bidon …
-   Megan ! la réprimandèrent les deux autres. Lilian n'a pas besoin de ça en ce moment !
  Ruby me passa un bras autour des épaules.
-   Ça va aller Lilian …
-   De toute façon, les mecs se sont de vrais crétins … avança Diane.
-   Ils ne sont vraiment là que pour la reproduction, l'appuya Megan en voulant me faire rire.
   Seulement, cela me fit penser à ce qu'Anthony avait voulu faire avec moi au stage et j'éclatai en sanglots.

  Bien évidemment, mon ex passa à ce moment devant nous. Je piquai un fard tandis que mes amies lui hurlaient dessus :
-   Abruti !
-   Crétin !
-   Va voir ailleurs si j'y suis !
-   On va te faire la peau !
-   Joli cœur !
   Il pressa le pas, gêné. Les filles n'arrêtèrent pas et bientôt, tous les lycéens avaient les yeux rivés sur lui, se demandant ce qu'il avait bien pu faire avec une fille qu'il ne devait sans doute même pas connaître.

 


   Je croisai Alexandre, accompagné de Malcolm, peu après être sortie des toilettes, au moment de la pause de midi. Ces derniers s'arrêtèrent.
-   Lilian, commença Malcolm avec sérieux, tu es allée voir un médecin ?
-   Pardon ?
-   Tu as prévenu tes parents ? continua le punk.
-   Si tu veux, on peut demander à un médecin knight de t'examiner …
-   Mais de quoi vous parler ?
   Ils se regardèrent. Ce fut finalement Malcolm qui cracha le morceau, mal à l'aise :
-   Il paraît qu'Anthony t'aurait mise enceinte …
-   C'est totalement faux ! M'étranglai-je.
-   Pourquoi y a-t-il autant de rumeurs qui cours sur vous deux depuis ce matin alors ? s'enquit le cavalier blond.
-   Mes amies lui ont crié dessus ce matin quand elles l'ont vu après que je leur ai dit qu'il m'avait plaqué …
-   Il t'a plaqué ?
   Désireuse de ne pas entrer dans les détails, je changeai de sujet :
-   Tabatha n'est pas avec vous ?
   Ils se jetèrent un coup d'œil inquiet.
-   Non euh … Elle … n'avait pas envie d'aller au lycée aujourd’hui …
-   Elle est de mauvaise humeur … très mauvaise humeur …
-   Pourquoi ?
-   Euh … Et bien … comment dire … il y a un … problème …
-   Chez la Knight Guild ?
-   Enfin, ce n'est pas vraiment un problème mais …
-   … pour Tabatha s'en ait un …
-   … un gros problème …
-   … un énorme problème …
   Ils se regardèrent à nouveau.
-   Quand Tabatha le voudra, on vous en parlera, avec Morgan et Jade, m'assura Malcolm. Mais pour le moment, si on en parle, ça va l'énerver et …
-   Elle est déjà énervée, le reprit Alexandre. Si on en parle, ses sourcils risquent de rester éternellement froncer ...et ça serait dommage.
   Il me sourit, probablement pour ne pas m'inquiéter.
-   Ne t'inquiète pas, tu ne risques rien, me précisa Malcolm.
   La sonnerie retentit à ce moment-là, nous coupant dans notre conversation.
-   Il faut que j'aille en cours, m'excusai-je. A plus !
-   Pas aujourd’hui, on a fini les cours ! se moqua Alexandre.
   En me dirigeant vers ma salle de cours, je réfléchis à ce qui pouvait énerver à ce point Tabatha … Y avait-il un rapport avec la Rook Guild ?

 


   Après une journée où j'avais senti des centaines de paires d'yeux fixées sur moi, j'étais pressée de rentrer à la maison, où je serais enfin à l'abri et pourrais m'apitoyer en paix sur mon sort sans risquer de tomber sur … lui. J'évitais de prononcer le prénom, au risque de me transformer de nouveau en fontaine. Je remarquai Morgan, qui s'approchait de moi alors que j'attendais le bus.
-    Salut … J'ai appris pour … Anthony et toi …
   On aurait cru qu'elle me présentait ses condoléances pour la mort d'un de mes proches.
-   Je suis désolée pour toi …
-   Ce n'est rien ! Il faut que je passe à autre chose maintenant …
-   Je ne sais pas si ça peut te … consoler mais … Anthony avait l'air aussi affecté que toi aujourd’hui … Tu devrais peut-être lui parler, me conseilla-t-elle.
-   Oui … Peut-être …
   Je baissai les yeux. Il était peut-être affecté mais accepterait-il vraiment de ressortir avec moi ? Il avait été clair hier … Il ne pouvait plus sortir avec moi. Ce n'était même plus une question de volonté. De toute manière, un garçon comme lui ne …
-   La Rook Guild …
   Je relevai mon regard. Qu'avait murmuré Morgan ?
-   De quoi ?
-   La voiture qui est derrière toi, sur le parking … sa plaque d'immatriculation …
   Je me retournai et suivis son regard. Elle semblait terrorisée.

107-ROO

COLORADO

   Mon cœur s'arrêta de battre dans ma poitrine. Je n'avais aucun mal à deviner à quoi correspondait le " ROO ". Je repris ma pose initiale.
-   Qu'est-ce qu'on fait ?
-    Le conducteur nous regarde …, m'informa Morgan. Il faut qu'on retrouve Malcolm et Alexandre.
-   Ils ont déjà fini les cours, l'informai-je. Ils s'en sont vantés devant moi aujourd’hui.
-   Ils sont sensés nous protéger avec Tabatha. Ils … ils ont dû rester pour s'assurer qu'il ne nous arrive rien, dit-elle avec une voix vaguement étranglée.
-   Tabatha est restée chez elle aujourd’hui … Elle n'allait pas très bien et ils étaient inquiets pour elle … Si les rooks sont là … c'est que personne ne les en a empêché.
   Maintenant, Morgan semblait paralysée.
-   Il faut qu'on parte d'ici.
   Elle m'attrapa par le poignet et nous conduisit dans la cour du lycée.
-   Il faut qu'on reste dans les endroits où il y a du monde, chuchota-t-elle.
-   Il faut qu'on appelle Jade pour la prévenir !
  Nous nous arrêtâmes à proximité de plusieurs bandes d'élèves. Morgan sortit son portable et composa le numéro.
-   (Silence) Jade ? C'est Morgan. Il y a des … des rooks au lycée et … (Courte pause) … Oui, oui, Lilian est avec moi. On pense qu'Alexandre et Malcolm ont rejoint Tabatha. Où es-tu ? (Pause) Reste où tu es, on arrive.
   Elle raccrocha aussitôt.
-   On ne peut pas prendre ta voiture Morgan ! Les rooks nous attendent sur le parking.
-   Je pensais plutôt emprunter le bus, Jade était sur le chemin pour rentrer chez elle et elle est à proximité d'un arrêt de bus.
-    Encore faut-il que l'on prenne la bonne ligne ! Il y a des dizaines de bus et des centaines d'arrêts !
-   Grâce à mon portable, je peux avoir accès à ce genre d'informations. Pour le moment, il faut qu'on se contente de ne pas rester seule.
-   Il faudrait mieux appeler les knights !
-  Vas-y. Pendant ce temps, je m'occupe des lignes de bus. Au cas où.
   Je sortis mon téléphone de mon sac et consultai la liste de mes contacts. Le premier était " Alexandre ".

   Les bips des débuts de communication étaient insupportables.

" Décroche, décroche, s'il te plaît ... "

  -   Allô ?
-   C'est Lilian ! On a un pro …
   Je fus coupée par un bruit de vase brisé, provenant du portable du cavalier, et un cri de fureur parfaitement identifiable, celui de la reine.
-   COMMENT A-T-ELLE PU ?! COMMENT A-T-ELLE PU ACCEPTER ?!
   Jusqu'à présent, je ne l'avais jamais entendu manifester une telle colère, même quand Morgan avait osé lui demander ce que seraient les conséquences si par malheur l'une de nous devait tomber amoureuse de Malcolm ou d'Alexandre.
-   Excuse-moi Lilian, il faut que je raccroche …
-   Non ! Alex …
    Trop tard !
-    Alors ? me demanda Morgan en levant les yeux de son portable.
-   Incident technique. Je n'ai rien pu dire. J'essaye avec Malcolm.
    Mais cette fois, personne ne décrocha. Je fis signe à ma camarade que ma dernière tentative avait échoué.
-    Essaye avec Tabatha.
-   Je ne pense pas qu'elle me répondra … Elle avait l'air … occupé.
-   Mais à quoi ça sert qu'elle nous fasse promettre des trucs absurdes si c'est pour nous laisser en plan quand on a besoin d'elle ?
   Je ne sus pas quoi répondre.
-   Je l'ai ! s'écria Morgan. Il y a un bus qui passe dans la rue où est Jade.
-   Et il passe quand ?
-   Dans dix minutes mais on va devoir marcher, la ligne de bus passe quelques rues plus bas. Tu as de quoi payer le ticket ?
   Je lui fis signe que oui.
-   Et toi ?
-   Pareil. Dépêchons-nous.

