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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 17:56


  J’étais en train de papoter avec Lilian qui venait de laisser Anthony à quelques connaissances quand je l’avais vu au milieu de la foule des élèves faisant la queue pour monter dans le car. J’avais d’abord cru rêver mais il n’y avait pas deux personnes comme elle sur cette planète. Tabatha Taylor était là - prête à partir. Je l’avais regardé le plus discrètement possible s’installer derrière Morgan et avait repris le cours de la discussion en tâchant de conserver un air neutre, ce que je faisais plutôt bien en temps d’ordinaire. Cette fois-ci pourtant, je me trahis.
- Tu es malade en bus ? s’inquiéta Lilian.
- Non. Pourquoi ça ?
- Tu n’as pas l’air bien. Tu es toute pâle, rajouta-t-elle.
- Ce … ce n’est pas ça … Regarde derrière Morgan …, soufflai-je.
  Elle se retourna et fit vite volte face. A son air crispé j’en déduis qu’elle avait bien vu.
- Tu savais qu’elle devait venir ?
- Non. Et je ne me souviens pas avoir entendu un des élèves organisateurs s’être vanté de l’avoir fait.
- Pourtant elle est là !
- Peut-être s’est-elle directement adressé au prof ?
  La fiche de répartitions des tentes arriva enfin à nous et nous nous regardâmes au même moment quand nous vîmes avec Lilian que Tabatha serait sous la même tente que nous.

  Je jetai un autre coup d’œil par dessus l’épaule de mon amie. Ce qui devait être un sympathique voyage allait se transformer en cauchemar. J’en étais sûre.

  L’heure de trajet jusqu’à la forêt nationale d’Arapaho§ me parut soudainement beaucoup trop courte. Je descendis du véhicule la mort dans l’âme. Bien que Tabatha ne s’en soit jamais pris à moi directement, j’avais une vague idée de ce dont elle était capable – dans l’affaire Hilton, à laquelle j’avais assisté, elle avait été aussi éblouissante que terrifiante. D’une certaine manière j’en avais peur, ne sachant pas où était vraiment ses limites.

  Nous remîmes nos bagages à l’accueil et l’on nous prêta de quoi nous repérer en pleine nature – une boussole, prêtée par le lycée, et une carte. On nous présenta les guides qui nous encadreraient pendant nos activités.
- Vous travaillerez par groupe, nous prévint l’un d’eux. Nous les avons constitués de la manière suivante – les filles se trouvant sous les mêmes tentes restent ensemble et nous allons ensuite leur répartir les garçons.
  Zut ! J’avais oublié ce désagréable point du séjour ! Ce voyage n’allait plus du tout une partie de plaisir, sauf peut-être pour Lilian car Anthony se trouvait être l’un des garçons de notre groupe. J’étais on ne peut plus désespérée. Mais parallèlement, j’allais faire tout ce que je pouvais pour empêcher que les autres le soient – désespérés.

  Les activités commencèrent peu après, juste le temps que l’on nous explique les règles de prudence. Nous devions pour le moment nous familiariser avec la carte, ce qui fut fait sous forme d’un jeu où chaque groupe devait se rendre à un point précis, malgré tout encerclé par le groupe des animateurs pour éviter que nous nous égarions trop. Seuls les garçons, qui étaient au nombre de trois, et moi nous plongeâmes dans la carte, Lilian et Morgan se retrouvant incapable de la lire. Nous n’en menions cependant pas bien large non plus en réalité, aucun de nous n’arrivant vraiment à comprendre.
- Tss … Passez-la moi.
  C’était la première fois que Tabatha articulait un mot depuis la journée me sembla-t-il. Surpris, Anthony lui tendit en levant un sourcil. Elle examina le document pendant quelques secondes avant de décréter d’une voix particulièrement autoritaire :
- Suivez-moi.
  Elle tourna immédiatement les talons. Nous marchions tous littéralement sur ses pas et j’avais la terrible impression que nous étions en train de nous perdre tellement la végétation devenait dense. Au bout de longues minutes nous finîmes néanmoins par revenir sur l’un des sentiers - Tabatha n’avait pourtant regardé qu’à deux ou trois reprises la carte.
- T’es sûre qu’on est sur le bon chemin ? s’enquit Konnor Nelson, un des membres de notre groupe, l’air vaguement inquiet.
- Si tu n’en ais pas sûr tu peux toujours rebroussé chemin et revenir au point de départ - si tu y arrives. Ce n’est pas moi qui t’en dissuaderai.
   Et elle poursuivit son chemin en accélérant le pas.

  Nous arrivâmes peu après au point d’arrivée, seul un autre groupe était là. Les accompagnateurs nous félicitèrent chaudement, Lilian et Morgan soufflèrent de soulagement. Tabatha était-elle une adepte de la randonnée ? Non, plutôt une espionne des services secrets – cela lui allait mieux avec ses capacités au combat. Les garçons de notre groupe se donnèrent de grandes claques dans le dos, ce n’était pourtant pas grâce à leurs formidables qualités que nous en étions là. Mais je ne leur dis pas.

  Je jetai un petit coup d’œil à Tabatha, nonchalamment adossée à un tronc dans l’attente des autres groupes. Que cachait-elle ? Cette question tournait en boucle dans ma tête sans jamais vouloir s’arrêter.

  Le reste de la journée se passa dans l’ensemble dans la bonne humeur, notre sauveuse de la matinée se révélant à de maintes reprises d’une aide précieuse dans divers domaines. Aucun doute c’était une habituée. Mais de quoi véritablement ?

  Je crus que Lilian et Morgan allaient pousser des hurlements de bonheur quand on nous annonça la fin des activités et elles firent preuves d’un grand empressement à monter la tente.
- Haaa !
  Ce furent les mots exacts de Morgan quand le dernier pant de toile fut placé. Suivi d’un langoureux : " Noon ! " quand tout s’écroula. Elle tomba à genoux.
- J’aurai jamais la force de tout remonter !
- On n’a pas le choix, lui fis-je remarquer. Sinon nous allons devoir dormir à la belle étoile.
- Non ! Pas question ! Cette tente sera montée !
  Elle marqua une pause, une fabuleuse idée ayant l’air de lui avoir traversé l’esprit.
- Il faut bien qu’il nous serve à quelque chose ! Anthony !
  Ce dernier accourut bien vite en voyant la tête déconfite de Lilian.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Il y a que cette fichue tente refuse de rester debout ! Monte-la nous ! lui ordonna-t-elle.
- Viens dormir avec nous plutôt ! lui proposa l’un des camarades d’Anthony avec lequel il partageait sa tente.
- Dans tes rêves …, grommela-t-elle.
- Tabatha ne vous aide pas ? s’enquit Anthony.
- Nous ne savons pas où elle est, lui répondit Lilian. Elle a juste dit qu’elle devait passer un coup de téléphone et nous ne l’avons pas revu depuis.
  Mais il s’intéressait déjà aux piquets.
- Elle est tordu !
- Quoi ?
  L’une des tiges qui supporte la structure. Vous voyez ? Elle finira toujours par tomber.
  Effectivement. Elle était inutilisable dans cet état. Je me passai une main dans les cheveux, dépitée. Tout allait de travers. J’aperçus Tabatha qui sortait de derrière un arbre et qui rangeait quelque chose dans son sac – je supposai qu’il s’agissait de son portable.
- La tente n’est pas montée ? remarqua-t-elle.
  Je trouvai cette remarque plutôt mal venue pour quelqu’un qui nous avait laissé faire tout le boulot.
- L’une des tiges est tordue, l’informa Anthony.
  Elle lui prit des mains et l’examina.
- Elle est tordue, constata-t-elle à son tour. Tss !
  Elle fronça de nouveau les sourcils.
- Il va falloir que vous demandiez une nouvelle tente, nous précisa le petit ami de Lilian.
- On va se débrouiller, lui rétorqua Tabatha sèchement. Tu peux t’en aller.
  Anthony parut surpris mais ne répliqua rien – lui aussi devait être au courant de l’incident Hilton et tenir à la vie. Il s’exécuta et se préoccupa de sa propre habitation.
- Je vais le faire.
- Quoi ?
  Tabatha se mit à rassembler les différentes parties de la structure de la tente.
- La … La tente ne tiendra jamais …, remarquai-je. La tige…
- Tu tiens vraiment à dormir sous la voûte céleste …
- Non ! Jade, si Tabatha peut monter la tente, laissons-la faire !
  Je me demandai vraiment ce que Morgan Jones venait faire dans un stage pareil - Lilian ne m’avait pas expliqué quelles raisons la motivaient à ce point pour s’exiler en pleine nature. En tout cas elles devaient être excellentes.

  En quelques minutes à peine, la tente fut installée et prête à l’emploi.
- Mais … et la tige ?
- Une broutille. Sortez vos sacs de couchage.
  Une broutille. Puisqu’elle le disait !

 

  Nous nous rendîmes ensuite aux douches après avoir dîné, histoire de nous débarrasser de toute la sueur de la journée. J’étais affreusement pudique et ce passage obligatoire me pétrifiait. Je finis néanmoins par enlever ma serviette en coton et par me placer sous le jet d’eau. Lilian et Morgan se trouvaient chacune à un de mes côtés et nous discutions tranquillement - bien que je me dépêchai pour repartir le plus vite possible. Je remarquai cependant un détail quelque peu étrange. Celle qui parmi nous toutes aurait dû avoir le moins de complexes à s’exhiber gardait contre elle sa serviette – Tabatha. Le dos collé au mur carrelé, elle semblait attendre. Elle ne nous prêtait pas la moindre attention, gardant les yeux dans le vague – j’en conclus qu’elle n’était pas en train de sournoisement nous mater.

  Dès que la dernière trace de shampooing eut disparue de mes cheveux je quittai les douches, m’étant au préalable de nouveau enroulée de ma serviette et partis dans la pièce accolée où j’enfilai mon pyjama et me séchai les cheveux. Lilian et Morgan sortirent peu de temps après avec quelques autres filles tout en plaisantant. Il ne restait plus que deux ou trois adolescentes sous l’eau quand Tabatha retira l’unique tissu qui la recouvrait.
- Oh ! Mais c’est un vrai ? s’exclama une des filles restantes.
  Toutes celles qui étaient en train de se rhabiller tournèrent la tête. Moi même, après quelques hésitations je finis par regarder. Et je le vis.

  Son tatouage.

  Tabatha en avait un dans le bas du dos, bien qu’il soit très étrange ou plutôt inhabituel – mais qu’est-ce qui ne l’était pas chez elle ? Il me semblait qu’il représentait une pièce d’échec, le roi ou la reine à en juger par la couronne qui trônait sur le dessus du pion, auquel pendait au bout d’une chaîne une autre couronne. Qu’est-ce qu’il signifiait ?

  Elle passa très peu de temps sous la douche et nous rejoignit quelques minutes après que je sois entrée dans la tente avec mes camarades. A sa vue, je me demandai s’il était vraiment possible de rester élégante même en pyjama, parce que elle, elle l’était. Je me rappelai alors d’une chose primordiale qui répondait habituellement au doux nom de " bonbon " - j’en avais apporté un paquet pour les partager.
- Heu … Tabatha ? Tu … en veux un ?
  Je sentis immédiatement le sang s’accumuler dans mes joues et je ne doutai pas de ressembler à une tomate mûre.
- … Oui. S’il te plaît …
  Je lui tendis le paquet et la laissai choisir ses parfums.
- Banane ? … Ca existe comme parfum ? demanda-t-elle à la vue d’un des emballages.
- Oui … C’est plutôt bon, ajoutai-je.
- Je ne suis pas sûre qu’Alex connaisse …, chuchota-t-elle.
  Je ne lui demandai pas qui était cet " Alex ", ayant l’impression qu’elle avait prononcé cette phrase plus pour elle que pour nous. Et pourtant j’aurai bien aimé le faire, j’étais étrangement attirée par elle. A quoi pouvait ressembler notre monde, notre société à travers ses yeux ?

