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25 décembre 2009 5 25 /12 /décembre /2009 21:15

chapitre 14 - le fil de la vie
-  Les trois immortels Alice ! C'est pour ça que la Rook Guild les cherche !
  J'abbatis mon poing sur son bureau. Alice se massa les temps, elle paraissait dépassée.
-  Les trois immortels ... Rien que ça ! conclut-t-elle.
  Elle s'affala encore un peu plus dans son fauteuil et ferma ses paupières. Elle réfléchissait.
-  Je ne comprends pas ... pourquoi le pense-t-elle ? Qu'est-ce qui l'a amené à cette conclusion ? s'interrogea-t-elle. Le roi n'en a pas dit plus ?
-  Je ne sais pas. C'est Jade Takano qui nous en a parlé, le roi lui aurait directement demandé si elle faisait partie du trio. Mais sincèrement, je pense qu'il sait bien gardé de le faire. Il devait se douter qu'elle finirait par en parler.
  Je posai une fesse sur son bureau et me retournai en direction de mes cavaliers, installés sur deux chaises aux rembourrements qui me semblèrent confortables. Je m'installai entre les jambes de Malcolm et me servis de son torse comme dossier. Je croisai les bras sur ma poitrine.
-  C'est la première fois depuis des lustres que l'on est sur une piste aussi sérieuse concernant les trois immortels, m'expliqua Alice. Est-on bien sûr que les trois filles ne soient ...
-  C'est certain, tranchai-je. Pas de doute possible là-dessus.
-  Bon ... De toute manière, la Rook Guild a montré de manière on ne peut plus claire qu'elle ne reculerait devant rien pour s'emparer des filles. Et si elles sont ...
-  Elles sont, la coupai-je.
-  Puisqu'elles sont des personnes normales on ne peut pas les laisser dans ce pétrin.
-  Surtout que c'est à cause de Tabatha qu'elles se sont retrouvées dans cette situation, ajouta Alexandre. Quelle idée de s'inscrire à ce stage en forêt !
-  Je ne pouvais pas sciemment laisser ensemble hors de mon champ d'action les trois filles qui me soupçonnaient d'être, en partie, ce que j'étais !
-  Je ne te l'ai jamais reproché Tabatha, ne t'énerve pas, me pria ma supérieure. Je tiens à mon mobilier.
-  Tss ... Qu'est-ce qu'on fait alors ?
  Alice reprit son exercice de relaxation des tempes.
-  Il faut que j'en parle au Grand Chef, je ne peux pas décider de ce genre de chose toute seule.
-  Et pendant que vous délibérez dans les hautes sphères, que fait-on ?
-  Ce que vous avez fait jusqu'à maintenant. Contentez-vous de les protéger, ne vous en prenez pas à la Rook Guild. Pas en ce moement ..., grogna-t-elle.
-  Pourquoi "pas en ce moment" ? m'enquis-je.
-  Je ne peux pas t'en parler, me stoppa Alice.
-  Je veux savoir.
  Alice rourit les yeux et me fixa. J'avais beau pertinemment savoir qu'elle ne me refusait jamais rien, l'éclat de ses yeux m'invita à revoir mon jugement.
-  Je ne peux pas t'en parler Tabatha. C'est comme ça.
-  Je suis la 4ème reine ! m'enflammai-je. Je suis la reine de la quatrième équipe la plus forte de la Knight Guild ! Tu peux me le dire !
- TU ES PEUT-ETRE LA QUARTIEME REINE MAIS TU N'ES QU'UNE GAMINE DE 16 ANS  ! LE MONDE N'A PAS A S'ADAPTER A TOI ! ET SURTOUT, JE SUIS TA SUPERIEURE HIERARCHIQUE !
  Voilà qu'elle me sortait le coup de la supérieure hiérarchique. Je remarquai que les battements de coeur de Malcolm avaient accéléré et qu'à l'inverse sa respiration ralentissait. Il s'inquiétait. Je me relevai d'un bond et avançai en direction de la porte.
-  Malcolm ! Alexandre ! On part ! ordonnai-je.
  Certainement soulagés de quitter ce lieu de discorde, ils s'exécutèrent au quart de tour.
  J'avais posé ma main sur la poignée lorsque je décidai que je ne pouvais pas partir comme ça, ça aurait été fuir.
-  Excuse-moi Alice, je te laisse à tes papiers de femme de bureau. C'est que tu comprends, je pars faire un vrai travail, aux résultats vraiment utiles ... En même temps, je suis sûre que si tu en avais encore l'âge tu serais encore sur le terrain ...
  J'avais volontairement pris des intonations hypocrites qu'Alice ne manqua pas de remarquer. A ses traits crispés, j'en déduisis également qu'elle avait bien saisi ma pique. Son âge ... son éternel problème ... son éternel faille.
  J'allais franchir le seuil de la porte quand Alice, remontée par ma remarque, décida de jouer au même petit jeu que moi.
-  J'aurais pu t'en parler Tabatha ... Crois-moi ... Mais tu n'es que la 4ème reine ... Tu comprends que je ne peux pas partager mes secrets avec des personnes aussi faibles que la 4ème reine Tabatha ...
  Alice était aussi déouée que moi dans l'hypocrisie et nous nous connaissions toutes les deux depuis assez longtemps pour pouvoir jouer dans la même cour. Néanmoins, j'étais furieuse. Elle aussi connaissait bien mes propres problèmes.
  Malgré l'épaisse porte que j'avais claqué, j'entendis les dernières paroles de Miss Osborn.
-  "Voyons chaton ... Ne t'énerve pas !"
  Comment osait-elle employer ce surnom ?
Comment osait-elle ?
 