    Heureusement, les rues étaient passantes et il n'y eut aucun moment où nous fûmes complètement isolées. Nous arrivâmes à l'arrêt quelques secondes avant le bus. Nous nous installâmes ensuite à une paire de places vides, mais dont les sièges de devant et de derrière étaient occupés – bien que leur occupant n'auraient sans doute rien pu faire contre une attaque rook, cela nous rassurait. Ma mère devait avoir fini sa journée, je l'appelai donc à la maison pour la prévenir que je ne rentrais pas immédiatement. J'inventais une sortie avec Megan, Ruby et Diane afin de me consoler de ma rupture et, comme elles avaient vraiment prévu de faire un détour par une boutique de leur connaissance pour m'acheter un cadeau ce soir, enfin, si j'avais bien compris leurs chuchotements, ma mère ne risquait pas de les croiser.


   Jade nous attendait comme prévu à l'arrêt de bus qu'elle avait indiqué à Morgan. Nous descendîmes et elle en eut l'air soulagé.
-   Que … que font les rooks au lycée ? Les knights devraient …, commença-t-elle.
-   Ils sont tous chez Tabatha, l'informa Morgan. Et on n'a pu en joindre aucun.
-    Il faudrait qu'on les rejoigne ! On … on ne peut rester comme ça !
-   Calme-toi Jade, lui conseilla Morgan.
-   Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée …, supposai-je. Vous vous rappelez du premier endroit où sont allés les rooks la nuit où ils nous ont kidnappé ? Je pense que c'était l'appartement ou la porte conduisant à la résidence des cavaliers.
-   Si … on va chez Tabatha, on leur indiquera le lieu de la porte …, conclut Jade.
-   Pour le moment, on n'a rien de mieux à faire, me reprit Morgan. On doit y aller.
-   On devrait peut-être essayer d'appeler de nouveau les knights, proposa Jade. Ils nous diront ce qu'on doit faire …
   Effectivement, c'était ce qu'il y avait de plus intelligent à faire. J'appelai de nouveau Alexandre.
-   ILS SE DISENT HAUTS RESPONSABLES ?! CRETINS PUISSANCE MAXIMALE OUI !
-   Allô, Lilian ?
-   Euh … Oui. Surtout, ne raccroche pas. Des rooks étaient devant le lycée et on ne savait pas quoi faire … On a rejoint Jade et on se demandait si on devait vous rejoindre chez Tabatha, au risque de conduire les rooks à sa porte …
-   Franchement, pour l'instant, les rooks ne sont pas un problème …
-   PAS UN PROBLEME ? reprit Tabatha d'une voix stridente. PAS UN PROBLEME ?! QU'UN ROOK OSE POINTER LE BOUT DE SON NEZ ICI ET JE LUI DEFONCE SA … !
-   … mais il va falloir que l'on vous mette au courant des évènements qui sont survenus hier et qui vous concerne, indirectement. Donc, venez.
-    … O.K. … On arrive.
   Mes deux camarades me regardaient avec des yeux remplis d'espoir.
-    On doit les rejoindre, leur résumai-je.
-    Et … Et les rooks ? s'inquiéta Jade.
-   " Les rooks ne sont pas un problème ". Enfin … C'est ce que m'a dit Alexandre.

 

 

   Je commençai à me demander si rester avec les rooks n'était pas moins dangereux que d'être dans le champ d'action de Tabatha. Morgan s'apprêtait à toquer à la porte de sa résidence quand on avait entendu un bruit de verre brisé à l'intérieur, suivi de hurlements. Courageusement, Morgan l'avait quand même fait.

   Malcolm nous ouvrit et je découvris l'ampleur des dégâts. Le beau salon de la dernière fois avait laissé place à un champ de bataille : il ne restait que deux ou trois bibelots d'intacts, les autres étant aux miettes sur le sol, la table basse était brisée en deux, le canapé déchiqueté en plusieurs morceaux gisant à quelques coins de la pièce. Les cadres des tableaux semblaient eux aussi avoir servi de projectiles, tout comme les pots des plantes vertes. Mais le plus impressionnant, cela restait tout de même Tabatha. Je ne savais pas, comme elle était encore en pyjama, si elle avait pris la peine de se peigner ce matin ou si sa colère les avait fait se dresser sur sa tête. Ses yeux paraissaient pouvoir tuer d'un seul regard. Elle était complètement assortie à son nouveau salon.
-   Désolé pour le désordre, s'excusa Malcolm. On n'a pas eu encore le temps de faire le ménage.
   Je distinguai alors Alexandre, accroupi derrière un morceau de fauteuil.