 

  Nous nous couchâmes tôt, totalement vidées par nos activités de la journée, et je sombrai dans le monde des songes. A mon grand étonnement je refis le même rêve que celui que j’avais fait une douzaine d’année plus tôt. Il était à la fois simple et compliqué, réel et impossible, rêve et cauchemar. Le début était simple. J’étais en train de jouer dans ma chambre avec ma sœur de deux ans ma cadette quand nous avions voulu nous rendre dans notre jardin. Je l’avais prise par la main et nous nous étions dirigées vers la porte-fenêtre vitrée. Je l’avais fait coulissé et nous étions sorties. Nous nous étions allongées dans l’herbe et nous avions fermé les yeux. J’écoutais tout, du piaillement des oiseaux aux pneus des voitures. Tout. Et j’étais passée de l’autre côté. Il n’y avait plus eu aucun bruit, juste c’est entêtant parfum que je n’arrivais pas à reconnaître. J’avais rouvert les yeux et m’étais étonnée que les herbes soient si hautes. Je m’étais relevée et à ce moment-là je m’étais aperçue que ma sœur n’était plus là. Il n’y avait qu’une vaste prairie verte qui s’étendait à perte de vue de tous les côtés, parsemée de tâches violettes. Il s’agissait en réalité de fleurs. A première vue on aurait dit des iris mais je remarquais vite qu’une autre petite fleur blanche se trouvait en son centre – cette fois on aurait dit du jasmin. J’en portais une à mon nez pour la respirer et confirmais ainsi mon hypothèse, c’était bien cette fleur que j’avais senti quand j’étais passée de l’autre côté. Car où étais-je ? Je m’étais mise à appeler ma sœur, ne sachant pas où elle était passée. J’avais commencé à paniquer, ne la voyant plus. J’avais bien essayé de l’appeler mais aucun son ne semblait pouvoir sortir de ma bouche. Et puis je l’avais vu. Une femme flottait, auréolée de lumière, vêtue d’une longue robe blanche. Elle s’était rapprochée de moi et j’avais pensé quelques instants qu’il s’agissait d’un ange. Etais-je donc morte ? La peur avait monté d’un cran. La jeune femme m’avait alors prise dans ses bras et j’avais remarqué qu’elle pleurait.

"  Attends-la … S’il te plaît … Attends-la … Il faut que tu l’attendes … "

  Elle m’avait regardé droit dans les yeux – je ne me souviens pas de son visage, ni même de l’expression qu’elle affichait mais je m’étais calmée immédiatement. Elle avait souri.

" Tu es la clef … Il faut que tu sois courageuse et que tu l’attendes … Il faut que tu restes en vie … Tu pourras permettre aux chaînes de se délier … Tu seras la première pièce …"

  Que me disait-elle là ? Qui devais-je attendre ? Quelles chaînes devais-je délier ? Je ne comprenais absolument rien. Mais avant de pouvoir lui poser la moindre question elle avait disparu. Le noir avait bouché ma vue puis mon regard s’était posé sur celui de ma sœur." - Jade tu dors ? "

 J’étais de nouveau dans ma chambre comme si je n’en étais jamais sortie et ma sœur était à côté de moi. Le rêve était fini.


  Je regardai mon réveil. Il était une heure du matin. Ni plus ni moins. Et j’avais envie d’aller aux toilettes. Je m’étirai pour sortir de ma torpeur et entendis de petits halètements.
- Morgan ?
  Je me rapprochai d’elle, c’était bien d’elle que provenait ce bruit.
- Ca ne va pas ?
  Je m’approchai encore et me figeai. Elle était totalement trempée, pleine de sueur, les yeux exorbités.
- Ma tête …, souffla-t-elle.
  Elle plaça son crâne entre ses mains.
- Le bruit … ARRETE LE BRUIT !
- Je … je vais chercher quelqu’un … Je me dépêche !
  J’avais à peine touché la fermeture éclair de la tente pour pouvoir sortit que l’on me retint par l’épaule.
- Crois-moi, il vaudrait mieux ne pas prévenir les profs.
  C’était Tabatha. Quand s’était-elle réveillée ? Je ne l’avais pas entendu se lever.
- Quoi ? Mais …Morgan … Je ne peux pas la laisser comme ça !
- Si je lui donne un truc pour qu’elle se calme tu me promets de ne prévenir personne et de te rendormir ?
- Heu …
- Alors ? Ma question est plutôt simple.
  Je ne comprenais rien. Je remarquai alors qu’elle était tendue.
- D’a … D’accord …
- Très bien.
  Elle fouilla dans son sac et en sortit une solution et une piqûre.
- Qu’est-ce que tu veux faire ?  la coupai-je, paniquée.
- Ecoute, si c’est bien ce que je crois, votre infirmière ne pourra strictement rien faire pour elle.
  Tandis qu’elle me disait ça, elle remplissait la seringue de la solution. Elle attrapa alors fermement le bras de mon amie et la piqua avec une précision de professionnel.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda une voix endormie.
  Lilian venait de se réveiller.
- Mais … A quoi vous jouez ? Jade ! sonna-t-elle afin d’obtenir des explications.
  J’étais paralysée.
- Elle va se calmer, dit simplement Tabatha.
  Ce fut le cas. Les halètements de Morgan s’espacèrent, jusqu’à disparaître complètement. Elle sembla reprendre ses esprits.
- Attention ! hurla-t-elle.
  Notre tente explosa au même moment. Nous fûmes toutes projetées à plusieurs mètres et quand nous retrouvâmes le sol nous fûmes aspergées de terre. Je toussotai de longues secondes et tentai de comprendre ce qu’il venait de se passer.
- Enfilez vos chaussures et une polaire.
  Je me tournai vers Tabatha.
- Mais …
- Si tu tiens à la vie tu vas arrêter de réfléchir et te dépêcher de faire ce que je t’ai dit.
  Alors j’arrêtai. Telle une machine, je cherchai à tâtons par mouvements saccadés mes baskets, projetées-elles aussi ainsi que ma veste de randonnée, heureuse que mes affaires n’aient pas été détruites. J’habillai également Morgan qui semblait encore être un peu dans les vapes sous l’effet du produit qu’on lui avait administré. Lilian fit de même. Prête, je regardai Tabatha qui fourrait divers ustensiles dans un sac à dos. Elle installa Morgan sur son dos et se retourna vers Lilian et moi.
- Maintenant vous allez me suivre et courir.
  Et elle se mit en route tandis que, la peur au ventre, je la suivis.

 

  Je ne sais pas si c’est dû à l’adrénaline qui faisait bouillonner mes veines mais je ne sentis pas la fatigue. Nous nous enfonçâmes dans la forêt, la végétation devenait à chaque pas plus dense, plus touffue et je dus placer mes mains devant mon visage pour ne pas être éborgné. Les branches me griffaient le visage et mes cheveux me gênaient. J’avais affreusement peur. Que se passait-il ? Personne n’avait donc entendu l’explosion ? Courir était-elle la meilleure solution pour se protéger ? Se protéger de quoi ? Que fuyions-nous ? Et ceux qui étaient toujours sur place ? Qu’allaient-ils devenir ? Ma respiration devenait haletante mais je m’efforçai de ne pas ralentir. Il ne fallait pas ralentir. Lilian nous suivait-elles toujours ? Je me contentai de fixer Morgan, toujours agrippée dans le dos de Tabatha et de suivre. Mais si elle s’était arrêter encore de route ? La peur me nouait l’estomac et je me sentis défaillir tellement elle devenait forte. Je ravalai mes larmes et continuai de courir.

  Je vis Tabatha s’arrêter devant un arbre au tronc massif, à une certaine distance de nous malgré sa charge de cinquante kilos supplémentaires. J’arrivai et regardai derrière moi. Je ne remarquai pas Lilian tout de suite mais finis par distinguer sa silhouette qui se rapprochait.
- Je vais vous montez dans l’arbre, nous informa Tabatha. Le plus vite possible.
  Sur ce, elle extirpa un grappin de son sac et en lança l’extrémité. Après s’être assurée qu’il était bien agrippé elle entama sa montée, Morgan sur le dos. Ce fut ensuite mon tour, puis celui de Lilian. Elle grimpa avec une étonnante rapidité, comme si la charge ne lui coûtait pas le moindre effort.

  Lorsqu’elle nous eut toutes déposé sur deux grosses branches noueuses, elle nous expliqua la suite des opérations.
- Bon, maintenant vous n’allez pas bouger et surtout, ne rien dire.
  Je tressaillis.
- Tu vas nous laisser toutes seules ? lui demanda Lilian, les larmes aux yeux.
- Pour le moment oui. Peut-être que certaines personnes viendront vous chercher plus tard mais sincèrement j’en doute. Néanmoins, si c’était le cas laissez-les agir, ils sauraient quoi faire.
  J’avais bien envie de lui poser des dizaines, des centaines de questions qui se bousculaient dans ma tête mais n’y parvins pas - la peur m’en empêchait – et elle redescendit. Une fois en bas, elle se mit de nouveau à courir.

  Je grelottai, comme mes amies. Lilian pleurait et Morgan lui murmurait des mots rassurants qu’elle ne pensait certainement pas mais qu’elle devait dire pour ne pas tomber dans la panique totale elle aussi, maintenant qu’elle était plus ou moins revenu à elle. Moi aussi les larmes roulaient sur mes joues. Ma bouche s’ouvrait, se refermait sans qu’aucun son n’en sorte. J’étais terrorisée. Je sursautai quand j’entendis une branche à craquer et tournai ma tête dans sa direction. J’ouvris grands mes yeux tandis qu’un arbre gigantesque s’écroulait avec fracas. Que se passait-il là-bas ? Je perçus d’autres bruits que je n’avais jusqu’alors pas remarqué, enfermée dans ma bulle. Des bruits de pas. Qui se rapprochaient. Toujours, toujours plus. Inexorablement.

  Notre tronc bougea un grand coup. Je me penchai à sa base pour voir ce qui se passait et ouvrai grands mes yeux. Il y avait quelqu’un en bas. Recouvert, d’après ce que je pouvais voir dans cette nuit noire, d’une longue cape à capuche qui ne laissait pas à découvert un centimètre carré de peau. Je vis Morgan retenir un cri. L’être qui se trouvait sous nos pieds, à plusieurs mètres ne bougeait plus. Je compris pourquoi en voyant l’état de son dos, complètement défoncé par sa collision. Mais à l’instant même il se releva, comme si de rien n’était. … Qu’est-ce que c’était ? Il sortit de mon champ de vision à une vitesse effarante laissant une traînée de poussière derrière lui. Pour revenir à une vitesse encore plus grande une fois de plus contre le même tronc. Un être identique, revêtu de la même étrange cape l’y accompagna à quelques secondes d’intervalle nous faisant sursauter avec Lilian et Morgan une fois de plus. Nous nous étions serrées les unes contre les autres, instinctivement. Dans une tentative désespérée de nous rassurer.

  Une autre personne les rejoignit dans la terre. Contrairement aux deux autres, qui venaient de se relever, il poussa un long gémissement de douleur. Une ombre se projeta sur lui.
- Je vous avais dit que vous n’aviez pas la moindre chance.
  Je reconnus instantanément la voix de Tabatha, pleine d’une moquerie que je ne lui avais jamais entendu. Elle se rapprocha d’eux. Et je vis la queue et les oreilles de chat. Je n’eux pas le moment d’achever la question qui se posa automatiquement dans ma tête – l’un des deux attaquants qui s’étaient relevés fonçait vers Tabatha.