J'explosai d'un coup de poing sa porte, qui éclata en milles morceaux.
  Mrs Norris, qui apportait un énième dossier à Alice, se mit à courir aussi vite que le lui permettait sa jupe étriquée.
-  La porte de Miss Osborn ! Miss Osborn !
  Je m'apprêtai à quitter définitivement les lieux quand Mrs Norris comprit qu'elle détenait une occasion en or de me réprimander. Malheureusement pour elle, elle avait mal choisi son moment.
-  Comment osez-vous ! commença-t-elle. Vous ne savez donc rien faire d'autre que semez la panique partout où vous allez ? Je vous préviens, je ne tolérerai pas ...
  Son insupportable voix de crécelle cessa quand j'entrepris de l'étrangler. Elle tenta de me faire lâcher prise mais y renonça bien vite. Elle chercha d'implorer la pitié de mes cavaliers, en vain toutefois. Elle ne savait pas encore qu'ils me laissaient faire tout ce que je voulais.
Tout.
  Par soucis de sécurité, aucune fenêtre n'avait été posé à proximité du bureau de ma supérieure hiérarchique, je traînai donc Mrs Norris jusqu'à l'ouverture la plus proche par la gorge à une dizaine de centimètres du sol sans difficulté. Elle emettait des petits râles qui, je le devinais, étaient censés me faire éprouver de la pitié pour elle. J'avais néanmois rayé ce mot de mon vocabulaire depuis longtemps. 
  J'ouvris la vitre et plongeai la partie supérieure de son corps dans le vide.
-  Pi ... Pitié ... Je vous ... en supplie ...
  Sa voix chuta sur le dernier mot. J'accentuai encore ma prise.
-  Pitié !
  L'énergie du désespoir. C'était bien l'une des rares choses qui réussissait encore à m'émouvoir.
  Je ramenai Mrs Norris sur la moquette et elle s'effondra, son chignon s'évaporant en des mèches de cheveux gris éparses. Elle respirait à grosse goulée et ne prit même pas la peine de remettre correctement sur son nez ses lunettes. Elle était pitoyable. J'aurai pu la tuer sans qu'elle ne m'oppose aucune réelle résistance.
-  Tss ...
  Je lui accordai un dernier regard et repris mon chemin. Alex, qui mine de rien ne supportait pas le travail mal fait, finit ce que j'avais commencé. Il s'accroupit et empoigna par le col la vieille Mrs Norris.
-  Tu as compris sale vioque ? Ne t'avise plus jamais de nous faire la moindre remarque parce que sinon, je te jure que je te balance par la fenêtre sans la moindre hésitation.
  Je souris intérieurement - mon cavalier blond ne s'habillait pas en punk pour rien. En tout cas maintenant j'en étais sûre, je n'entendrais plus jamais parler de Mrs Norris.
  Elle venait de comprendre pourquoi j'étais l'un des membres les plus respectés de la Knight Guild.
  Je repartis de mon pas le plus élégant. Et peut-être aussi le plus terrifiant.