   Tabatha sembla alors prendre conscience de notre présence.
-   PARTEZ D'ICI ! s'écria-t-elle. JE NE VEUX VOIR AUCUNE DE VOS SALES TETES !
-   Tabatha … Il y avait des rooks après elle …, plaida le punk.
   Les yeux émeraudes brillèrent d'une lueur nouvelle et se posèrent sur nous.
-   C'est vrai ? s'enquit-elle, calme, me sembla-t-il, pour la première fois depuis le début de la journée.
   J'hochai timidement la tête.
-   Mais … c'est fantastique ! Installez … Ah … C'est vrai qu'il n'y a plus de canapé … mais vous pouvez rester debout.
-   Dis … En quoi c'est " fantastique " ? s'inquiéta Malcolm.
   Tabatha sourit un peu.
-   C'est tout simple. A cause de cette … alliance …, la Rook Guild et la Knight Guild ne doivent plus s'attaquer. Le mot d'ordre est " coopération ". Toutes les limites n'ont pas été posées, la frontière entre ce qui est encore possible et ce qui ne l'est plus est encore floue sur pas mal de points. Mais si une chose est sûre, c'est que une guilde a un contrat sur un protégé de l'autre – comme avec Jade, Lilian et Morgan –, le contrat est momentanément interrompu. Un autre accord mentionne également que si une des deux guildes ne respectent pas une des lois déjà approuvée, l'alliance sera rompue.
-   Et puisque les rooks sont toujours derrière les filles …, débuta Alexandre.
-   … ils ne respectent pas le pacte, conclut Malcolm.
-   Depuis quand la Rook Guild et la Knight Guild sont alliées ?
   Tous les membres de l'équipe knight s'intéressèrent de nouveau à nous.
-   Ah … C'est vrai … On ne vous l'a pas dit …, murmura le cavalier châtain.
-   Je voulais le faire une fois que vous seriez ici …, poursuivit le blond.
-   Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? reprit Morgan. Une alliance ?
   Je voulais moi aussi des explications. Shannon nous avait bien fait comprendre lors de notre séjour chez elle que la Rook Guild était la seule et unique adversaire de la Knight Guild, et vice-versa. C'était des ennemies mortelles. Et maintenant, elles faisaient amie-amie ?
-   Oui … Les circonstances font que les deux guildes sont obligées de s'allier …, nous expliqua Malcolm.
-   MAIS LES ROOKS VEULENT NOUS TUER !
   C'était le cri du cœur de Morgan, elle était véritablement paniquée.
-   D'abord, les rooks ne veulent pas vous tuer, lui précisa le punk. Mais ils veulent vous faire cracher tout ce qu'ils pensent que vous savez.
-   C'EST COMPLETEMENT STUPIDE ! continua Morgan, en hurlant de plus en plus fort.
-   ARRETE DE HURLER ! TU N'ES PAS LA SEULE A DESAPPROUVER CETTE ALLIANCE ! cria Tabatha par-dessus ses cris.
   Comme elle avait plus de coffre que ma camarade, Morgan se tut. Les yeux de la reine s'allumèrent de nouveau à cause de la rage qu'elle semblait éprouver.
-   Cette alliance … est une abomination, cracha-t-elle. Je ferais tout pour qu'elle soit annulée …
-   Tabatha …, souffla Malcolm, le Grand Chef pourrait te répudier si tu ne respectais pas les nouvelles règles imposées …
-    Je n'ai pas dit que je les romprais, je ne m'abaisserai pas au niveau de la Rook Guild. Mais au moindre faux pas de sa part, je n'hésiterai pas à en faire part au Grand Chef.
   Elle serrait les poings, ses ongles entaillaient sa chair. Cette alliance devait lui paraître contre-nature, à elle qui manifestait une loyauté à toute épreuve à la Knight Guild. Cette même loyauté la contraignait toutefois à ne pas désobéir à son chef – sans doute celui que Malcolm avait appelé " Grand Chef ". Pour ma part …. j'étais perdue. Je commençais à peine à me familiarisé avec le monde dans lequel évoluait la reine et ses cavaliers que les règles changeaient, même si cela m'enlevait le poids que faisait peser la menace de la Rook Guild sur mes épaules puisqu'elle s'était engagée à ne plus rien tenter contre moi, provisoirement. Cette alliance m'était bénéfique et j'aurai pu me contenter de ça si une question n'avait pas germé dans mon esprit, et elle me paraissait évidente.
-   Pour … pourquoi les deux guildes … s'associent-elles ? chuchotai-je.
    Les regards de tous les doués qui m'entouraient se voilèrent. Assurément, les deux guildes ne mettaient pas entre parenthèses leur lutte ancestrale pour une peccadille, l'importance de la raison de cette alliance devait être considérable.
-   Parce qu'elles ne sont plus toutes seules.
   Je me retournai vivement derrière moi. La porte d'entrée était ouverte en grand, et sûrement à l'aide d'un coup de pied. Automatiquement, les cavaliers se placèrent devant Morgan, Jade et moi, et nous firent reculé. Jade avait d'ailleurs une moue paniquée aux traits néanmoins légèrement horrifiés, comme face à de mauvais souvenirs. Tabatha se précipita à l'avant de ses cavaliers.
   Sur le pas de la porte se trouvaient deux garçons. Le premier grand, mince, châtain avait des yeux bleus, un air narquois et un sourire renversant. Le deuxième était légèrement plus petit, des yeux couleurs d'encre et un côté plus sérieux, téméraire et irascible que le premier, qui était étonnamment détendu, mais n'en restait pas moins l'un des garçons les plus beaux de la planète. Mais … j'avais une étrange impression concernant le deuxième… il …
-   Pas de panique ! s'exclama le plus grand. Nous sommes amis désormais !
-   AMI MON OEIL !
   Tabatha empoigna en un clin d'œil l'un des derniers bibelots restants et le lança de toutes ses forces sur les nouveaux venus. Ils ne l'évitèrent qu'à la dernière seconde.
-   Du calme ! Nous sommes là en paix !
   Celui avec les yeux bleus avait une voix particulièrement séduisante et hypnotique, mais les accents moqueurs qu'il prenait la rendait insupportable. Reconnaissable entre milles, c'était celle du roi rook de la nuit du kidnapping. L'autre garçon devait être sa tour, Killian.
-   PARTEZ D'ICI ! TOUT DE SUITE ! leur ordonna Tabatha. SINON, JE VOUS JURE QUE JE VOUS TUE.
-   Tu désobeierais à ton propre chef ? fit semblant de s'étonner le roi. D'après mes recherches, tu es pourtant une de ses fidèles partisantes … ta haine envers ma guilde serait donc encore plus forte que ta loyauté … Voilà qui est intéressant …
   A ce stade de la conversation, il m'était impossible de déterminer si le roi était toujours dans une phase d'échange ou s'il parlait pour lui seul. La tour souffla, exaspéré.
-   Stanislas ! On est pas là pour s'amuser ! On leur annonce la " nouvelle " et on se casse !
   Ah ? Ce n'était donc pas pour nous qu'ils étaient là ?
-   Pourquoi vous lui suiviez ? les interrogea Malcolm en nous désignant de la tête. La Rook Guild n'a pas le droit de s'en prendre à elles, elles sont officiellement sous la protection de la Knight Guild.
   Cette fois, ce fut Stanislas qui souffla.
-   Je tiens d'abord à te faire remarquer que cette règle s'applique des deux côtés, ensuite, que si nous les avons suivies, ce n'est pas pour les enlever. De toute manière, elles inventeraient des plans tordus pour s'enfuir et qui pourrait réussir, comme par exemple assommer leur gardien à coups de lampe de chevet. Pas vrai Jade ?
   Je jetais un coup d'oeil furtif à cette dernière. Pourquoi l'avait-il regardé avec un air moqueur ? Jade devait néanmoins le savoir car elle avait un peu rougi.
-   HE !
   Killian avait failli se prendre un vase en pleine figure, lancé bien évidemment par Tabatha.
-    DEGAGEZ !
-   Que de violence ! Les jolies filles ne devraient pas faire ça, se moqua Stanislas. Et puis, ton cavalier voulait savoir pourquoi nous avions suivi les filles. La raison est toute simple cependant. Je devais te voir, Tabatha Taylor, pour te transmettre une information vitale de la part de … Hum … Comment c'était déjà, Killian ?
-   Alice Osborn.
-   Voilà ! De la part d'Alice Osborn. Seulement, elle nous a vivement conseillé d'attendre que tu te sois calmée et ne nous a pas fourni le lieux de ta porte à Denver. Comme je mourrais d'envie de te revoir depuis notre dernière rencontre, j'ai dû improviser. Il paraissait évident que, face à des rooks, vos protégées viendraient vous trouver.
-    Pour faire simple, vous vouliez qu'elles vous conduisent à la porte ? abrégea Alexandre.
-    Tout juste. Pas d'inquiétude, nous ne courrons plus après elles pour le moment.
-   Stanislas, dépêche-toi ! le supplia Killian. J'ai envie de partir !
-   J'ai presque fini. Contente-toi de profiter du spectacle.
   Et il jeta un regard très appuyé au mini short de Tabatha. Elle lui balança une autre babiole.
-    Dépêche-toi de transmettre l'information et vire d'ici, exigea la reine.
-   Promets d'abord de ne pas m'attaquer quand je te l'aurai dit.
-   Je fais ce que je veux, je suis chez moi.
-   Sache tout d'abord que ce n'est pas moi qui suis à l'origine de ce que je vais te dire. Je n'y suis pour rien.
-   Quand on retrouvera ton cadavre, c'est ce que je dirais aussi.
-   Bon … puisque tu insistes.
   Il lui décocha son plus beau sourire.
-   Afin de montrer l'exemple dans cette " coopération ", nos dirigeants " communs " ont décidé de mettre en partenariat plusieurs équipes. Comme tu es la 4ème reine, tu dois montrer l'exemple, tu comprends ? Et il a été décidé que l'équipe qui sera partenaire de la tienne ce sera … la mienne.
   Il y eut un blanc. Tabatha resta étrangement silencieuse. Mais c'était comme le calme avant la tempête.
-    JAMAIS ! JAMAIS ! JAMAIS ! JAMAIS !
   Elle se précipita sur son escalier métallique, tira un grand coup dessus, l'arracha du mur et le lança sur la porte d'entrée.
-   VOUS POUVEZ ALLER CREVER ! JAMAIS !
   Malcolm et Alexandre se précipitèrent sur elle pour la retenir, en vain puisqu'elle était bien plus puissante qu'eux.

   Je me retournai dans la direction de Stanislas et Killian. Derrière ce qui restait de l'escalier, il n'y avait plus personne.

 


   Tabatha continuait de pousser des cris de rage stridents quand nous partîmes, après que les cavaliers nous l'ait vivement conseillé. Nous empruntâmes la porte et revînmes à Denver. Dans le hall de l'immeuble, Stanislas et sa tour nous attendaient, adossés à un mur. Immédiatement, Morgan se raidit – même si la Rook Guild n'était plus notre ennemie, elle en avait toujours une frousse bleue.
-   Bonjour les filles !
   Stanislas vint à notre rencontre.
-   Je tenais à me présenter à vous officiellement. Je suis Stanislas Preston, le 9ème roi rook.
   Son sourire était particulièrement attrayant et il était dur de résister à l'envie de lui sourire béatement à son tour. La tour décolla son dos du mur et daigna s'approcher de nous à une vitesse très mesurée.
-   Killian Reese, dit-il simplement. Tour de Stanislas.
  Ne sachant pas comment réagir, je décidais de lui serrer la main, histoire d'avoir l'air civilisée.
-   Je … suis Lilian Stevens.
   Killian contempla avec dégoût la main que je lui tendais. Puis il éclata d'un rire mauvais.
-   Tu penses vraiment que je vais te faire une poignée de main ?
  Sa remarque me vexa.
-   Euh … Et bien …
-   Écoute. Je ne fréquente pas les intellos et les mijaurées, pigé ? Donc, ne m'approche pas.
    Je me sentis vraiment ridicule, la main dans le vide. Je me dépêchai de la rabattre près de mon corps. Il avait l'art et la manière de me blesser dans mon amour propre. Au collège, j'avais souffert de ce genre de moqueries. Seulement lors de ma dernière année je n'avais pas eu à les supporter. Et c'était parce qu'Anthony …

   Et voilà ! J'avais prononcé le prénom !

  Je sentis les larmes me monter aux yeux, elles n'allaient pas tarder à déborder.
-   Hé … Hé ! Il ne faut pas pleurer comme ça !
   Je prêtais à peine attention à Killian, qui devait penser que je pleurais à cause de ses remarques.
-    Lilian …, me souffla Morgan d'une voix rassurante. Vraiment, il ne faut pas prêter attention à ce genre de stupidités. Il ne te connaît même pas.
-    C'est … C'est pas ça ! Anthony …
   Et mes pleurs se poursuivirent.

-   Laissez-la tranquille bande d'abrutis !
-   Oh ! Aller ! C'est juste une blague Anthony !
-   Enfin … c'est quand même vrai … c'est une intello …
-   Dégagez !
   Les garçons s'éloignent.
-   Ça va aller Lilian ? La prochaine fois qu'ils t'ennuient dis-le moi ! Je leur montrerai ma façon de penser !