  Elle ne fit pas un pas, se contenta de le dévier de sa trajectoire d’une simple tape qui l’envoya à plusieurs mètres. Elle avança d’un mètre.
- Vous vous éviteriez des souffrances inutiles en vous rendant maintenant, les prévint-elle.
- Parce que tu as l’intention de nous laisser en vie ? se moqua le seul blessé du groupe, également le seul à ne pas porter de cape.
- Non. J’aurai l’impression de faire une bonne action en vous éradiquant de la surface de cette terre.
  Son ton était froid, cruel, sans la moindre once de pitié. Pire, j’avais l’impression qu’elle se moquait de lui. Ca la rendait terrifiante. La peur qui m’habitait à cet instant était la même que celle d’un herbivore devant un prédateur.

  Son bras fendit l’air. Je compris qu’elle avait intercepté quelque chose.
- Une fléchette ? Bien essayé. Mais ça ne marche pas avec moi.
- Que tu crois …, souffla son adversaire.
- Qu… ? Aïe !
  Je me mis aux aguets. Qu’est-ce qui avait arraché à Tabatha un "aïe" ? Elle laissa tomber dans l’herbe l’objet qu’elle avait arrêté un instant plus tôt.
- … Du poison ?
- Surprise ? Tu ne connais donc pas les fléchettes piégées et empoisonnées ?
  Un silence lui répondit.
- J’en conclu que je reprends la partie en main !
  L’homme qui était jusqu’à présent resté à terre se releva d’un coup et se précipita sur son adversaire, désormais affaibli. Tabatha l’esquiva, d’abord une fois puis à de multiples reprises, effectuant de nombreuses acrobaties aériennes avec une facilité déconcertante. Je remarquai néanmoins qu’elle ralentissait. Puis les deux êtres à capes l’attaquèrent à son tour. Je me remis à trembler, Tabatha ne contrôlait plus le jeu.

  Elle finit par se retrouver le dos contre notre tronc, ses trois ennemis en face d’elle.
- Tu t’éviterais des souffrances inutiles en te rendant maintenant, la singea le chef du groupe.
  La situation était plus que critique. Les secondes s’écoulaient, de plus en plus longues. Tabatha ne bougeait plus.

  Des claquements secs retentirent.

  Ses trois adversaires se retrouvèrent à terre, au même moment.

  Derrière eux se tenaient deux nouvelles personnes dont je distinguai uniquement la silhouette.

  Je paniquai, me demandant qui elles étaient. Amies ou ennemies ?
- Vous êtes là !
- Je tressaillis à l’entente de la voix de Tabatha. Elles semblaient être de notre côté.
- Tu ne peux même pas imaginer comme on s’est dépêché. J’ai cru qu’Alex ne tiendrait jamais jusqu’au bout.
- Ce n’est pas vrai ! C’est toi qui a failli t’écrouler en route !
  J’identifiai les deux voix comme masculines, le deuxième intervenant ayant une voix plus aiguë que le premier.
- C’est rare de te voir dans une situation pareille …, reprit le premier. Qu’est-ce qui t’es arrivée ?
- Poison, répondit Tabatha. Je les avais légèrement sous-estimé.
- Tu as le nécessaire ? s’enquit le deuxième, visiblement inquiet.
- Occupe-toi plutôt d’elles. Elles sont dans cet arbre, là …
  L’un des deux arrivants trottina jusqu’à nous et grimpa, tout comme Tabatha avec une grande facilité. Il se mit à califourchon sur la branche où je me trouvai et se traîna jusqu’à moi. Je ne vis toujours pas son visage avec précision alors qu’il n’était plus qu’à quelques centimètres de moi. Je me rapprochai du tronc.
- Dis … Elle est mignonne ? demanda-t-il.
- Oui, lui répondit l’autre voix masculine, la plus grave.
- J’ai de la chance alors !
  A mon grand étonnement, il approcha son visage du mien et déposa un baiser sur ma joue. Il émanait de lui une odeur étonnement sucrée, mais pas désagréable qui me fit réagir quelques dixièmes de secondes trop tard. Je le repoussai violemment, espérant secrètement le faire tomber de la branche. Non seulement il ne s’écrasa pas en bas mais en plus il éclata de rire.
- Vraiment charmante ! Dis Tabatha, qu’est-ce qu’on en fait ? hoqueta-t-il entre deux éclats de rire.
- Fais-les descendre. Aide-le, ordonna Tabatha au garçon qui était resté près d’elle.
  Je l’entendis monter à son tour. Il se chargea de Morgan, la chargeant sur son dos. Celui qui m’avait embrassé plaça Lilian de la même manière. Moi j’eus le privilège de me retrouver entre ses bras et s’il ne m’avait pas sauvé la vie je me serais débattue.

  Je me retrouvai immédiatement sur la terre ferme. La fatigue accumulée jusque là se répandit alors dans mon corps et je m’écroulai. Morgan et Lilian firent de même. Il m’était impossible d’esquisser le moindre mouvement. Toutes les fibres de mon être me sommaient de dormir mais mon esprit ne le désirait pas. Je voulais savoir ce qu’il s’était passé et j’étais prête à patienter toute la nuit pour ça. Je fermai néanmoins les yeux pour me soulager un peu et soufflai. J’inspirai ensuite profondément pour me calmer. La tension qui m’avait habité jusqu’à il y a quelques minutes était encore présente. J’entendis Tabatha ouvrir son sac à dos.
- Tenez, administrez-leur, ordonna-t-elle à l’intention des garçons.
- Nous … administrez … quoi ? balbutiai-je.
  Elle me maintenu le bras. Je compris ce qu’elle voulait faire le dixième de seconde avant que je ne sente l’aiguille me transpercer l’échine. Une vague de torpeur s’abattit sur moi.

  Je vis clairement le visage de Tabatha au-dessus de moi.
- Qui es-tu ? lui demandais-je dans un élan de conscience.
- Un rêve Jade.

  Je me réveillai en sursaut dans mon lit.


Lexique
Forêt Nationale d'Arapaho : Elle (en photo au début de chapitre) est localisée dans le centre nord du Colorado et a une aire d’environ 2 229 km2. Elle inclut une partie des hautes Rocheuses et la vallée fluviale dans la haut bassin du fleuve Colorado.

J'attends vos commentaires ... Le prochain chapitre sera néanmoins posté moins rapidement que les précédents car, si je veux conserver un chapitre d'avance, il me faut finir le chapitre 5 ... que je n'ai pas encore commmencé !

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 18:53

  Je ne pus retenir un immense éclat de rire quand je lus l’article concernant le cambriolage de la maison Hilton. J’avais souhaité la veille, après être rentrée de la fête, qu’Alexia passe une aussi mauvaise nuit que la mienne. C’était chose faîte ! Le journaliste évoquait un éventuel lien avec le voleur mystère – la star du moment et dont la faculté à ne laisser aucun indice derrière lui rendait folle la police. En ce qui me concernait, je n’avais que faire de lui, n’aspirant pas à une vie surréaliste peuplée d’être fantastique contrairement à la plupart des adolescentes de mon âge : ni les vampires démoniaquement beaux, ni les sorciers extraordinairement séduisants ne m’attirent particulièrement. Je préfère qu’ils restent sur leur poster ou dans un coin de ma tête dans laquelle ils n’ont pas intérêt à déborder. Ma vie est suffisamment passionnante comme ça. Pas besoin que les héros de romans s’en mêlent.

  J’ébouriffai mes cheveux et me préparai mon petit-déjeuner. J’en profitai pour réfléchir à mon gros problème qui portait le nom de Tabatha Taylor. J’avais beaucoup entendu parler d’elle le jour de son arrivée où elle avait déjà acquise la réputation d’être la plus belle du lycée – en ça je la remerciai, elle me débarrassait de cette charge – et d’avoir un caractère bien trempé pour avoir envoyé bouler toutes les personnes qui l’avaient approché. Dans un premier temps elle m’avait intéressé, j’avais beau revendiquer avoir une certaine force de caractère je ne l’avais jamais fait aussi bien qu’elle – si je l’avais fait je n’aurai jamais été à la fête d’Alexia – et j’avais envisagé d’aller à sa rencontre. Le hasard avait bien fait les choses en me faisant croiser sa route le lendemain alors que je venais de me débarrasser de mes pots de colles habituels et que je me rendais en cours, seule. J’avais à peine eu le temps de m’extasier devant le charme de la nouvelle qu’une douleur fulgurante m’avait traversé au moment même où je m’étais retrouvée à quelques centimètres d’elle. Elle avait poursuivi sa route comme si de rien n’était tandis que j’avais été obligée de m’asseoir, au bord de l’évanouissement, à même le sol. Tous mes membres tremblaient et j’avais l’impression que ma tête allait exploser pendant que repassait en boucle un étrange rêve que j’avais fait des années plus tôt et que j’avais jusqu’à lors oublié. Bien qu’il soit étrangement réaliste il n’en restait pas pour le moins complètement absurde – c’était l’année de mes douze ans pendant les vacances de fin d’année, j’étais chez ma grand-mère au bord de la mer sur la côté est. Sur le soir la température avait considérablement augmenté comme si je m’étais trouvée en pleine période caniculaire. J’avais ouvert la porte et je m’étais retrouvée devant des montagnes, comme si la maison avait été transportée à mon insu. Et puis il y avait une jeune femme très belle qui me regardait, auréolée de lumière et qui me répétait :

"  Attends-la … S’il te plaît … Attends-la … Il faut que tu l’attendes … "

  Elle avait fini par s’évaporer et je m’étais réveillée sur le canapé de la salle à manger.

  Alors que je pensais que j’allais devenir folle, assise dans le couloir, Lilian Stevens était arrivée et m’avait emmené jusqu’à l’infirmerie.

  Je ne m’expliquai toujours pas ce qui s’était passé. Etait-ce dû au surmenage ? J’engloutis un bout de tartine beurrée tout en cherchant une explication plus logique. Pourquoi ce rêve avait-il refait surface à cet instant ? Y’avait-il un rapport ? Si oui, lequel ? Je terminai mon repas sans avoir plus avancé que la veille et décidai d’aller faire un peu de shopping sur 16th Street Mall pour chasser mes idées noires.

  Une demi-heure plus tard j’étais arrivée. J’entrai dans tous les magasins, même ceux qui ne m’intéressaient pas, essayai des piles de vêtements uniquement pour le plaisir - il fallait juste que j’oublie cette sinistre affaire. Je me rendis aussi dans les cafés, faisant comme si je cherchai quelqu’un – encore une fois à titre uniquement ludique. A midi je m’achetai un sandwich et le mangeai sur un banc le sourire aux lèvres, ayant retrouvé une certaine sérénité. Alors que je chiffonnai l’emballage pour le jeter à la poubelle je remarquai Tabatha, aussi splendide qu’à l’ordinaire, qui marchait sur le trottoir d’en face et qui transportait un sac énorme en bandoulière. Prise par une terrible envie d’assouvir ma curiosité je me mis à la suivre. J’imaginai mal Tabatha se promener dans la ville et je me demandai ce qu’elle pouvait bien faire. A mon grand étonnement elle finit par s’asseoir sur un banc et de son sac elle tira un objet qui me fit penser à un agenda électronique et le tapota à l’aide d’un stylet. Après quelques secondes elle sortit un gigantesque carnet de dessins dont elle tourna plusieurs dizaines de pages avant de se mettre à tracer de grandes lignes – je m’étais discrètement rapprocher. Je tentai de gagner encore quelques mètres et m’accroupis derrière une poubelle, ce qui me valut le regard de tous les passants. Nous étions maintenant assez proche pour que je puisse remarquer les annotations qu’elle inscrivait un peu partout sur son dessin. Je plissai les yeux pour voir ce qu’elle était en train de représenter mais à ce moment-là Tabatha saisit de nouveau l’agenda électronique et le plaça devant son œuvre - un bruit d’appareil photo retentit. Après cela elle rangea l’appareil dans son sac, referma le carnet et se leva. Elle passa sans me voir mais je sentis de nouveau la fulgurante douleur me lancer. Ce n’était pourtant ni le lieu ni le moment de faire un second malaise ! Je m’exhortai au courage et me poussai à me déplacer jusqu’au banc. Je pris ma tête entre mes mains pour essayer de calmer mes tremblements tandis que le rêve de la dernière fois recommençait.