  Alice obtint rapidement une audience auprès du Grand Chef en raison de son statut et la question du futur des Miss Jones, Stevens et Takano trouva rapidement une réponse. De toute manière, il ne pouvait y en avoir qu'une.
  Miss Osborn m'envoya un mail dès le lendemain de notre altercation, me priant de me rendre à l'un des sièges de la Knight Guild afin d'y recevoir un ordre de mission.
  Vêtue de mon plus beau pantalon noir à coupe droite en satin, de mon splendide blazer noir, des mes escarpins vernis noirs et de mon collier fétiche, je me rendis l'après-midi même à l'adresse indiquée, que je ne consultais même pas puisque je recevais tous mes ordres de missions au même endroit, comme tous les rois, cavaliers et pions. Malcolm et Alexandre refusèrent une fois de plus de me laisser conduire ma Maserati Granturismo 11 malgré toutes mes protestations jusqu'à la Ligne Spéciale, où je profitai de mon passage en caisse pour saluer Ann.
  La porte de l'ascenseur s'ouvrit pile à l'heure où j'étais attendu, au 63ème étage. Les membres du Conseil étaient tous assis autour d'une seule et unique table - Alice également - et le Grand Chef siégeait à son extrémité en bon président de l'assemblée.
-   Avance Tabatha, avance, je t'en prie, chuchota-t-il de sa voix douce et faible. Cela fait longtemps que je ne t'ai pas vu ...
-  C'est parce que ça fait longtemps que vous n'avez pas assisté à un conseil.
  Je perçus son rire à l'autre bout de la pièce ainsi que les murmures de certains Conseillers qui me trouvaient insolente de faire remarquer au Grand Chef sa faiblesse.
-  Tu dois savoir pour quelle mission nous t'avons prié de te déplacer avec tes cavaliers ..., poursuivit le Grand Chef.
-  En effet.
-  Dans ce cas, je serais bref. Vous êtes officiellement chargés de la protection des Miss Jones, Stevens et Takano. Toutefois ... Vous devez éviter autant que possible la confrontation avec la Rook Guild.
-  Si je puis me permettre, cela va être difficile. La Rook Guild tient absolement à récupérer les trois filles.
-  Tu m'as compris Tabatha ..., soupira le Grand Chef. Je ne veux pas de bains de sang. Tu dois uniquement adopter une attitude défensive.
  Je serra les poings.
-  C'est clair Tabatha ?
-  Très. Ne vous inquiétez pas.
  Et je lui adressai mon plus beau sourire.
- Ca ne marche pas avec moi Tabatha, rigola le Grand Chef. Et je serais intransigeant cette fois. Dès qu'un rook sera déclaré mort par tes soins j'ordonnerai une enquête afin de vérifier que tu as bien agis ainsi parce que tu n'avais pas d'autres solutions. Tu m'as bien compris ?
-  Oui.
  Le silence était vraiment pesant.
-  Tu peux y aller maintenant ..., me dit le Grand Chef avec un geste de la main qui m'y invitait fortement. J'espère ne pas te revoir de sitôt ...
  Je m'inclinais.
-  Comptez sur moi.
  Et je tournai les talons après que mes cavaliers aient eux même marqué leur respect au Grand Chef.

-  Et bien ... Jade ne pourra pas protester si je la colle maintenant ! plaisanta Alex.
  Malcolm ricana.
-  Ne la colle pas tout de suite, lui imposai-je.
-  Pourquoi ça ? me demanda Malcolm.
-  Parce que ... il me faut une garantie ...
  Mes cavaliers eurent l'air perplexe. Pourtant j'étais sérieuse.

  De la réponse que me donneraient les trois filles dépendait leur avenir ... qui dans le mauvais cas riquait de finir chez les rooks.



Cadeau de Noël et de début d'année ;)

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25 décembre 2009 5 25 /12 /décembre /2009 11:36
Joyeux Noël à tous mes chers lecteurs !! J'espère que le Père Noël a été gentil avec vous ^^
  Je mettrais peut-être en ligne une petite surprise pour le 1er Janvier sur le blog si je trouve le temps de la faire ! C'est que moi ... fin d'année rime avec farniente ;)     
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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 22:01

chapitre 13 - l'oeil du chat

  Le roi me fixait de ses yeux glacés, l’air amusé comme s’il repensait à une bonne blague. Sans doute n’avait-il pas encore compris que Tabatha voulait sa peau – et qu’elle l’aurait, ce qui était en mon sens une nuance non négligeable.

  J’inspectai une nouvelle fois la cellule où l’on m’avait conduite. Elle était petite, sale, insalubre, avec une petite banquette miteuse où j’étais assise malgré toute la répugnance qu’elle m’inspirait. Stanislas, lui, avait obtenu le droit d’emprunter une chaise en bois sur laquelle il m’observait à l’instant même. Quel pouvait bien être son don ?
- HIIARGH ! Killiiiian !
  Le silence qui régnait dans la prison était par moment interrompue par les cris hystériques d’April, qui jouait aux cartes avec la tour. Apparemment, Killian venait encore de la battre.
- Tu pourrais me laisser gagner !
- Tu ferais la même chose pour moi ? lui rétorqua-t-il, visiblement agacé.
  Killian était plus petit que Stanislas, se rapprochant plus de la taille d’Alexandre. Ses cheveux châtains clairs avaient été savamment coiffés pour qu’ils paraissent ébouriffés et ses yeux étaient dotés d’une étrange noirceur, on ne distinguait qu’à grande peine son iris de sa pupille, tous les deux couleur encre. Portait-il des lentilles ?