   Il fallait que j'arrête de pleurer ! J'étais complètement ridicule, là, comme ça !
  On m'empoigna alors fermement par les épaules.
-   Il-ne-faut-pas-pleurer-pour-des-âneries, articula Killian. Je dis ça uniquement pour te faire ch … pour t'ennuyer.
   Je le regardais droit dans les yeux. De nouveau, j'eus la même impression que chez Tabatha. Il semblait stressé et désolé.
-   Arrête de pleurer, d'accord ?
   A l'instant, sa voix n'était plus du tour moqueuse mais au contraire, douce. Cela m'apaisa. Killian me relâcha.
-   Et bien … C'est rare que tu manifestes une telle délicatesse Killian ! nota Stanislas à voix basse quand sa tour fut près de lui.
-   Ça va hein ! Je ne suis pas tout à fait un monstre non plus ! Par contre … c'est qui Anthony ?
-   Ce n'est pas difficile à savoir …
   Stanislas n'allait tout de même pas me demander ça ! Le roi n'en fit rien. Par contre, il me fixa sans ciller de ses yeux de glace. J'eus l'étrange impression de voir un arc-en-ciel passer à travers son iris. Son don ?
-   Elle l'aime mais … soit elle lui a dit et elle s'est fait rembarrer, soit ils sortaient ensemble et ils viennent de rompre …
    Minute ! Comment il avait pu savoir ça ?
-    Enfin, bref, reprit Stanislas. J'ai pris la peine de nous attendre pour vous apporter quelques petites explications. Vous voulez savoir pourquoi la Knight Guild et la Rook Guild sont contraintes de s'allier ?
   Nous opinâmes toutes de la tête.
-   Jusqu'à présent, elles étaient les seules sur la piste du pendentif parce que personne d'autre n'en connaissait l'existence, commença-t-il. Mais il y a de ça environ un an maintenant, une nouvelle guilde est apparue. Elle se fait appeler l'Ace Guild. A ses débuts, plusieurs équipes et rooks et knights, dont celle de Tabatha d'ailleurs, sont allées enquêter. Ce qui en est ressorti était tout sauf alarmant, l'Ace Guild n'avait pas beaucoup de membres, et quasiment aucun n'était doué.
-    Mais … qui la créée ? s'enquit Morgan. 
-   Personne n'a vraiment réussi à le savoir … et pour dire vrai, peu de monde s'en ait préoccupé puisque l'Ace Guild n'était pas une menace. Jusqu'à il y a environ quelques mois. Plusieurs équipes des guildes " originelles " se sont fait anéantir. D'un côté comme de l'autre, on n'a penser que c'était la faute à la Rook ou à la Knight Guild. Puis il y a eut le " grand piratage de début d’année ".
-   Quoi ?
-    La Knight Guild et la Rook Guild effectuent lors des premiers jours de l’année un grand récapitulatif de l’année précédente, notamment, les personnes qu’elles ont éliminé et … ceux qu’elles se sont fait tuer. Pendant cette période, des pirates informatiques des deux guildes profitent du fait de la surcharge d’informations pour passer inaperçus dans les systèmes informatiques de l’adversaire et récupèrent les noms, pour compléter leurs dossiers internes. Seulement, cette année, les guildes se sont aperçues que plusieurs de leurs membres n’étaient pas recensées. On a d’abord penser à des oublis mais la liste de noms non-recensés c’est allongé … On a finit par comprendre qu’il y avait un autre adversaire dans l’ombre. Les dirigeants ont fini par repenser à l’Ace Guild et ont ordonné de nouvelles enquêtes. Cette fois, les espions ont rapporté une quantité d’informations inquiétantes.
-    Désormais, poursuivit Killian, l’Ace Guild a un nombre quasi équivalent à celui de ses adversaires et dont la très large majorité est douée. La donne a changé.
-   Mais …, répliqua Morgan. Un adversaire de plus ou de moins, qu’est-ce que ça change vraiment ? Enfin … je veux dire … je ne comprends pas pourquoi la Rook Guild et la Knight Guild s’allient au final.
   Stanislas fronça les sourcils, paraissant réfléchir.
-    En fait … pour avoir autant de membres doués, nos guildes possèdent des doués qui peuvent repéré les individus qui ont été touchés par les dons dispersés de Loreleï, majoritairement des enfants. Seulement, aucun membre de l’Ace Guild ne semble disposer de membre pouvant les repérer. La question est donc : comment a-t-elle fait pour amasser autant de doués sans aucun moyen de les repérer ? L’Ace Guild est menaçante pour les guildes originelles car son but est … dangereux.
-   Son but ? s’enquit Jade.
-    Oui. Celui de la Knight Guild est d’empêcher l’utilisation du pendentif, celui de la Rook Guild l’exact contraire, lui expliqua Killian. L’Ace Guild quant à elle compte se servir du pouvoir de Loreleï pour faire sauter la planète.

-   Alors Lilian ? Cette sortie shopping ? me demanda ma mère quand je fus à la maison.
-   Euh … pas mal … Tu m’excuses, je vais faire mes … euh, mes devoirs.
   Je me dépêchais de regagner ma chambre et m’allongeai sur mon lit après avoir balancé mon sac de cours au pied de ma chaise de bureau. Je cachais mes yeux du soleil en plaçant mon bras sur mon visage. 
    J’inspirai profondément.
   Un monstre de puissance voulait la mort de l’humanité. 
   Le savoir représentait un poids considérable pour les frêles épaules de la banale humaine que j’étais. Comment Tabatha, Malcolm, Alexandre, Stanislas, Killian faisaient-ils pour vivre avec ça au quotidien ?
" … Anthony … " 
   Les jours qui nous restaient à vivre étant peut-être déjà compté, supporterai-je de mourir sans mettre réconcilier avec lui ? Je savais qu’une fois morte, je n’en n’aurai même pas conscience pourtant, cela m’inquiétait. Je ne voulais pas rester brouiller avec lui. 
   L’équation était plutôt simple. Je voulais quitter ce bas monde tranquille et heureuse, je ne pouvais l’être que si Anthony revenait – au sens figuré du terme, il n’était parti nulle part –, je devais donc faire tout mon possible pour ça. 
    Je me relevais d’un bond. 
   Cette fois j’en étais sûre, j’avais déjà vu Killian quelque part. 
   Mais où ? 
  Où avais-je entendu ces paroles ? 

 " Ne pars pas, s’il te plaît
 
      Reste 
    Que si nous devions mourir demain 
    Ca soit au creux de tes bras 
     … "



Alors ? Il était assez lond cette fois ce chapitre, il y avait assez d'action ? Pour contrebalancer avec les, au moins, trois derniers chapitres, celui-ci est le plus long jamais écrit dans Chess !! Il fait quinze pages et demi !
Alors satisfait ?

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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 20:21
chapitre 16 - salle de réunion knight guild