"  Attends-la … S’il te plaît … Attends-la … Il faut que tu l’attendes … 

- Attends-moi !
  Je me retournai en direction de la voix – il s’agissait juste d’une petite fille appelant sa mère. Le malaise passa instantanément, comme si la boucle infernale avait été rompue grâce à l’intervention inopinée de la fillette. Je me remis debout, chancelante sur mes jambes encore tremblotantes.

  Je rentrai chez moi au prix de nombreux efforts et m’affalai dans le canapé du salon. Qu’est-ce qui se passait ? La perspective de revenir au lycée finit de m’anéantir – je mourrai de peur à l’idée de me retrouver de nouveau dans le périmètre de Tabatha et de subir une nouvelle crise.

 

 


  J’éprouvai un léger remord à la vue de ma mère inquiète pour moi mais l’oubliai bien vite tellement j’étais heureuse d’avoir réussi mon coup - j’avais feint de me trouver mal ce matin et persuadé mes parents de me laisser rester à la maison, n’était-ce pas le moyen le plus sûr d’éviter les personnes indésirables ?

Je m’ennuyai dès les premières minutes et commençai à regretter amèrement mon projet. Je me mis donc à lire, sans que ma mère le sache, des livres que je n’aurai jamais pensé ouvrir, rangeai, en toute discrétion, ma chambre et écoutai de la musique sur mon mp3. Je réfléchis aussi à cette histoire de séjour à la forêt nationale Arapaho. J’avais accepté un peu vite la proposition de Lilian, qu’allais-je faire là-bas ? De l’observation m’avait elle dit. Et je me demandai aussi qui était la " fille très gentille et très discrète " - quitte à aller dans la boue autant que cela ne soit pas avec les pots de colle que je me farcissais quotidiennement. Je poussai un profond soupir, dans quelle galère m’étais-je fourrée ?

Le jour suivant arriva trop vite à mon goût – je n’avais pas encore obtenu de réponses à mes questions – et j’aurai été tentée de recommencer ma sinistre comédie de la veille si j’avais été sûre de moins m’ennuyer que le jour précédent. C’est donc pleine d’incertitudes que je pris le volant et me dirigeai vers le lycée.
- La maladie ne te rend pas moins éblouissante, déclama Peter en guise de bienvenu alors que je venais de poser un pied hors de l’habitacle.
- Bonjour à toi aussi, répondis-je, moqueuse.
- Quelle fête ! enchaîna Jonathan. Alexia s’est montrée à la hauteur de sa réputation !
- Je ne t’ai pas vu pendant une bonne partie de la réception, remarqua le premier. Tu étais où ?
- Planquée dans les toilettes.
  L’affirmation leur cloua le bec.
- Je plaisante ! J’ai traîné avec d’autres personnes c’est tout ! Vous ne m’avez tout de même pas cru ? répliquai-je, faussement outrée.
- Bien sûr que non ! répliquèrent-ils, soudainement paniqués.
  J’avançai de quelques pas et pestai intérieurement. Etaient-ils donc toujours aussi superficiels ? Il était totalement hallucinant de constater à quel point une journée m’avait suffi pour m’habituer au calme.
- Au fait, tu as vu Tabatha pendant ta tournée ? s’enquit Jonathan.
- Non, je ne crois pas. Pourquoi ?
- Parce que personne non plus ! Plusieurs commencent à dire qu’elle a posé un lapin à Alexia !
  C’était pourtant évident.
- T’imagines ? Et en plus elle se fait cambrioler !
  Allait-elle seulement s’en remettre ? Je me retins de leur asséner à chacun une bonne paire de gifle pour les faire redescendre de leur monde parallèle.
  Je venais d’entrer dans la cour que je remarquai un amas de lycéen. Qu’est-ce qui les captivait à ce point ?
- Il fallait être un peu fou n’empêche …, entendis-je murmurer une voix.
- Elle va se faire déchiqueter ! susurra une autre.
  Une bagarre ? Qui s’étaient encore chercher des noises ?
- Qu’est-ce qui se passe ? m’empressai-je de demander à une de mes connaissances.
- Alexia veut régler ses comptes avec la nouvelle.
- Tabatha ?
- Oui. C’est parce qu’elle lui a posé un lapin tu comprends …
  Non je ne comprenais pas qu’une histoire pareille prenne autant d’importance.

  Je me hâtai de me rapprocher suivie de Jonathan et de Peter qui maugréaient :
- Ca lui remettra les idées en place !
  Et ce n’était pas d’Alexia qu’ils parlaient.

  Quand je fus suffisamment proche je vis bien Alexia entourée de sa bande de greluches et Tabatha, assise sur un banc qui l’écoutait, aussi impassible que si elle regardait une présentatrice télé lui parler météo. Lorsque la "victime" sembla avoir fini son speech et reprit son souffle, la nouvelle se leva et fis quelques pas qui l’éloignèrent de l’équipe des cheerleaders – car toutes les filles présentes en faisaient partie – ce qui provoqua l’indignation de sa meneuse.
- Où crois-tu aller comme ça ? Je n’ai pas fini !
  Mais l’intéressée continua sa route comme si de rien n’était. A l’expression que pris le visage d’Alexia je compris qu’elle ne supporterait pas une pareille offense.
- Sale garce ! Tu m’écoutes quand je te parle !
  Et elle empoigna le col de Tabatha qui réagit immédiatement et lui attrapa fortement le bras.
- Je t’interdis de me toucher.
  Les mots claquèrent, secs et irrévocables. Ses yeux émeraudes surmontés de sourcils désormais froncés semblaient lancer des éclairs. A l’évidence, elle était furieuse – bien qu’elle restât malgré tout incroyablement belle – et il devait falloir être complètement fou pour oser lui désobéir. Fou ou bien doté d’un orgueil insatiable … Alexia fit fi de l’ordre de Tabatha et entreprit d’attraper le col à deux mains pour l’attirer à elle. Mais c’était sans compter sur l’extraordinaire temps de réaction de sa victime, elle eut à peine le temps d’esquisser un mouvement qu’elle giclait sur le sol, propulsée par une force invisible. Alexia poussa un long gémissement suivi de petites plaintes non exagérées. Toutes ses amies s’étaient rassemblées autour d’elle et lui posaient des tas de questions inutiles au lieu d’appeler l’infirmière. Tabatha regardait la scène, bien droite sur ses pieds, remettant correctement en place son col d’une main et gardant l’autre fermée. Cette fille avait une prestance et une aura inimitable. Et malgré toute la peur qu’elle m’inspirait je me retrouvai sous le charme, pleine d’admiration, totalement conquise. Elle finit par s’éloigner de sa démarche élégante, abandonnant Alexia à son triste sort. Tout le monde la regarda partir, s’éloignant sur son passage. Plus personne n’oserait jamais lui faire face.

  Quand elle fut suffisamment loin, la masse lycéenne entreprit de commenter la scène, chacun se ventant d’en avoir vu plus que son voisin – ce qui augmenta considérablement le volume sonore.

  Je prêtai cependant attention à un garçon qui à l’aide de son téléphone portable avait filmé toute la scène et la revoyait au ralentit.
- Je peux voir ? lui demandai-je, ne comprenant pas comment Alexia avait pu être propulsé ainsi.
  Il me tendit son engin et me mit en route la séquence. Ce que je vis me stupéfia – Tabatha, bien avant qu’Alexia n’effectue un mouvement, s’était totalement accroupie et, à l’aide d’une de ses longues jambes, avait littéralement coupé l’herbe sous le pied à la pom-pom girl avant de la pousser violemment avec ses bras une fois que celle-ci s’était retrouvée à son niveau. Je rendis le portable à son propriétaire, qui obtint un gros baiser sur la jour en guise de récompense. Bien que n’ayant jamais poussé quelqu’un volontairement je réalisai néanmoins la force qu’avait nécessité cette action et la rapidité et la précision à laquelle Tabatha avait exécuté les mouvements me laissaient penser qu’elle avait une certaine pratique derrière elle – pour ne pas dire une certaine habitude.
- Elle m’a broyé le bras …, gémit Alexia.
  Je partis à mon tour, prise de court par les évènements. Que devais-je penser de tout ça ? Honnêtement, je n’y comprenais pas grand chose. Je savais seulement qu’il me fallait éviter le contact avec Tabatha à tout prix. Ce séjour en forêt m’apparut de nouveau comme providentiel, il fallait absolument que je prenne du recul par rapport à la situation.

- C’est d’accord.
- Pardon ?
- Je viens à la sortie en forêt.
- Oh … D’accord, je demanderai à mon amie de t’inscrire.
- Comment s’appelle-t-elle ?
- Jade Takano.
- Tu diras merci à Jade de ma part.
- Je n’y manquerai pas.
  Lilian m’offrit un grand sourire qui me réconforta quelque peu, fréquenter une fille aussi gentille ne pouvait m’être que bénéfique.

  Je montai dans ma voiture pour rentrer chez moi et revis la tête qu’avait fait mes parents la veille quand je leur avais demandé la permission de passer deux jours en pleine nature. Je ris un bon coup et entamai ma manœuvre pour sortir du parking.
- C’est moi ! annonçai-je à l’intention de ma mère en passant le pas de la porte.
- Morgan ! Viens vite voir !
  Je pris le temps d’enlever mes chaussures avant de la rejoindre devant la télévision.

" C’est un coup dur aujourd’hui pour notre chère ville de Denver, commenta la présentatrice, en effet, le Kirkland Museum of Fine and Decorative Art a été cambriolé la nuit dernière. Les effets dérobés avaient été remplacé par des faux d’une extrême qualité ce qui a rendu impossible la détection du vol à l’ouverture du musée. Selon les premières constations, le vol aurait été commis par le voleur mystère qui sévit depuis maintenant plusieurs semaines dans tous les Etats-Unis. Il se serait servi du badge de Mr. Hilton, volé il y a quelques jours et aurait violemment assommé les gardiens avant de les enfermer dans un placard. Les enquêteurs désespèrent de trouver le moindre indice, comme pour les vols précédents. Sera-t-on jamais en mesure de contrer ce malfaiteur ? "

  Je restai coite à l’entente de cette nouvelle. Je n’avais jamais envisagé que le voleur se déplace jusqu’à Denver et l’évocation de Mr. Hilton me fit repenser à sa fille.
- Tu connais bien la fille Hilton non ? me demanda justement ma mère.
- Heu … Oui. D’ailleurs à ce propos il lui est arrivé un truc dingue aujourd’hui elle a été …
" …Violemment assommé … "
- Quoi ?
- Heu … Non rien.
- En tout cas, poursuivit-t-elle, pour assommer les gardiens il a du avoir …
"  … Une certaine pratique derrière elle – pour ne pas dire une certaine habitude. "
- Ca ne va pas Morgan ? Tu es toute pâle.
- Non … Tout va bien … Je suis juste fatiguée …
  Je trottinai jusqu’à ma chambre et m’écrasai sur mon lit. Les commentaires de la présentatrice et les miens se mélangeaient, reliant ainsi les évènements de la matinée avec ceux de la nuit dernière. Je me rappelai la scène de la bataille avec Alexia au ralentit, Tabatha avait été si … réactive et elle avait déployé une force incroyable, sans se forcer en plus si je me basais sur son expression que j’avais pu voir grâce au portable. Elle n’avait pourtant pas la carrure musclée d’une grande sportive et qui aurait pu expliqué une telle force et une telle habilité. Je renonçai au bout de longues minutes à trouver une explication et me plongeai dans mes devoirs.