   Ca devait être une blague. Sans aucun doute. Une blague.
-   Vous êtes sérieux ? m’inquiétai-je.
    Tous les membres du Conseil avaient l’air aussi atterré que moi.
-   Malheureusement, oui.
-   C’EST IMPOSSIBLE !
   Emportée par mes sentiments, je m’étais levée.
-   Il doit y avoir une autre solution.
-   Vous pensez bien Miss Osborn que nous avons envisagé toutes les autres possibilités qui s’ouvraient à nous avant de choisir celle-ci. Elle ne nous réjouit pas plus que vous.
-   Il doit y avoir une autre solution.
-   Reprenez vos esprits Miss Osborn. Nous n’avons plus le choix.
-   Il doit y avoir une autre solution.
-   Si nous repoussons l’échéance, voir définitivement celle solution, la Knight Guild sera anéantie.
-   C’est impossible.
-   Miss Osborn …
    Plusieurs membres du Conseil soufflèrent, exaspérés par mon comportement et mon refus. Mais qu’aurais-je dû faire ? Accepter ?
-   … Ce … Ce que vous voulez faire est contraire à plus de la moitié de nos règles ! rétorquai-je. En tant qu’haut membre de la Knight Guild je ne peux laisser faire ça !
-   Réfléchissez Miss Osborn. Nous savons très bien pourquoi vous réagissez ainsi mais tâchez d’ignorer vos sentiments. Votre poste ne vous y autorise pas. Il faut penser au bien du plus grand nombre.
-   Le plus grand nombre sera contre cette décision ! répliquai-je. Nous allons assister à une véritable rébellion ! Ceux qui approuveront ce choix, et je doute qu’ils soient nombreux, se feront massacrer par les autres !
-   Voilà une vision des choses plutôt pessimiste.
-   Non, réaliste.
-   Nos membres sont intelligents. Ils comprendront.
-   Et s’ils ne comprennent pas ? Comment fera-t-on ? Ce sera un bain de sang !
-   Mais voyons Miss Osborn ! Réfléchissez ! s’énerva le doyen du Conseil. Quelle autre solution s’ouvre à nous ? Vous y avez vous-même réfléchi pendant des mois sans réussir à trouver une solution !
-   Je chercherai encore ! Je suis contre cette décision et je ne céderai pas, affirmai-je.
-   Que proposez-vous dans ce cas ? Quelle autre alternative avons-nous ? C’est la seule.
-   La seule que nous ayons trouver jusqu’à présent. Mais pas l’unique.
-   Ignorer vos sentiments enfin ! Ce sont eux qui vous poussent à refuser !
-   Je n’ai pas accédé à ce poste en écoutant mes sentiments ! J’ai déjà dû faire des choix qui allaient contre eux et vous le savez. Ici, il est vrai qu’ils sont plus virulents qu’à l’ordinaire mais il paraît évident qu’opter pour ce que vous proposer est une pure folie.
-   Et pourquoi donc ? Nous n’y arriverons pas seuls. Nous avons besoin d’aide.
-   La Knight Guild n’a jamais eu besoin de l’aide de personne !
-   Jusqu’à présent nous ne nous étions jamais retrouvés dans une situation pareille !
-   Ils finiront par trahir ! Vous savez tout aussi bien que moi comment ils sont !
-   Ils sont dans le même cas que nous. Cette alternative ne leur plaît pas plus qu’à nous.
-   Ils auront accès à tous nos dossiers, tous nos secrets leur seront dévoilés !
-   Il en sera pareil de leur côté également ! Des limites seront imposées.
-   Pff ! Pour eux, les règles sont faîtes pour être contournées ! Ils n’en ont que faire ! Ils trahiront ! Il faut être stupide pour les croire sur parole ! me moquai-je.
   Ce débat semblait ne pas avoir de fin. Mais je ne céderai pas. Je ne pouvais pas me résigner à accepter cette … cette … ça. Le doyen me fixait. Il cherchait la moindre trace chez moi de fragilité, même si elle ne durait qu’une demie seconde. Je lui rendais son regard. Je me rassis dans mon fauteuil, fermai les yeux et commençai à me masser les temps. Sur quoi pouvais-je jouer pour empêcher ça de se produire ? Je me repassai mentalement toute notre discussion, tâchant de voir le moindre détail qu’ils auraient tenté de contourner. Je le trouvai facilement.
-   Qu’en pense le Grand Chef ? m’enquis-je.
   Comme s’ils n’avaient été qu’un, les membres du Conseil tressaillirent.
-   Alors ? Quel avis a-t-il sur la question ?
-   Il est très affaibli …, prétexta le doyen.
-   Même malade il reste le seul à réellement pouvoir trancher sur la question. Lui en avez-vous seulement parler ? ajoutai-je.
-   Comme je l’ai dit il est …
-   … affaibli, le coupai-je. Pas inapte à choisir. Il me semble que toutes ses capacités mentales sont intactes.
-   Vous avez raison mais …
-   Il n’y a pas de mais.
   Je me relevai et sortis de la pièce.
-   Miss Osborn ? Que faîtes-vous ?
-   Voir le Grand Chef.
-   Il est …
-   … le chef.
   Le bruit de mes talons résonnèrent dans toute la salle.

 


   J’entrai en ouvrant en grand les portes dans la suite du Grand Chef. L’une des domestiques se précipita aussitôt vers moi.
-   Euh … Miss Osborn … Puis-je vous aider ?
-   Je ne crois pas, merci. Je connais les lieux.
   Je la semais sur place et me dirigeai vers la chambre, enfin, l’une des chambres.
   Une autre domestique était au chevet du Grand Chef.
-   Veuillez m’excuser mais il faut que je vous parle, le prévins-je. Je suis désolée de vous déranger alors que vous êtes au plus mal.
   Il leva vers moi un regard fiévreux.
-   Alice ?
-   Oui.
-   Hum … Laissez-nous seul …, pria-t-il la domestique. J’ai à parlé avec … Miss Osborn…
-   Vous n’êtes pas en état de …
-   S’il vous plaît, partez.
   La femme se crispa mais obéit. Quelques secondes plus tard, nous étions seuls.
-   Approche Alice … S’il te plaît … je n’aurai pas la force de te parler d’aussi loin …
-   Bien sûr.
   Je m’approchai et m’assis sur la chaise que venait de quitter la domestique. Je ne pris pas la parole tout de suite, tâchai d’abord de me calmer.
-   Je crois savoir … ce qui me vaut ta visite Alice …
   Je fus surprise.
-   Vous êtes au courant de … ?
-   … Oui …
-   Pourquoi ne pas m’en avoir parlé ?
-   Je n’ai pas pu … On m’interdit de sortir de mon lit …
   Il émit un petit rire douloureux.
-   Que pensez-vous de ce que propose le Conseil ?
-   … Veux-tu la réponse du Grand Chef ou de l’homme qui répond à ce sobriquet ?
-   L’une ne va pas sans l’autre, non ?
-   … Je t’ai bien formé …
   Je souris.
-   Et bien … Ce que propose le Conseil est … complètement fou. Je crains que les membres de la Knight Guild se rebelle … surtout elle
-   Tabatha ?
-   Oui … Elle est très admirée et les gens la suivront … Ils suivront la seule qui peut … garantir … leur sécurité …, haleta-t-il.
-   Elle n’est que la 4ème reine, pourquoi ne suivraient-ils pas le second roi, ou encore le troisième ? Surtout que le troisième jouit d’une certaine popularité, qu’il est un fils d’un des membres du Conseil et qu’il se rangera à l’avis de son père.
-   Héhéhé … Tout le monde sait … même les enfants, plaisanta le Grand Chef, pourquoi Tabatha n’est que la 4ème reine …
   Je ne pouvais qu’être d’accord. Il avait suffi qu’une personne en dehors des hauts dirigeants les sachent pour que ces raisons se répandent comme une traînée de poudre. La seule qui ne devait pas les savoir, cela devait être l’intéressée elle-même.
-   Voilà ce qui est à peu près … certain … et ce que j’ai pensé dans … un tout premier … temps … Toutefois … il est vrai que cette proposition est la seule qui … peut nous sauver …
-   La Knight Guild est … ! voulus-je protester.
-   Non Alice. Et tu le sais.
   Je commençai à me sentir mal.
-   Mais … pour le moment … il faut que tu oublies ta haine … provoquée par la mort de Glen … Pense à toutes les familles de la Knight Guild … la proposition du Conseil évitera à toutes ces personnes de mourir Alice … Y compris …
-   Et donc ? l’interrompis-je, n’ayant pas envie qu’il entre dans les détails. Au final, que pensez-vous de ça ?
-   J’attends de voir les … arguments que tu … mettras en évidence … et ceux que le Conseil émettra …
-   Vous n’avez pas d’avis propre ?
-   Si … mais … je ne veux pas qu’on ait l’impression … que tout est déjà écrit d’avance … Si je reste neutre jusqu’à la réunion finale qui opposera … les partisans du Conseil et les … tiens … on pensera que j’ai opté pour la meilleure … solution et non pas celle que … je préférais …
-   Pouvez-vous me donner votre opinion ? Je … je veux savoir.
   Le Grand Chef, allongé dans son lit, inspira un grand coup.
-   Cela te dérange-t-il si je ferme les yeux ? Cela me repose.
-   Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, je veux juste connaître votre avis. Mais je vous en prie, faîtes comme il vous plaira.
   Il ferma les yeux.
-   Je pense … qu’il faut … accepter la proposition du Conseil …
   Je serrai les lèvres.
-   Bien … si vous le permettez, je vais me retirer.
-   Va Alice … Tu n’as pas besoin de ma … permission …
   J’avais la main sur la poignée lorsque le Grand Chef m’interpella.
-   Et Tabatha … Comment va-t-elle ?
-   Comme d’habitude. Elle m’a envoyé il y a peu un mail pour me dire que les Miss Jones, Stevens et Takano étaient prévenues.
-   Et ses cavaliers ?
-   Alexandre ne change pas. Malcolm aussi.
-   C’est parce que Tabatha n’évolue pas …
-   Sans doute. Elle a un caractère très … très.
-   Tabatha … je m’inquiète pour elle …
-   Tant qu’Alexandre et Malcolm sont avec elle il n’y a pas de problème. Par contre, je crains le pire … sa réaction aux évènements à venir risquent d’être très … très.
-   … Sans doute … Au moindre soucis amène-la moi …
-   Comptez sur moi, lui assurai-je.
   Et je refermai la porte.

 


   J’entrai de nouveau dans la salle du Conseil alors que ses membres s’apprêtaient à partir. Le doyen eut l’air étonné.
-   Je ne m’attendais pas à vous revoir Miss Osborn. Reprenons-nous la réunion ?
-   Oui. Pas d’inquiétude, elle ne sera pas longue.
   Il leva un sourcil inquisiteur.

  Quand tout le monde se fut rassis, le doyen prit la parole. Pour ma part, je m’accrochai le plus fort possible aux accoudoirs de mon fauteuil, ne réalisant pas tout à fait ce que je m’apprêtais à dire.
-   Miss Osborn … Avez-vous de nouveaux arguments contre l’application de notre projet ?
   Il avait l’air prêt à ressortir tous les siens et cette perspective ne semblait pas être tout à fait à son goût.
-   Non …, soufflai-je.
-   Non ?
   Des exclamations fusèrent parmi les membres du Conseil. Ils étaient tous surpris.

   Je resserrai ma prise sur mes accoudoirs et inspirai.
-   Je suis d’accord avec vous. Que le projet soit mis en application le plus vite possible, que l’on commence dès maintenant à prendre contact avec …
-   Tout sera fait selon vos ordres Miss Osborn ! s’empressa d’accepter le doyen. La réunion est finie ! Que l’on débute …
   Je ne prêtais plus aucune attention à ce qui se passait autour de moi. Je saurais de toute manière rapidement ce qui avait été dit, il me suffirait de lire les dossiers qui s’amoncelleraient encore un peu plus sur mon bureau.

 


   J’avais encore du mal à croire à ce que je venais de dire. Mon pire cauchemar allait se réaliser.

   Pardon Glen.

   Bientôt je serais la cible privilégiée des rebelles.

   Car j’avais approuvé l’alliance avec la Rook Guild.

 


   Pardon Glen.



Et voilà ! On aborde ainsi l'un des tournants de l'histoire ! L'action devrait revenir dès le prochain chapitre !

 

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5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 22:56
chapitre 15 - étincelle

   Ce fut le week-end le plus merveilleux de ma vie. Le plus ennuyeux, le plus banal, le plus normal. S’ennuyer, zoner sur le canapé, chatter sur Internet, grignoter des calories en veux tu en voilà … Je ne mettais jamais rendu compte à quel point j’aimais toutes ces petites habitudes insignifiantes. Car mes dernières semaines avaient été toutes sauf normales. J’avais assisté à un combat à mort perchée dans un arbre, kidnappée, retenue prisonnière dans une voiture, encore assisté à un combat à mort, vu une de mes camarades se faire tirer dessus … Ce genre de choses m’intéressait nettement moins. La question était donc : " Morgan, pourquoi tu restes avec cette bande de dégénérés fous dangereux qui se battent pour un collier ? Hein Morgan ? As-tu perdu la tête toi aussi ? ". En fait, s’il n’y avait pas eu Malcolm Lewis j’aurais tout arrêté.

   Malcolm Lewis.

   L’un des dégénérés fous dangereux à cause desquels j’avais failli mourir plus de fois en l’espace d’un mois que dans tout le reste de ma vie.

   Qu’est-ce que je savais de lui ? Sincèrement, pas grand chose. Il s’appelait Malcolm Lewis, était le cavalier de Tabatha Taylor, le partenaire d’Alexandre Evans, savait tirer avec des pistolets et était, un poil, frimeur. Et par dessus tout, il m’attirait. J’avais un peu de mal à garder les idées claires quand il se trouvait à côté de moi – non seulement parce que mon cœur accélérait son nombre de battements à la minute mais aussi parce que des petites voix me conseillaient de le tuer – et à conserver un comportement à peu près normal. Malgré tout, si j’avais pu, j’aurai passer tout mon temps avec lui. Jamais mes simagrées et mes mensonges au lycée ne m’avaient autant gênée. Malcolm avait certainement entendu parler de moi : " Morgan Jones ! L’une des filles les plus belles et les plus populaires du lycée ! Toujours entourée d’une bande d’amis ! Membre des cheerleaders ! " mais je n’étais pas sûre que ça lui plaise. Mon attitude au lycée était tellement superficielle, comment pouvais-je jouer mon petit numéro tous les jours ? Je mourrais d’envie de tout plaquer, de dire au revoir sans le moindre regret à tous mes prétendus amis et d’abandonner mon uniforme de pom-pom girl. Mais je ne pouvais pas. J’avais trop peur.

   C’est pourquoi, une fois que je fus descendue de ma voiture le lundi matin, j’adressai un " Salut ! " amical à tous ceux qui m’attendaient et leur fis admirer ma nouvelle jupe. Je me fis vraiment honte.

   Ma punition divine fut de rencontrer Jade alors que je me rendais à ma première heure de cours, entourée de mon cercle d’amis. Mon premier réflexe fut bien entendu d’aller lui dire bonjour avant que je ne me rende compte que je ne pouvais pas – pas avec le beau monde qui traînait autour de moi. Jade, quand elle me remarqua, m’adressa quant à elle un timide signe de la main. Je priai pour que mes boulets ne s’en aperçoivent pas et croisai les doigts. Ce ne fut pas le cas. Mes amis éclatèrent de rire.
-   T’as vu ? Encore une qu’essaye de se faire remarquer !

     J’aurai pu les remballer et ainsi éviter à Jade un lot de moqueries mais le rôle que je jouais à l’instant ne me permettait pas de le faire. Ce n’était pas inscrit dans mon scénario. Je passai devant elle sans lui adresser la moindre attention tandis qu’elle s’empourprait sous le coup des railleries de mes camarades. Cette mauvaise action allait sans aucun doute peser sur ma conscience pendant longtemps.

 

   Je venais de sortir de sport et allais me rendre au self quand je m’aperçus que j’avais oublié la clef USB que m’avait prêté l’une des filles avec qui je devais manger à midi. Coup de chance, je réussis à convaincre mes moucherons de partir sans m’attendre.
-   Mais c’est pas vrai ! Où j’ai bien pu la fourrer ?  

   Je retournai une fois de plus le contenu de mon casier, ne remettant plus la main sur cette foutue clef USB.
-   Morgan.

   Je me retournai vivement, ne reconnaissant pas la voix qui m’avait appelé.
-   Oh ! Tabatha …

   C’était bien et elle avait l’air un peu contrarié.
-   Tu … Tu vas bien ? m’enquis-je pour détendre l’atmosphère.
-   Je veux que tu sois chez moi dès que tu sortiras des cours.
-   Ca … ne va pas être possible, j’ai mon entraînement de cheerleader …, balbutiai-je, étonnée par sa demande.
-   Je ne t’ai pas demandé ton avis. Viens une fois que tes cours seront finis.
-   Je suis désolée d’insister mais …

   Les traits de Tabatha se crispèrent et ses yeux commencèrent à flamboyer.
-   Euh … Pas de problème, je serais là …
-   Tss …

   Elle leva les yeux au ciel puis sa bouche se tordit en un sourire moqueur.
-   Au fait Morgan … Tu n’as pas été très gentille ce matin …
-   Quoi ?
-   Ignorer Jade comme si tu ne la connaissais pas et la laisser en pâture à tes abrutis de copains …

   Elle avait vu la scène ! Je rougis aussi vite qu’il était humainement possible de le faire et baissai les yeux.
-   Je … Enfin …

   Mais il n’y avait aucune raison valable à mon comportement et il m’était impossible de me justifier.
-   C’est pitoyable.

   Je tressaillis. De la bouche de Tabatha, ces mots paraissaient encore plus blessants qu’à l’ordinaire. Ils étaient fait pour blesser en plein cœur.
-   Tabatha !

   Elle se retourna et j’en profitai pour relever mon regard. C’était Malcolm qui l’appelait. Derrière lui se tenait Jade, embêtée par Alexandre, ainsi qu’une autre fille aux cheveux auburn qui dévorait le punk du regard et Lilian.
-   Tu viens ? On va manger ? Oh ! ajouta-t-il quand il me vit. Tu manges avec nous Morgan ?
-   Euh … D’a …, m’empressai-je de répondre.
-   Malheureusement, ça ne va pas être possible, me coupa la reine. Morgan doit manger avec ses amis, ils l’attendent déjà dans le self. N’est-ce pas ?

   Elle avait de nouveau braqué les émeraudes qui lui servaient d’yeux sur moi.
-   Oui …, soufflai-je.
-  Une prochaine fois peut-être ? s’enquit Malcolm.
-   Oui …
-  Tss …

  Tabatha continua de me regarder pendant encore une seconde ou deux puis tourna les talons.
-   Morgan mange avec nous ? lui demanda Alexandre quand elle les eut rejoint.
-   Non.

   Leur petit groupe s’éloigna ensuite en direction du self – après que la fille qui couvait un peu trop le cavalier blond fut parti suite à un regard très appuyé de Tabatha.
-   T’en as mis du temps Morgan ! me firent remarquer mes pseudos amis quand je m’assis à leur table.
-   Je … cherchais un truc dans mon casier. Désolée Lolita, je te rendrais plus tard ta clef USB.
-   Prends tout ton temps !

   Tout le monde reprit sa conversation où il l’avait laissé et se préoccupa peu de mon silence. Mais je ne m’en aperçus pas. Les mots de Tabatha tournaient dans ma tête sans jamais vouloir s’arrêter.