 


  Le lendemain, la presse connue un fantastique essor – on avait une photo, bien que très floue, du voleur. Ou plutôt de la. Car il s’agissait bien d’une femme bien que … Disons qu’elle était de sexe féminin car l’on ne savait pas bien ce qu’elle était au final. En effet, on distinguait nettement sur la photo une paire d’oreilles de chat plus vrai que nature sur sa tête et une queue soudée au bas de son dos. On la surnommait désormais Cat Woman.

  Le lycée se transforma en un gigantesque poulailler, pour une fois tous les élèves avaient le même sujet de discussion. Pour ma part, plutôt que de caqueter, j’observais. Tout en me maintenant à une distance raisonnable pour ne pas avoir une nouvelle crise, je scrutai Tabatha. Je commençai à avoir de vagues soupçons à son sujet mais les éléments dont je disposai n’étaient pas suffisants. Il me fallait donc acquérir de nouvelles preuves afin de … je ne savais pas encore ce que je ferai quand j’aurai obtenu, j’espérai juste que je prendrai la bonne décision.

  Je consacrai le reste de ma semaine à la collecte d’indices, le portable à la main, et mes "amis" se révélaient être de véritables boulets dans cette mission.

"  Qu’est-ce que tu fais Morgan ? "

" Morgan, tu m’écoutes ? "

"  Pourquoi tu sors tout le temps ton portable Morgan ? "

  Morgan, Morgan, Morgan … Morgan en avait marre et je dus à maintes reprises me retenir de leur tordre le cou, autant aux filles qu’aux garçons.
- Dis Morgan, tu passes toujours chez moi ce soir ?
  Je me tournai vers Sheila, surprise – je ne me rappelai pas avoir accepté une quelconque invitation à son domicile.
- Heu … Je ne peux pas ce soir … Je dois finir un exposé …
- Il ne peut pas attendre ?
- Pas vraiment non … Je dois le rendre pour la semaine prochaine et je l’ai à peine commencé …
- Mais tu vas avoir tout le week-end !
- Je dois rendre visite à de la famille ce week-end … Je dois absolument avancer mon boulot ce soir … Une prochaine fois peut-être ?
  Bien entendu, la réalité était toute autre – ce soir il y avait surtout la réunion d’information pour le séjour à la forêt nationale où je devais absolument me rendre.

  Je retrouvai Lilian à l’entrée du lycée, nos parents se serrèrent la main et échangèrent quelques banalités.
- J’ai vraiment hâte de partir, soufflai-je à Lilian.
- Moi aussi. En plus il devrait faire beau pendant notre séjour.
  Je soupirai intérieurement de soulagement – j’avais beau être heureuse de partir, la boue me répugnait toujours autant.

  Quand je sortis de mon monologue silencieux je m’aperçus que Lilian agitait frénétiquement la main et je suivis la direction de son regard. Il se dirigeait vers une jolie fille asiatique qui rougit quand elle remarqua que je la fixai. Elle se rapprocha de nous et Lilian se chargea des présentations.
- Morgan, voici Jade Takano, c’est elle qui s’est chargée de nos inscriptions.
  Je lui offris mon sourire le plus éblouissant et j’étais désormais sûre que la nouvelle de ma, courte, absence ne serait pas divulguée.
- Jade, je te présente Morgan Jones.
- Enchanté …, balbutia cette dernière. Je … J’espère que le séjour te plaira …
- J’en suis certaine !
  Nous nous assîmes toutes les trois ensemble à l’écart de nos parents et je cherchai du regard un éventuel élément perturbateur – qui serait notamment une personne de mon entourage lycéen et que je ne tenais pas supporter deux jours entiers. Après deux, trois coups d’œils j’en conclu que je serai tranquille, avant d’apercevoir un retardataire. Mes yeux durent ressembler à ceux de poissons morts.
- Anthony ? 
  De manière quasi automatique, Lilian se retourna et son visage se fendit d’un large sourire tandis que son regard exprimait une certaine surprise. Elle se leva sans faire de bruit et se précipita à petits pas vers son amoureux.
- Qu’est-ce que tu fais là ? l’entendis-je murmurer.
- Demande à ta copine.
  Je commençai aussitôt à me demander quel était mon rôle dans cette histoire avant de comprendre qu’il parlait de Jade.
- Il … m’a demandé de l’inscrire également, s’excusa-t-elle en voyant le regard inquisiteur de Lilian.
- Pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant ? s’enquit-elle auprès d’Anthony.
- Pour te faire la surprise.
  Je détournai immédiatement mon regard, imitée par Jade, laissant le couple s’embrasser en paix. Contrairement à nous, Anthony partit s’installer à côté de ses parents, qui plus est à l’autre bout de la salle où il restait une dernière place de vide.

  Le début de la réunion commença calmement et j’écoutai tranquillement. Tant que le sujet de la discussion concerna à proprement parler le séjour – le temps de trajet, le déroulement de la journée, la répartition des chambres, ou plutôt des tentes – j’y portai un vif intérêt, tachant de bien tout retenir. Mais à partir du moment où elle dévia sur les inquiétudes propres des parents je lâchai et reportai mon attention sur mes voisines. Elles étaient en train de discuter à vois très basse, de sorte que je ne perçus que quelques mots qui attisèrent ma curiosité cependant : "Tabatha", "musée", "bizarre".
- De quoi vous parlez ? m’incrustai-je.
- Ce n’est pas très important …, murmura Jade.
- Il lui est arrivé une histoire incroyable, m’expliqua Lilian.
- Ah ? Je peux l’entendre ?
  Jade inspira un bon coup avant de commencer son récit.
- Et bien … En fait … Le week-end dernier on s’est rendu en famille voir mon oncle et ma tante qui habitent New York et l’on est allé un musée gigantesque, je ne me rappelle plus son nom …
  Elle marqua une pause pour s’en souvenir mais finit par reprendre.
- Enfin toujours est il que pour se rendre dans la partie du musée qui nous intéressait il fallait passer devant celle sur l’Egypte Antique. Et c’est là que j’ai vu que Tabatha était dans la galerie en train de regarder l’une des vitrines d’expositions. Sur le coup, je n’ai pas osé lui parler et je ne me suis pas approchée. Après, on est resté environ quatre heures et c’est là que ça devient bizarre … Pour revenir à la sortie il fallait de nouveau passer devant la section sur l’Egypte et là … J’ai aperçu Tabatha, qui était exactement à la même place que quand je l’avais laissé ! Cette fois j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée lui dire bonjour ... Elle m'a salué à son tour et est partie, j’en ai donc profité pour voir ce qu’elle regardait … C’était sans aucun doute l’objet le moins commenté du musée, il y avait juste une page couverte de hiéroglyphes avec juste une indication concernant sa provenance. Il n’y avait pas la traduction et pourtant Tabatha est restée devant pendant au moins quatre heures !
  Je restai bouche bée. Quatre heures ? Devant une page ? Je tentai de me rappeler si la presse avait évoqué le vol d’un quelconque objet égyptien à New York mais rien ne me vint à l’esprit. Peut-être que Tabatha attendait quelqu’un ? Mais pourquoi ne pas s’être baladé dans la galerie au lieu de rester devant un seul même objet ? Le récit de Jade ne m’apportait aucune réponse, grossissait au contraire le nombre de mes questions.
- Sur ce, merci de votre attention et à bientôt !
  Je relevai la tête, la réunion était finie et il était temps de repartir, ce que je fis dans un état second. Mes parents s’inquiétèrent un peu pour moi mais je prétextai une semaine difficile.

  Comme le week-end précédent je partis de bon matin me changer les idées à Downtown, promettant à ma mère de lui ramener du pain.

  Contrairement à la semaine dernière, je fus beaucoup plus raisonnable et n’entrai pas dans toutes les boutiques de 16th Street. En passant devant une boulangerie à la savoureuse vitrine, j’entrai et demandai le pain promis ainsi que quelques pâtisseries. J’allai passer le pas de la porte quand je me rappelai une autre chose essentielle.
- Le journal s’il vous plaît !
  Heureuse de voir augmenter son chiffre d’affaire, la boulangère me le passa avec un sourire particulièrement chaleureux. Je parcourus à toute vitesse la une et me précipitai à la page indiquée pour l’article que je cherchai.

"  Nouveau vol à New York … "

  Et pour illustrer l’article, une photo de l’objet dérobé – une page couverte de hiéroglyphes. Je m’appuyai contre la façade d’un des bâtiments afin de reprendre mes esprits. Cette histoire me dépassait totalement et je me demandai pour quelles sottes raisons j’y avais fourré mon nez. Je rangeai le journal dans mon sac et partis en direction d’une autre de mes magasins préférés. C’est alors que je vis de nouveau Tabatha, assise sur un banc et traçant de nouveau des lignes et ajoutant des commentaires. Je m’approchai le plus possible – j’avais retenu à quelle distance la douleur se mettait en marche – et tentai d’apercevoir ce qu’elle représentait. Je me mis sur la pointe des pieds et réussis à comprendre ce que ma mystérieuse congénère dessinait. Un plan - je reconnus les rues qui longeaient 16th Street. Je m’aperçus que Tabatha avait cessé toute activité, le crayon en l’air. Sans ce précipiter, elle commença à remballer ses affaires et traversa la rue. Sans réfléchir je me lançai à sa poursuite, bien qu’à distance raisonnable. Quand elle accélérait le pas, moi aussi, et nous quittâmes rapidement la rue piétonne. J’avais à peine conscience que je m’éloignai dangereusement et que je ne reconnaissais plus que quelques rues. Tabatha finit par emprunter une petite ruelle où je m’engouffrai aussitôt derrière elle. Mais surprise – c’était une impasse et j’étais seule. Le mur était de toute évidence bien trop haut pour qu’elle se soit échappée. Je me retournai et revins dans la rue mais n’y l’y vit plus. Sans espoir de la retrouver, je cherchai à rejoindre 16th Street.

  Je ne sentis pas son regard perçant me vriller le dos, un sourire amusé éclairant son visage.

 


  Le reste de la semaine passa vite et le jour du départ pour la forêt nationale Arapaho fut bientôt là.
- Combien de temps dure le trajet ? demandai-je à Lilian en baillant.
- Plus ou moins une heure.
  Je dissimulai un nouveau bâillement et saluai Jade qui venait d’arriver. Nous nous installâmes rapidement dans le bus une fois que le dernier retardataire fut arrivé. J’avais laissé Lilian et Jade se mettre côte à côté, étant de toute manière trop fatiguée pour pouvoir faire une agréable compagne de voyage. On fit circuler la répartition des places sous les tentes et, étant dans les premières places du bus, je l’eus dans les minutes qui suivirent. Je souris d’abord en constatant que je me retrouvai avec les deux seules filles que je connaissais – mes camarades n’avaient donc pas été mis au courant de mon projet – puis me figeai. Les tentes étaient par quatre, avec Jade et Lilian nous n’étions que trois. La dernière personne était pour le moins inattendue – et indésirable. Tabatha Taylor. Je me retournai et m’aperçus qu’elle était installée juste derrière moi, des écouteurs dans les oreilles et l’air visiblement ailleurs. Je me raidis sur mon siège.

  Je doutai de pouvoir dormir durant le trajet. Et même de dormir tout court pour le reste du séjour.

 

  Lexique

16th Street Mall : La 16th Street Mall est une rue piétonne et commerciale de Denver, longue de 2 km et se trouvant dans l’un des deux centre villes de la ville, Downtown. C’est elle que vous pouvez voir sur la photo en début de chapitre.

le Kirkland Museum of Fine and Decorative Art : Le " Kirkland Museum " abrite une collection d’envergure nationale d’arts décoratifs du 20ème siècle ainsi que le studio du peintre moderne du Colorado, Vance Kirkland. Cet édifice est le second bâtiment d’art le plus ancien de l’État.