   " C’est pitoyable. "

 

-   Tu plaisantes j’espère ?
   L’air incrédule d’Alexia valait son pesant de cacahuètes.
-   Je suis sincèrement désolée mais j’ai une obligation après le lycée et je ne pourrais pas me rendre à l’entraînement, répétai-je.
-   Et comment on va faire sans toi ? s’écria-t-elle. Tu es bien consciente que c’est un sport collectif ? Un sport collectif, insista-t-elle.
-   Je suis vraiment désolée Alexia. Et maintenant, excuse-moi, il faut que je parte.
-   Attends un peu ! Je n’ai pas fini ! s’indigna-t-elle.

   Je pressai le pas, pressée de m’éloigner de ses hurlements hystériques.
-   Tu refais ça encore une fois Morgan, je te jure que je donne ta place à quelqu’un d’autre ! conclut-elle.

   Qu’elle le fasse. Je n’attendais que ça.

  
   Je trouvais comme la dernière fois la clef sous le paillasson et ouvris la porte. Enfin. Les portes.

  La beauté du jardin et de la maison me frappa comme la première fois. Qu’il soit sensiblement plus tôt que Denver aussi. Je trottinai jusqu’à la porte d’entrée sur le chemin en gravier et frappai. Personne. Je m’éloignai un peu et criai.
-   Hé ho ! Il y a quelqu’un ? 

   Je me rapprochai de la porte et collai mon oreille mais je ne perçus aucune bruit à l’intérieur. Tabatha ne devait pas encore être rentrée. Je m’assis sur le paillasson, repliant mes jambes contre mon buste. J’en profitai pour réfléchir au lieu où je me trouvais. Où était cette maison ? Il me paraissait évident que nous n’étions pas, plus, aux Etats-Unis. Quelles mers ou quels océans la porte m’avait-elle fait traverser ? Quels pays ? Quels continents ?

   Je fus interrompue dans mes réflexions par des miaulements. Je remarquai alors le chat qui se tenait à quelques pas de moi. Il était très beau. Mince, son poil était très noir, très lustré et ses yeux étaient d’un émeraude saisissant.
-   Oh !

   Ses yeux … Tabatha était-elle capable de métamorphose ?
-   Tabatha … C’est toi ?

    Le chat poussa un nouveau miaulement. Visiblement, je faisais fausse route. Comme j’étais seule, je me décidais à lui parler.
-    Tu habites ici ?

   Je n’obtenus évidemment aucune réponse mais il m’était agréable de rompre le silence qui régnait en ces lieux.
-   Tu es très beau tu sais.

   Comme s’il m’avait compris, le magnifique animal sembla se rengorger et miaula une nouvelle fois.
-   Tu parles souvent toute seule ?

   Je me retournai vivement tout en reculant et faillis tomber. Il ne s’agissait toutefois que de Tabatha qui venait d’ouvrir la porte d’entrée.
-   Je … Je ne parlais pas toute seule, précisai-je. Je discutai avec le chat.

   Elle reporta son attention sur ledit animal.
-   Oh … Et tu espères qu’il va te répondre ?
-   Non. Je faisais ça pour …
-   Ta petite vie et tes loisirs ne m’intéressent pas. Entre. Viens ! ordonna-t-elle au chat.

  L’animal se rua sur celle qui semblait être sa maîtresse et je ne pus m’empêcher de penser que les deux s’accordaient tout à fait. Tabatha ne portaient que des vêtements noirs et le chat avait les mêmes yeux qu’elle. Quand il fut à son niveau, la reine le prit dans ses bras et lui gratouilla la tête. Cela devait être la première fois que je la voyais aussi affectueuse et cela me fit sourire.
-   Installe-toi sur le canapé, Lilian et Jade ne devraient pas tarder à arriver, m’informa la maîtresse des lieux une fois qu’elle eut reposé le chat à terre.

   Elle s’assit en face de moi et croisa les bras et les jambes. Le chat se frottait contre elle en ronronnant.
-   Il … est très beau, la complimentai-je.
-   Elle, me reprit la reine. C’est une femelle.
-   Ah …

   Le silence s’installa de nouveau et Tabatha ne me prêta bientôt plus aucune attention, absorbée par ses pensées. Je jetai des coups d’œil timides autour de moi, comme si je risquais de me faire enguirlander pour ça. En vérité, la maison m’impressionnait. C’était la maison de la reine. La chatte passa à proximité de moi et je tendis une main pour la caresser. Malheureusement, dès qu’elle le vit, son poil se hérissa et elle se mit à pousser des grognements terrifiants.
-   Elle ne supporte pas qu’on la touche, me précisa Tabatha. En fait, on dirait qu’il n’y a que moi qu’elle apprécie. Elle terrorise Alex et Malcolm.

   Sur ce, elle gloussa, probablement au souvenir d’événements mémorables entre ses cavaliers et son animal domestique.

   On frappa à la porte. Sans un bruit, la reine se leva et alla ouvrir à mes deux camarades. Elle fit signe à Jade et Lilian de s’asseoir à côté de moi et reprit sa place. Elle fixa tout à tour Jade et moi, se demandant comment nous allions nous comporter l’une envers l’autre puis commença :
-   Il …
-   On n’attend pas Malcolm et Alexandre ? demandai-je.

   Ma splendide interlocutrice me lança un regard mauvais tandis que je prenais conscience de mon inconscience.
-   Désolée, chuchotai-je sous les yeux inquiets de mes voisines.
-   Tss … Non, on n’attend pas Malcolm et Alex. A vrai dire, je leur ais interdit de mettre les pieds ici tant que vous serez là. Nous sommes là pour discuter de leur cas.

   Discuter … De Malcolm et d’Alexandre ? Je ne comprenais pas pourquoi.
-   Je serais succincte, débuta-t-elle.

   Une étincelle se mit à brûler dans ses yeux.
-   Je vous interdit de vous approcher d’eux.

   Hein ?
-   Mais … Pourquoi ? balbutia Lilian.
-   Je ne vous parle pas de vous approcher d’eux physiquement parlant. Je vous parle de sentiments.

   Je tressaillis.
-   Suite aux derniers évènements, la Knight Guild m’a officiellement chargé avec mes cavaliers d’assurer votre protection face à la Rook Guild. Toutefois … je n’accepterai de faire correctement mon travail qu’à une seule condition … Une seule …
-   Quelle condition ? m’enquis-je, la gorge serrée.
-   Je veux que vous me promettiez de ne jamais éprouver le moindre sentiment amoureux pour eux. Jamais.

   L’intensité de son regard me fit peur.
-   Et si … on ne respecte pas notre promesse ? murmurai-je.

   Les sourcils de Tabatha se froncèrent d’un coup, elle était furieuse. Elle se leva d’un bond et explosa son poing contre le mur, qui se fendilla. Des miettes de béton tombèrent.
-   Si vous ne respectez pas votre engagement, cracha-t-elle, je vous laisse tomber chez les rooks. Et Alexandre et Malcolm ne témoigneront jamais contre moi. Personne ne saura jamais que j’ai facilité la tâche à la Rook Guild et on ne vous reverra probablement jamais.

   Mon cœur se serra un peu plus. J’étais terrorisée. Tabatha parut se décrisper un peu.
-   Alors … Vous me le promettez ?

   Que faire ? Je ne pouvais pas renier l’attirance que j’éprouvais Malcolm et je n’avais aucune garantie que rien de plus n’en découlerait jamais. Si je voulais être parfaitement honnête, je ne pouvais pas. Mais … La reine semblait sérieuse. J’avais la nette impression qu’elle n’hésiterait pas à mettre en application ses menaces. Je repensais à mon rêve, celui où elle m’étranglait et que ses cavaliers laissaient faire. Et que me ferait subir la Rook Guild ?

   Devais-je lui promettre de ne jamais aimer Malcolm – et je me doutais que repousser mes sentiments serait une véritable torture – ou bien refuser et opter pour un futur chez la Rook Guild ?

   Choisir la raison ou les sentiments ?
-   Je … je te le promets Tabatha …, souffla Lilian. Je ne serais jamais amoureuse de Malcolm … ou d’Alexandre.

   Facile pour elle ! Son cœur était déjà pris !
-   Et vous, Morgan et Jade ? poursuivit Tabatha. Pourquoi cette hésitation ? Dois-je en déduire que …
-   Je te jure Tabatha que je ne serais jamais amoureuse de l’un de tes cavaliers.

   Je fus surprise par la détermination de Jade. Il semblait qu’elle n’avait pas eu à réfléchir pourtant elle avait marqué un silence après la demande de la reine.
-   Alors Morgan ? Que fais-tu ?

   Je fermais les yeux.
-   Je ne serais jamais … amoureuse … d’Alexandre … ou de Malcolm.

   Je devais me résigner. De toute manière, Malcolm ne faisait pas tout à fait parti de mon monde. Il était un humain aux capacités surnaturelles. Et je m’étais toujours promis de rester ancrée dans la réalité. C’était mieux ainsi finalement. C’était mieux …

   Tabatha retira son poing du mur et ses yeux cessèrent de brûler.
-   Très bien … C’est parfait alors.