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11 septembre 2009 5 11 /09 /septembre /2009 20:11

 

  Je fais partie de ces gens qui naissent, vivent, et meurent aussi par conséquent, dans l’anonymat le plus total. Dans l’absolu ce ne doit pas être si terrible, je le conçois aisément – des milliers de personnes sont dans le même sac que moi et ne changeraient de vie pour rien au monde.

  Alors pourquoi suis-je attirée par la lune qui brille seule dans le ciel nocturne ?

 

  J’arrêtai le réveil sans pour autant me lever et m’enfonçai encore plus profondément sous ma couette, ce qui me valut une petite course matinale pour attraper mon bus.
- Faudra pas me refaire un coup pareil Miss Stevens. La prochaine je partirai sans vous ! me sermonna le vieux conducteur.
  Je hochai la tête en signe de soumission tout en me demandant pourquoi il avait retenu mon nom parmi tous les utilisateurs du véhicule dont certains arrivaient quotidiennement en retard. Je m’assis à une place vide et dirigeai mon attention sur l’extérieur, sachant que personne ne viendrait interrompre ma contemplation. Je faisais pourtant bien partie d’une bande de quatre filles habitant le même quartier et empruntant donc la même ligne de bus mais Megan profitait de sa nouvelle voiture pour se rendre au lycée et Ruby et Diane se mettraient côte à côte sans prendre la peine de me dire bonjour, se réservant la tâche pour la descente du car. J’observai donc la neige qui s’était mise à tomber en ce neigeux mois de janvier à Denver, ce qui ne manqua pas de me rappeler l’événement le plus extraordinaire de ma jeune existence.

  A ce moment-là j’avais neuf ans et mes parents avaient loué pour nos vacances d’été une modeste maison de quatre pièces en pleine campagne. Ce jour-là il faisait atrocement chaud et le soleil n’était levé que depuis quelques heures, je n’étais même pas encore sortie du lit. Alors que je maudissais une fois de plus la chaleur, la température avait subitement baissé, me faisant presque frissonnée. J’avais, injustement, soupçonné un mauvais coup de mon frère Thomas qui avait trois ans de moins que moi et avec qui je partageais ma chambre. Mais le chérubin dormait, tout en sueur – ne sentait-il pas à quel point il faisait froid ? J’avais la chair de poule et de la buée blanche s’échappait de ma bouche. Je m’aperçus au bout de quelques instants que les rayons de lumière qui filtraient habituellement des volets fermés avaient disparu, je m’approchais de la fenêtre et après quelques tentatives je réussissais à ouvrir les tréteaux. Je restais figée sur place, la campagne était entièrement recouverte d’un épais manteau blanc et la neige continuait de tomber à gros flocons – en plein été ! Je remarquais au bout de quelques minutes qu’une jeune femme me regardait, flottant dans les airs à plusieurs mètres du sol. C’était la plus belle personne que j’avais rencontré jusque là et bien que je ne me rappelle plus son visage je me souviens qu’il émanait d’elle une gentillesse et une beauté hors du commun. Elle m’avait fixée de longues minutes encore avant de balbutier quelques mots à voix basse, à peine audible.

"  Attends-la … S’il te plaît … Attends-la … Il faut que tu l’attendes … "

  Elle répétait ces bouts de phrases en boucle, telle une prière, attendant peut-être un geste de ma part, je ne le saurai jamais car elle finit par disparaître après s’être évaporée dans la nature en une infinité de petites particules de lumière.

C’était sans aucun doute un rêve car je m’étais réveillée dans mon lit une fois que la dernière sphère lumineuse eut disparue de mon champ de vision. Pourtant, sept ans plus tard, une part de moi-même continue à croire que, peut-être, ce n’en était pas un. Mais il s’agit certainement d’une tentative désespérée d’une personne happée par la banale réalité d’en sortir. Car pour être banale je le suis, autant par mon physique que par mon attitude – cheveux châtains, yeux marrons, je me contente de rester dans l’état d’esprit des gens m’environnant, me démarquant juste ce qu’il faut pour ne pas être confondue avec mon voisin.

  L’arrêt brutal du bus failli m’envoyer gicler par-dessus le siège de devant, me tirant néanmoins de mes mornes pensées. Je glissai ensuite à la descente, me rattrapant in extremis à un garçon qui passait près de moi. Après de minables excuses je retrouvai mes amies qui m’attendaient devant l’entrée du lycée, riant de ma maladresse – je n’étais pourtant pas plus maladroite qu’une autre mais cette journée s’annonçait comme l’une des pires.
- T’as vu un peu toute cette agitation, remarqua Ruby après avoir jeté un regard circulaire autour d’elle. Ils sont tous en ébullition.
- Ils attendent l’événement depuis des semaines maintenant, poursuivit Diane en contemplant sa manucure. Ce n’est pas surprenant.
- Ca se trouve elle sera laide comme un pou, pouffa Megan.
  Je connaissais ces trois filles depuis le bac à sable et j’étais avec elles depuis cette époque, plus par besoin que par amitié. Non pas que je ne les aimais pas, je les appréciais énormément, mais je n’avais pas vraiment l’impression que je pouvais les qualifier de " meilleures amies ". Nos parents s’invitaient souvent afin d’entretenir de bons rapports de voisinage et nous avaient regroupé ensemble, de sorte que nous n’avions pas vraiment eu l’occasion de faire connaissance avec d’autres personnes. Cela ne semblait pas les déranger outres mesures et j’avais pour ma part la hantise de me retrouver seule. Cette situation nous convenait donc à merveille, nous y trouvions chacune notre compte.

  Pour en revenir à la conversation, ce que les garçons attendaient maintenant depuis un moment avait un nom : Tabatha Taylor, une nouvelle congénère qui devait arriver aujourd’hui. Pour ma part, j’aimais son nom que je trouvais élégant et classe et j’avais été heureuse d’apprendre que nous allions passer la première heure de cours d’aujourd’hui ensemble – les plus impatients avaient mené leur petite enquête sur son futur emploie du temps.

- Regardez les filles… La reine profite de ces derniers instants de gloire.

  Je me tournai dans la direction du regard de Megan. Il s’agissait de Morgan Jones, l’une des filles les plus populaires – membre des cheerleaders, elle pouvait se vanter d’avoir toute la gente masculine à ses pieds et d’être à toutes les fêtes où il fallait être pour faire partie de la jet-set du lycée. Toutes les filles lui enviaient ses beaux cheveux ébènes, ses grands yeux bleus et sa peau pâle, son caractère ouvert et spontané lui évitant les médisances des élèves les plus récalcitrants à son succès. Mon amie suggérait que si la nouvelle était aussi belle que ce que tous les mecs l’espéraient Morgan serait mise au placard. J’imaginais mal cependant une fille capable de la surpasser sur ces critères.

  Je rentrai en classe avec mes amies en regardant tout autour de moi, espérant apercevoir la première la nouvelle venue. Je m’assis à mon bureau et déballai mes affaires avant de fixer l’entrebâillement de la porte que personne d’inconnu ne franchi avant que le cours ne commence. Je jetai un regard perplexe à Ruby qui me regardait, dubitative.

  On ne frappa à la porte qu’une dizaine de minutes plus tard.
- Entrez ! ordonna Mr. Franklin.
  Sur ce, il se redressa, comme pour faire bonne impression. Étonnamment, je l’imitai.

  Et soudainement il n’y eut plus rien d’autre dans la salle que le silence. Et il y avait de quoi. Tout le monde, moi comprise, devait avoir du mal à accepter que ce qui venait d’entrer était humain, ne serait-ce que dans un centième de ses gênes. Elle se rapprocha du bureau de M.Franklin, apparemment pas du tout gêner par le silence de mort qu’avait susciter son entrée dans la salle. Peut-être avait-elle l’habitude en même temps.

  Car la fille qui était en face de nous était incroyablement belle.

  Il paraissait impossible qu’elle put exister. Je me surprenais à me croire en train de rêver. Elle était grande et fine, chaque partie de son corps semblant avoir été réfléchi et travaillé avec précaution. Elle avait de longs cheveux châtains retenus en arrière par un serre tête noir, qui lui arrivaient jusqu’en bas des omoplates avec deux grandes mèches devant ses oreilles qui encadraient son visage avec chacune une partie qui rebiquait dessus créant ainsi une symétrie parfaite. Elle avait le teint un peu pâle, assez pour créer un contraste détonant avec ses cheveux plus sombres, et par-dessus tout, de grands yeux vert émeraude, qui pouvaient faire passer pour inhumain par sa beauté l’être le plus laid de la terre. Car en plus d’être d’un vert émeraude ahurissant, des fils dorés parcouraient ses yeux créant ainsi une sorte d’électricité et de profondeur dans son regard. Je tentais de me lancer dans son exploration, peine perdue. Je dus en sortir pour pouvoir me remettre à respirer. Ce qui m’intrigua le plus après ses yeux ce fut son collier – on aurait dit un sautoir noir avec trois rangées pourvu d’un seul et unique pendentif jaune – je n’en avais jamais vu de tel. Mais loin d’être une de ces poupées de porcelaine juste agréables à regarder, Tabatha avait une aura tout bonnement saisissante qui imposait le respect et l’admiration. Il semblait impossible de lui adresser la parole sans se trouver ridicule.

- Tu … tu dois être Tabatha ?, balbutia notre prof d’histoire.

  Elle hocha la tête.
- Oui, veuillez excuser mon retard mais des formalités administratives m’ont retenu.
- Je … Je comprends. Assis-toi à une des places libres.
  Elle ne s’embarrassa pas d’autres formules de politesse et partit s’asseoir sous le regard éberlué des élèves, accompagnée du son de ses talonnettes et d’un étrange tintement cristallin que je ne parvins pas à identifier. Je profitai de ce qu’elle passât à côté de moi pour lui jeter un regard en coin, je n’osai cependant pas carrément me retourner, laissant ce plaisir au sexe opposé.
- Et bien … Elle est vraiment belle, reconnut Diane. Morgan Jones va avoir du souci à se faire.
- Tu rigoles ou quoi ? Elle n’arrive pas à la cheville de Tabatha ! s’indigna Ruby.
- Mais elle a l’air moins facile à vivre qu’elle par contre, contra Megan. Pas sûr qu’elle fasse oublié Morgan.
- C’est vrai … Mais c’était quoi le drôle de bruit que l’on entendait pendant qu’elle marchait ? demandai-je, n’arrivant pas à trouver ce que cela pouvait être.
- T’as pas vu Lilian ? Ce qu’elle avait au bout de son collier, c’était un grelot.
  Le soir je passai chez mon petit ami, Anthony, avec qui je forme le couple le plus étrange de tout le lycée. D’un côté il y a lui, le garçon super populaire depuis la maternelle et faisant maintenant parti du gratin du lycée et de l’autre moi, qui comme je l’ai déjà dit, n’est pas franchement remarquable. La différence entre nous deux est telle que depuis nos quatorze ans, âge à partir duquel nous avons commencé à sortir ensemble, dès qu’il me présente à un de ses copains celui-ci s’empresse de lui demander " Mais qu’est-ce que tu lui trouves ? ". Si je le savais ! Et bien que je ne sois guère appréciée, je n’en restai pas moins la petite amie officielle et sa bande de copains m’avait chargé de transmettre les cours à Anthony, malade.
- Qu’est-ce que j’ai loupé ? s’enquit Anthony après m’avoir embrassé en guise de bienvenu.
- L’arrivée de Miss Monde.
- Quoi ?
- Je plaisante. Même Miss Monde aurait du soucis à se faire.
- A ce point ?
- Elle éclipse totalement Morgan Jones.
  Il ouvrit grand les yeux, surpris, avant de me sourire de nouveau.
- En tout cas elle ne t’éclipse pas toi.
- Beau parleur va ! Tiens ! Tes cours.
  Il rit sous cape et s’intéressa au feuillet que je lui tendais.

- Par contre il y a quelque chose d’étrange…, ajoutai-je. Tabatha, c’est son nom, a été chaleureusement accueillie lors du cours de maths auquel j’assistai moi aussi en première heure mais quand je l’ai revu à la pause de midi elle était assise sur un banc dans un coin de la cour, seule. On ne l’abordait même pas. J’aurai pourtant parié qu’elle allait rester le principal centre d’attraction du lycée pour quelques mois.
- Effectivement … Je ne sais pas quoi te dire. Et sinon vous avez mangé à quoi à midi ?
  Quand je rentrai chez moi je trouvai le journal négligemment posé sur la table à manger et m’en emparai aussitôt. Je cherchai parmi les gros titres celui qui m’intéressait. Je le trouvai rapidement – c’était le plus gros.
"  Nouveau cambriolage au muséum de … "
  Je ne pris pas la peine de le lire en entier, les détails ne m’intéressaient pas. Seul le fait m’importait.
  Sévissait en effet depuis plusieurs semaines un voleur d’un nouveau jour, capable de passer inaperçu dans une salle dont le moindre recoin abritait une caméra et, encore plus incroyable, capable de dérober l’objet du vol sans laisser la moindre trace de son passage : les objets, mis sous verre pour la plupart, disparaissaient sans la moindre trace de casse due à l’extraction de la prison de verre. Et bien sûr, pas le moindre échantillon de peau, de cheveux ou de sang susceptible d’aider la police. Les rumeurs les plus folles couraient à ce sujet : le voleur serait un fantôme, les objets dérobés avaient été rendus invisibles puis étaient véritablement dérobés plus tard, quand le criminel ne courait plus aucun danger – cette fable me semblait tout de même être la moins crédible. Le seul point commun entre tous les objets volés étaient qu’ils soient anciens, peu importe leur époque ou leur nature, un fauteuil renaissance avait été volé ainsi qu’une paire de boucle d’oreille un même soir. Le malfaiteur avait déjà agi dans plusieurs villes mais encore là, pas le moindre rapport entre elles hormis le fait qu’elles abritaient toutes un musée d’histoire. Par conséquent, aucune chance qu’il fasse quoi que ce soit à Denver qui n’abritait que des musées d’art. A cette pensée je poussai un soupir résigné.
  Pendant le dîner j’évoquai à ma mère et mon frère Thomas, de trois ans mon cadet, l’arrivée de Tabatha et l’incroyable beauté de cette dernière. Ils se moquèrent un peu de moi, pensant que j’exagérai, je me promis donc de prendre des photos d’elle le lendemain même avec mon appareil photo. Je m’endormis en mûrissant mon projet, ne sachant pas que cette journée avait été la dernière d’une longue série qui durait depuis seize ans. Demain en commencerait une nouvelle.
  On dit qu’on ne se rend compte des choses qu’on aime qu’une fois qu’on les a perdu. C’est certainement vrai.
 
   Anthony passa me prendre en voiture le lendemain matin et je lui expliquai mon projet de la veille qui l’amusa plus que mesure bien qu’il ne tenta pas de m’en dissuader.
- C’est la grande classe dis donc. Ton petit copain qui te pose au lycée … Il voudrait pas nous emmener nous aussi ? Être transportée par le plus beau garçon du bahut, rigola Diane.
- Il faudrait que je lui demande, répondis-je sur le même ton. Mais pas sûr qu’il accepte, sa voiture compte plus que tout à ses yeux.
- On va pas lui salir !
  Je quittai mes amies sur une ambiance légère et partis pour un cours où aucune d’entre elles ne se trouvait avec moi. Je m’assis à ma place qui se trouvait à côté de Jade Takano. Je la considérai, avant que Tabatha n’arrive, comme l’une des plus belles filles du lycée, au même titre que Morgan, bien qu’étant d’un tout autre genre, plutôt dans le style beauté métisse – de son père japonais elle tirait sa belle peau pêche velouté et ses beaux cheveux de jais, de sa mère américaine ses splendides yeux gris. C’était une fille très timide et particulièrement gentille mais bizarrement elle était assez peu populaire. Au moins ça la rendait plus accessible, et heureusement car j’avais plusieurs cours avec elle et nous étions toujours côte à côte. A croire que les profs s’étaient passés le mot.
- Ca va ? l’interrogeai-je pour commencer la conversation.
- O … Oui et toi ?
- Comme d’habitude. Tu as vu Tabatha Taylor ?
- C’est bien la fille aux yeux émeraude ?
- Oui. Je la trouve vraiment splendide.
- C’est vrai mais … elle n’a pas un caractère très … très …
  Elle déglutit bruyamment, chercha ses mots.
- Très facile.
- Comment ça ? m’inquiétai-je tout en optant pour une posture plus attentive.
- Et bien … Je ne sais pas si tu as vu mais il y avait toute une troupe de garçons qui la suivait et … enfin tu vois, ils n’arrêtaient pas de lui parler, de la draguer et au … au bout d’un moment elle s’est arrêtée de marcher, elle s’est tournée vers eux et je ne sais pas ce qu’elle a leur dit parce que j’étais trop loin mais ils sont restés statufiés. Elle leur a lancé un regard … Même à moi ça m’a fait peur. Je crois qu’elle les a traumatisé.
  Elle rit un peu, comme pour dédramatiser.
- Au moins ils n’iront plus embêter d’autres filles, remarquai-je.
  Ma piètre blague eut au moins l’avantage de l’amuser. Moi cela ne me faisait pas rire du tout, pour avoir vu Tabatha de près j’imaginai très bien ce qu’avait pu ressentir les malheureux - ils allaient faire des cauchemars.
- Au … Au fait …, balbutia Jade.
- Oui ?
- Heu … Et bien … Avec un de mes profs j’organise avec d’autres élèves une sortie de deux jours et une nuit à la forêt nationale Arapaho mais … on … on n’est pas assez nombreux alors … on recherche des " volontaires " pour nous accompagner et … éventuellement … ça te dirait de venir ?
- Pourquoi pas mais … c’est quand et puis … on va faire quoi là-bas ?
- Oh ! Rien de compliqué ! On va surtout faire de l’observation …C’est dans deux semaines.
- Il faut que j’en parle à mes parents mais s’ils sont d’accords tu peux me compter dans le lot des "volontaires". Où est-ce que l’on s’inscrit ?
- En fait, il y a juste un papier d’information mais il faut passer par un élève du cours pour s’inscrire.
- Tu le feras pour moi ?
- Avec plaisir.
  Elle me sourit et je fis de même.

  Je fus pendant l’heure appelée à aller faire des photocopies, tâche dont je m’acquittai religieusement et j’allais rejoindre ma salle de cours quand j’entendis des pleurs. J’en cherchai immédiatement la provenance et finis par voir une fille assise dans le couloir, recroquevillée sur elle-même. Je me précipitai vers elle et posai ma main sur son épaule.
- Ca va ? m’enquis-je.
  Je me figeai sur place en voyant qui était la fille en question. Morgan Jones en personne, le visage trempé par les larmes.
- Tu es … Lilian ? me demanda-t-elle.
- Heu … Oui ?
- Anthony parle beaucoup de toi, répondit-elle à ma question muette.
- Ha … Qu’est-ce que tu fais dans ce couloir ?
- Je sèche. Je … je me dirigeai en cours quand je me suis sentie mal … Je n’ai pas eu le courage de me rendre à l’infirmerie.
- Tu veux que je t’y accompagne ?
  Elle acquiesça et se leva.
- Ca ne te dérange pas si je m’appuie un peu sur toi ?
- Non, je suis là pour ça.
  Elle émit un petit rire et se reposa un peu sur moi. Nous fîmes quelques pauses avant d’arriver à l’infirmerie. La dame en blouse me rédigea un mot d’excuse et je sortis de la salle en jetant un dernier coup d’œil à Morgan, assise sur l’un des lits. Elle me fit un petit signe de la main en guise d’adieu ainsi qu’un grand sourire que je lui rendis. Pendant le trajet retour je me demandai comment elle avait pu se retrouver seule dans ce couloir alors qu’elle était toujours entourée de deux ou trois garçons et d’un nombre équivalent de filles.
  Le soir je ne parlais ni à mes amies ni à Anthony qui me raccompagna en voiture de cette rencontre, pour le moins surprenante. Mais mon petit ami avait lui d’autre chose à me dire.
- Lilian ?
- Hum ?
- Je … Enfin … Je dois te demander quelque chose.
- Je t’écoute.
- En fait … Tu vois qui est Alexia Hilton ?
- Vaguement. C’est une fille blonde à la peau mâte ?
- Oui. Ce week-end elle organise une fête pour son anniversaire et … elle voudrait faire ta connaissance.
  Je me tournai brusquement dans sa direction.
- Tu plaisantes ?
- Non. Je … Ca m’embête de te demander ça mais … beaucoup de personnes parmi mes amis ne te connaissent pas et cela à pour effet de créer pas mal de rumeurs.
  Ses amis ne devaient effectivement pas me connaître puisque je n’avais jamais mis les pieds dans leur monde en haut du mien. Et Alexia Hilton était l’une des ses filles que je n’étais préparée à rencontrer. Et que je ne voulais pas d’ailleurs. Du peu que j’avais entendu sur elle, elle ne paraissait pas particulièrement sympathique – c’était une cheerleader et pas mal de filles la haïssait pour s’être opposée à leur adhésion au sein de l’équipe. C’était une fille de pouvoir et elle pouvait nuire à des personnes aussi populaires qu’elle pour peu qu’il y ait les témoins appropriés. Cette fête d’anniversaire devait en être remplie à coup sûr. Je risquai de créer à Anthony plus de problèmes que si je m’absentai.
- Je ne peux pas venir, conclus-je.
- Pourquoi ? Tu as quelque chose de prévu ?
- Non mais … Je … C’est pas vraiment le genre d’endroit où je suis à l’aise. Je vais te coller la honte de ta vie.
- Ne raconte pas d’âneries.
- Je te préviens, je ne viendrai pas.
 