   Elle fit un de ses petits sourires crispés qui illuminaient son visage.
-    Nous sommes d’accord. Je me charge de votre protection, aidée de mes cavaliers, vous gardez une vie relativement normale et en contrepartie vous ne vous approchez pas de Malcolm et d’Alex. N’est-ce pas ? demanda-t-elle avec un côté ironique.
-   Oui …

   Je serrai les poings et m’efforçai de contenir mes larmes.
-   Et maintenant, je vais vous demander de partir.

   Tabatha avait repris sa voix habituelle.

  Je repassai mon sac sur mes épaules, imitée par mes deux partenaires d’infortune, et me dirigeai vers la sortie. La chatte domestique de Tabatha semblait attendre qu’on lui ouvre la porte pour retourner dehors. Je le fis et m’engouffrai à l’extérieur.
-   Salut toi …, lui soufflai-je.
-   Elle a un nom.

   Comme je voulais partir d’ici le plus vite possible, je ne répondis pas à la remarque de Tabatha.
-    Elle s’appelle " Terreur des Ténèbres ".

   Je m’enfuis et me dépêchai de rejoindre Denver.

   Malcolm et Alexandre attendaient sur le seuil de l’appartement qu’était censée habiter Tabatha. Voir Malcolm tout de suite après l’avoir définitivement rayé de ma vie me fit mal.
-   Elle ne vous a pas trop fait peur ? plaisanta-t-il.

   Je l’ignorai et trottinai vers l’ascenseur, ne me préoccupant pas de savoir si Lilian et Jade avaient elles aussi regagner la ville, bousculant Malcolm au passage. Il me sembla qu’il se retourna, certainement surpris.

  
   J’éclatai en sanglots dans l’ascenseur tout en me disant qu’il était ridicule de pleurer un garçon que l’on n’aimait pas.

   Pas encore.


Et voilà le chapitre 15 ! Désolée, il est court mais je craignais de casser l'ambiance si je poursuivais ... Promis, les prochains chapitres seront plus longs ^^

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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 21:38

Chers et bien aimés lecteurs, j'imagine que vous devez vous poser pas mal de questions sur Chess entre "Qui est la femme des rêves ?" et "Alexandre aime-t-il Jade ou Tabatha ?". Malheureusement (pour vous), je ne peux pas me permettre d'y répondre, secret professionnel oblige. MAIS ! Je me propose, si cela vous intéresse, de répondre à vos questions plus "technique" dirons-nous. Du style ... euh ... Prenons un exemple ! Mes amies - celles qui lisent ma modeste oeuvre - m'ont déjà posé des questions comme "Comment t'as pu inventer une histoire pareille ?" ou encore "Et les prénoms, tu les as choisi comment ?". Ce genre de questions, je peux y répondre. Donc, si par hasard, vous vous posez une question plus "technique", chers et bien aimés lecteurs, vous pouvez la poser sous la forme d'un commentaire sur cet article et j'y répondrai également sur cet article. Et si vous n'en avez aucune, ce n'est pas grave, je continuerai d'écrire mon p'tit bout de roman.
A vos claviers ! (Ou pas)


1 - "Pour tout ce qui est des prénoms comment fais-tu ? Parce que Tabatha, j'avais jamais entendu ! XP "
  C'est (tout) bête. Pour mon roman, j'avais inscrit Tabatha et Stanislas d'office parce que j'adore ces prénoms. A l'origine, ce sont des prénoms que ma mère avait mis dans sa liste - vous savez, la liste où on note tous les prénoms qu'on aime bien pour choisir pour son futur bébé, j'ai failli m'appeler Tabatha pour de vrai. Les autres pour la plupart, je les ai trouvé dans un super dico des prénoms (y'en a des supers rares !). Pour Lilian, c'est facile. L'une de mes amies s'appelle Elise. J'ai regardé à Elise dans mon dico et je suis remontée au prénom original : Elisabeth, et là, dans ses dérivés, j'ai trouvé, entre autre, Elise et Lilian ! Le prénom m'a paru pas mal, je trouvais que ça avait une consonnance américaine ^^ Pour Morgan, j'ai feuilleté dans le même dico et quand je suis tombée sur le prénom ça m'a fait penser à la fée Morgane (je ne sais pas si vous connaissez^^) et comme j'avais décidé que le personnage serait une très jolie fille et que la fée était censée être très belle, je l'ai pris. J'ai juste enlevé un -e pour qu'il soit écrit à l'américaine. Jade ... Je ne savais pas comment l'appeler ! J'ai voulu prendre un prénom japonais mais le jour où j'ai feuilleté la liste des prénoms du pays rien ne m'a plu ! Alors je me suis dit : "Un prénom qui fait asiatique ..." et pof ! Jade m'est apparu comme par merveille. Pour Malcolm, c'est en hommage à Malcolm Young, l'un des guitaristes du groupe de rock AC/DC !! Je suis fan et j'adore le prénom. Alexandre ... Cette fois c'est en hommage à Alexandra, ma meilleure amie ! Pour Killian, c'est le prénom d'un des copains de mon petit frère, que celui-ci avait surnommé quand il était tout petit : "Killian le bagarreur". Comme ça allait bien avec la personnalité du personnage je lui ai attribué ! Pour les autres, je les déniche sur un site qui fourni des prénoms américains, avant de commencer à écrire mon histoire, j'ai vérifié que tous mes prénoms collaient. Ils marchaient tous ... sauf Stanislas. Ca n'existe pas chez eux. Mais je l'ai gardé. Parce que de toute manière Stanislas est spécial !


2 - "L'oeil sur l'image dans haut est-ce tiré de Les Âmes Vagabondes ? C'est toi qui la modifiée?"
  Franchement ... euh ... je ne sais pas. Peut-être. Je viens de voir que "Les Âmes Vagabondes" était sorti en 2008 et je n'ai commencé à écrire la première version de Chess qu'en Avril 2009. Il est donc possible que cela soit la même image. Par contre, oui, j'ai modifié en partie l'image de l'oeil, qui est aussi celle du chapitre 4. J'ai déniché à l'origine seulement l'oeil sur Internet, l'iris était déjà vert, j'ai donc découpé l'image pour la mettre sur un fond et j'ai mis un effet nuit - que j'utilise sur la plupart des images de début de chapitre ^^ Pour info, j'utilise PhotoFiltre, c'est très bien pour les débutants !

3-"Est-ce que tu connais déjà la fin ou tu ne le connais que vaguement?"
  Pour ma part, quand je créé une histoire (et Dieu sait que j'en ai inventé beaucoup !) je trouve très rapidement la fin. Après, bien sûr, suivant les péripéties que j'imagine au fur et à mesure elle peut, très légèrement, changée. Par conséquent, OUI, j'ai déjà une idée très précise de la fin de Chess ! 

 

4-"Est-ce que tu comptes continuer d'écire, ou peut-être devenir écrivain ?"

  Effectivement, j'en ai bien l'intention ! Rien ne saurait me faire plus plaisir ! Mais entre vouloir et pouvoir, il y a un monde ... Comme je suis encore très jeune (par rapport à la gigantissime majorité des auteurs), j'estime que mon style d'écriture va encore s'améliorer et que, par conséquent, j'aurai peut-être ma chance. Et même si j'arrivais à publier, il est probable que je ne réussisse pas à vivre seulement avec mes droits d'auteur. Néanmoins, j'ai trouvé ce que je voulais faire plus tard et c'est ... scénariste ! Du coup, l'écriture va rester dans mes priorités pendant encore ... très longtemps !

 

5-"Est-ce que tu comptes faire publier Chess ?"

    Et bien ... oui. J'aimerai bien. Voir beaucoup. Voir énormément. En tout cas, j'adorerai que Chess soit publié ! C'est pour ça que je publie sur Internet car cela me permet d'avoir l'avis de personnes qui ne me connaissent pas et qui ne sont pas, du coup, influencées. Cela me permet aussi de voir si mon histoire plait ^^

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1 janvier 2010 5 01 /01 /janvier /2010 19:19

Bonne année à tous !
Avez-vous décidé de vos bonnes résolutions de l'année ? Pour ma part, non ( de toute manière, je ne les tiens jamais ^^).
Par contre, je me suis fixée des objectifs !
Vous voulez en connaître un ?
Finir Chess ! ( Et je viens de me rendre compte que nous nous rapprochons de la moitié de l'histoire du volume 1 ! )
Je compte sur vos encouragements !

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Présentation

  • : Chess-Moonless Night
  • : Lilian Stevens, Morgan Jones et Jade Takano sont trois lycéennes américaines, se rendant au même lycée. Elles ne se connaissent pas, ou peu, mais vont être amenées à se rapprocher suite à l'arrive de la splendide et mystérieuse Tabatha Taylor ... Ce qu'elles ne savent pas encore, c'est qu'elles vont être emportées dans des aventures qu'elles n'avaient jamais imaginé ... Prêt à franchir le point de non-retour avec elle ?
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