  Je cherchai désespérément les toilettes au milieu de cet amas de ballons roses et blancs, ma tenue un peu sophistiquée et la foule m’empêchant d’esquisser des mouvements un peu brusque pour les repousser. La musique me perçait les tympans - comment pouvait-on survivre là-dedans ? Je finis par les trouver, dans un coin reculé du salon. Je m’engouffrai dedans comme si ma vie en dépendait, ce qui était vrai quelque part. Une fois l’épaisse porte refermée je pus de nouveau respirer, la musique ne filtrait qu’à faible dose et la pièce était vide – telle celle des restaurants on y trouvait un luxueux lavabo et plusieurs autres portes abritant les WC à proprement parler. Je m’approchai du lavabo et entrepris de refaire un peu mon maquillage. Je me contemplai un court instant dans l’immense miroir et me demandai une fois de plus ce que je faisais là. J’entendis un bruit de pas précipité se rapprocher de la porte – quelqu’un avait dû abuser des cocktails, pourtant non alcoolisés.
  La porte s’ouvrit avec fracas et se referma brutalement.
- Morgan ?
- Car c’était bien elle qui venait d’entrer.
- Ha … Lilian … Tu es venue te réfugier ici ?
- Heu … Oui mais … et toi ?
- Pareil.
  Elle se plaça à côté de moi et sortit son maquillage.
- C’est invivable dehors, affirma-t-elle. Je ne m’y ferai jamais.
  Entendre ses mots dans la bouche d’une fille comme elle me surprit. Je réfrénai ma curiosité et ne lui posai aucune question cependant.
- Quelle bande d’abrutis ! s’exclama-t-elle. C’est Ragot Land ! Et puis cette Alexia ! Ca doit bien être la reine de cette bande de dégénérés !
  Une idée me traversa l’esprit, bien qu’elle soit totalement insensée.
- Tu … n’aimes pas ce milieu ?
  Elle poussa un profond soupir.
- C’est peu dire. Je ne le supporte pas. Je n’ai d’ailleurs jamais demandé à y rentrer.
- Ha bon ?
- Quand je suis entrée au lycée les cheerleaders m’ont tout de suite repéré et elles ont voulu qu’elle les rejoigne. Moi ça ne me disait rien, ça ne m’intéressait pas, je savais vaguement ce qui se passerait si j’acceptais et je tenais à ma tranquillité. Mais elles ne s’attendaient pas à ce qu’une fille leur dise non et ne l’ont pas bien pris. Elles m’ont harcelé pendant des semaines ! J’ai fini par craquer et j’ai dit oui. Et maintenant tout se passe comme je le pensais. Et je me retrouve dans ses soirées ridicules.
  Je ne savais pas trop quoi en penser. Alors que tant de monde rêvait d’être inviter à ce genre de fêtes, elle, elle aurait tout donner pour les éviter. Je m’aperçus qu’elle me regardait, l’air embêté.
- Tu ne le répéteras à personne ce que je viens de te dire ? Si ça venait à se savoir j’aurai pas mal d’ennuis.
- Je n’en avais pas l’intention. Moi aussi je donnerai n’importe quoi pour partir d’ici.
- C’est pour Anthony que tu es là ?
- Oui.
- J’aime bien Anthony, c’est l’une des personnes les plus sensées de cette réception. Il est gentil. Mais je me pose une question … Vous sortez ensemble depuis quand ?
- Depuis deux ans maintenant, lui répondis-je, ne voyant pas où elle voulait en venir.
- Et c’est la première fois que tu viens à ce genre de truc ?
- Oui. Contrairement à toi Anthony était déjà très … "apprécié" quand nous étions au collège mais quand il est entrée au lycée c’est devenu la folie. Comme nous avons commencé à sortir ensemble sur la fin de l’année peu de monde était véritablement au courant. J’ai pu mener une vie normale jusqu’à aujourd’hui.
- Tu as de la chance. Moi je donnerai n’importe quoi pour éviter ces parasites qui me collent à longueur de journée.
- Une sortie ça te dit ?
- Pardon ?
- Une de mes camarades de classe organise une sortie avec un prof et d’autres élèves. C’est à la forêt nationale Arapaho et on reste deux jours sur place, on va faire de l’observation apparemment. Si ça t’intéresse je peux lui demander de t’inscrire, c’est une fille très gentille et très discrète, elle n’ira pas crier sur tous les toits que tu viens. C’est dans deux semaines.
- Heu … Je … Je ne suis pas une fan des ballades mais si ça peut m’éviter les lourdingues … Ca marche, je viens.
- Super ! S’il y a des papiers je te les ferai passer par Anthony.
- Aucun problème. Merci. Tu devrais rejoindre ton copain. Il te cherchait.
- J’y vais de ce pas.
- Bonne chance !
  J’ouvris de nouveau la porte et la musique m’assourdit de nouveau. Je me mis à la recherche d’Anthony et me frayai un chemin parmi les danseurs frénétiques qui semblaient plutôt à l’aise au milieu de cette foule. Je le trouvai, errant.
- Lilian ! Je te cherche partout depuis tout à l’heure !
- J’étais aux toilettes.
  Il poussa un soupir de soulagement.
- Anthony ! Te voilà enfin ! cria une voix.
- Alexia …, murmura Anthony.
- C’est elle ? m’écriai-je le plus bas possible. Je ne veux pas la voir ! Partons !
  Mais elle nous avait déjà rejoint. Blonde - probablement décolorée – la peau mâte, les yeux bleus et vêtue d’une ridicule robe rose froufroutante, Alexia Hilton s’avançait vers nous entourée de sa cour.
- Je te cherche depuis un moment, le réprimanda-t-elle. Je commençai à croire que tu m’avais posé un lapin et ...
  Elle devait certainement juste s’apercevoir de ma présence et me dévisageait de ses yeux fardés.
- Tu … tu dois être Lilian ?
- Oui. Joyeux anniversaire.
- Merci … Je ne crois pas t’avoir déjà rencontré …, s’inquiéta-t-elle avec une moue perplexe.
- Heu … Je … je préfère me fondre dans la masse, plaisantai-je bien que ce soit la stricte vérité.
  Maintenant tous ceux qui nous entouraient me regardaient comme si j’étais une bête de foire. Je baissai les yeux, morte de honte et je me demandai bien pourquoi Anthony ne m’aidait pas à me sortir de ce mauvais pas quand deux mains s’abattirent sur mes épaules.
- C’est tout à son honneur non ? répliqua la voix pimpante de Morgan. Beaucoup d’autres filles en aurait profité mais elle, elle a su rester modeste.
  Je notai une pointe de sarcasme dans sa voix et à la tête d’Alexia j’en conclus qu’elle aussi l’avait remarqué.
- Tu connais Lilian ? l’interrogea-t-elle.
- Nous avons déjà eu l’occasion de nous croiser. Elle m’a déjà rendu un fier service.
- Ah ?
- Pour dire vrai, je m’apprêtai à partir quand je me suis dit qu’il fallait tout de même que je te salue.
- C’est gentil de ta part …
  Les deux filles n’avaient pas l’air de s’apprécier particulièrement.
- Tu n’aurais pas vu Tabatha par hasard ? lui demanda Alexia.
- Tabatha est ici ? !
  Tous les regards se tournèrent vers moi. J’affichai un air penaud tandis que la reine de la soirée levait un sourcil, comme irritée.
- Oui Tabatha est ici. Enfin je crois, je ne l’ai pas encore vu, pesta-t-elle.
- Ne te plains pas, lui rétorqua une de ses amies qui se tenaient à ses côtés, tu as de la chance qu’elle vienne. Quand tu l’as invité j’ai cru qu’elle allait te dévisser la tête.
- C’est elle qui a de la chance d’avoir été invitée, siffla Alexia. Je vais devoir te laisser Anthony, reprit-elle après quelques secondes de silence.
- Je t’en prie.
  Elle s’éloigna, suivie de sa cour. Pour ma part, je me retournai vers Anthony.
- Ca ne te gêne pas qu’on se paye ma tête ? m’énervai-je.
- Comment ça ?
- Tu n’as pas vu comment on m’a regardé ? Tout le monde … me prend une imbécile maintenant.
- Ca sera vite oublié. Profite de la fête et …
- Non, le coupai-je. Je pars.
- Comment ?
- Je peux te raccompagner, me proposa Morgan qui ne nous avait pas quitté.
- Je te suis.
  Je m’éloignai, Morgan sur mes talons.
- Lilian !
  Je fis comme si je n’avais rien entendu.
- Monte, m’ordonna-t-elle en me tendant les clefs de sa voiture. Je vais dire bonjour à quelqu’un et je te rejoins.
  Elle me désigna sa voiture et je m’y précipitai. C’est à ce moment-là que je vis, dans un coin sombre, Tabatha. Vêtue d’une simple robe bleue elle n’en était pas moins resplendissante. Elle me remarqua à son tour et je lui adressai un petit signe de tête. Elle fronça les sourcils et à mon grand étonnement, elle avança dans ma direction. Je commençai à paniquer, me demandant ce qu’elle me voulait quand je compris qu’elle se rendait à sa voiture.
- Alexia te cherchait, lui indiquai-je.
- Moi pas.
- Tu te caches depuis le début de la soirée ?
  Elle ne répondit pas et j’en conclus que j’avais raison.
- Je ne pensais pas que tu viendrais à ce genre de fête.
- J’ai mes raisons.
  Elle monta dans son véhicule et démarra aussitôt. Quelles raisons pouvaient bien la pousser à se rendre à la fête d’Alexia Hilton ?
  Morgan me rejoignit alors que Tabatha s’éloignait. Je m’installai sur le siège passager et bouclai ma ceinture. Je contemplai alors la gigantesque maison que je venais de quitter et où j’abandonnai mon petit ami.
- Que font les parents d’Alexia ? me renseignai-je auprès de la conductrice.
- Sa mère je ne sais pas mais son père … il me semble qu’il s’occupe de différents musées du Colorado. D’ailleurs ses affaires ne vont pas bien à cause … du voleur mystère.
  J’effaçai instantanément la mauvaise idée qui venait de naître dans mon esprit. Non, Tabatha n’avait pas pu accepter de se rendre à la fête à cause de la profession des parents d’Alexia. Qu’est-ce que ça pouvais bien lui faire après tout ?
  Je me figeai le lendemain quand j’appris que la maison des Hilton avait été cambriolé. Et qu’il manquait le badge permettant l’accès aux plus grands musées du Colorado.

Lexique
Denver : il s'agit de la capitale du Colorado aux Etats-Unis et se situe à proximité des Montagnes Rocheuses.
Cheerleaders : c'est l’équipe des pom-pom girls, elle est chargée d’encourager les équipes du lycée et d’en montrer le prestige. Elle regroupe les plus belles filles de l’établissement bien que le " copinage " soit un sérieux avantage pour en faire partie.
La voiture de Megan, Anthony, Morgan et Tabatha : aux Etats-Unis d’Amérique, le permis de conduire peut être passé à partir de l’âge de 16 ans.

 

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11 septembre 2009 5 11 /09 /septembre /2009 20:06


  On m’a répété je ne sais combien de fois depuis que je suis petite que le monde était froid, la vérité insupportable, la compassion un poids mort, le regret des ailes brisées et que personne ne me ferait de cadeaux. Personne. Je ne l’ai pas cru et j’ai appris par la suite à mes dépends que c’était pourtant la triste réalité. Maintenant je connais également la suite de l’histoire – personne ne te fera de cadeaux, n’en fais pas non plus.

  Quiconque entendrait ça se dirait que c’est cruel, c’est certainement vrai. Mais c’est ma philosophie et je n’ai pas l’intention d’en changer. Pourquoi faire ? La souffrance inutile ne m’intéresse pas.

  Peut-être que je suis comme la lune, peut-être me faut-il plusieurs phases pour arriver au zénith. Car je suis dans la nuit la plus noire.

  Je lève les yeux vers elle – peine perdue. Je continue pourtant sincèrement de souhaiter qu’un jour elle le soit pour moi aussi.

 


La pleine lune.

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 21:10
  Avant toute chose, il est bon de préciser que vous ne trouverez rien d'autre sur ce blog que le roman que je tente d'écrire (et de finir !) et en aucun cas des informations croustillantes sur ma vie privé.
  Mon essai a pour nom "Chess 1.Moonless Night". C'est donc le premier "tome" de ma série qui aura donc pour nom "Chess". Moonless Night signifie en anglais "nuit sans lune" tandis que Chess" signifie "échec", le jeu d'échec donc.
  Avant de poster le prochain chapitre j'attendrai d'avoir un certain nombre de commentaires pour voir si cela vaut la peine de continuer à la publier. Vous trouverez également à chaque fin de chapitre un petit lexique, étant donné que le récit se déroule aux Etats-Unis j'ai cru bon de vous apportez quelques petites précisions.

  Sur ce, il ne me reste plus qu'à vous souhaitez une bonne lecture...

" Tout cela ne vaut pas le poison qui découle

de tes yeux, de tes yeux verts,

Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers …

Mes songes viennent en foule

Pour se désaltérer à ces gouffres amers. "

 

"Le poison", Baudelaire

"Les Fleurs du Mal"

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Présentation

  • : Chess-Moonless Night
  • : Lilian Stevens, Morgan Jones et Jade Takano sont trois lycéennes américaines, se rendant au même lycée. Elles ne se connaissent pas, ou peu, mais vont être amenées à se rapprocher suite à l'arrive de la splendide et mystérieuse Tabatha Taylor ... Ce qu'elles ne savent pas encore, c'est qu'elles vont être emportées dans des aventures qu'elles n'avaient jamais imaginé ... Prêt à franchir le point de non-retour avec elle ?
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