  Je fus interrompue dans ma réflexion par un grincement de porte, plus précisément, celle de la prison. Quelques pas se firent entendre mais, n’osant pas bouger d’un millimètre, je ne pus voir la personne qui venait d’entrer. Pour la première fois depuis le début, Stanislas détourna son regard de moi pour se concentrer sur le nouvel arrivant. Il dû le reconnaître car il se leva et sortit de la cellule. April et Killian avaient eux aussi abandonné leur jeu de cartes. Je distinguai quelques murmures mais seulement celui du roi, de la tour et du pion qu’était la jeune fille blonde sans pour autant les comprendre.

  La tour finit par me rejoindre et m’ordonna sèchement :
- Suis-nous.
  Dans d’autres circonstances, j’aurai été ravie de quitter l’endroit misérable où je croupissais mais, dans la situation qui était actuellement la mienne, je préférais encore y rester. Killian leva un sourcil.
- Hé ! Tu te bouges un peu ?
  N’ayant pas assez de cran pour lui parler, je me contentais de rester immobile. L’adolescent soupira.
- Stanislas …, souffla-t-il. Qu’est-ce qu’on fait ? Elle n’a pas l’air d’avoir envie de coopérer.
- Quoi ? s’écria la voix stridente d’April. Mais elle n’a pas le choix !
  Cette dernière se dirigea à grands pas vers Killian, qu’elle poussa au passage, ouvrit ma cellule et m’attrapa par le bras.
- Du nerf ! m’encouragea-t-elle.
- Non !
- April ! Voyons … ne brusque pas notre invitée …
  La voix qui venait de prendre ma défense et qui devait appartenir à la personne inconnue semblait sortir d’outre tombe, faible et lancinante, de genre indéterminé.
- Si elle est bien ce que l’on pense … il serait dommage de s’en faire une ennemie …
  La pression autour de mon bras se relâcha, April semblait s’être calmée. Qui pouvait bien être la personne à voix d’outre tombe ? Et, plus important encore, que représentais-je à ses yeux ?

  Après un silence de quelques secondes, la porte de la prison grinça de nouveau – l’inconnu était parti.
- Bon … Où l’emmène-t-on alors ? demanda le pion d’une voix étrangement calme.
- Alix veut qu’on la place dans les appartements privés, lui répondit Stanislas.
- Elle serait vraiment … une des trois ? poursuivit April.
  Son regard se voila.
- Ca sera pour bientôt alors … souffla-t-elle.
  Je ne comprenais rien.
- Je veillerai moi même à ce qu’il ne lui arrive rien, décida-t-elle.
  Elle commença à me traîner derrière elle, animée par un nouvel objectif.
- Il faut vite la conduire aux appartements privés. Ses potes ne vont pas tarder à venir la récupérer, affirma April.
- En plus ils constituent la quatrième équipe ! se plaignit Killian. Stanislas ! Il va falloir que l’on constitue un plan de défense ! Si on se retrouve à les affronter directement on perdre à coup sûr !
- Ce n’est pas si certain …
  Je me retournai vers Stanislas.
- Leur équipe … a un énorme point faible …, continua-t-il.
- Lequel ? l’interrogea sa tour.
- Je ne sais pas encore. Mais je finirai bien par le trouver. Dépêchons-nous maintenant.
  Il s’éloigna, suivi de Killian et d’April – et par moi aussi par conséquent.

 


  Le lieu où je me trouvais était on ne peut plus luxueux. Nous commençâmes par emprunter un ascenseur – aux murs de velours avec des banquettes assorties et serties de … diamants ? – puis nous parcourûmes plusieurs couloirs tous aussi clinquants les uns que les autres. Nous croisâmes une seule personne, une femme d’origine italienne aux jambes interminables, aux longs cheveux caramel tendrement ondulés, à la bouche pulpeuse et à la mini jupe minuscule. Elle adressa un regard incendiaire au roi de ses yeux de braise mais il ne sembla même pas la remarquer. April parut intérieurement jubiler.

  On se serait cru dans un hôtel, des portes s’étalant à intervalles réguliers. Stanislas finit par s’arrêter devant l’une d’entre elle et sortit d’une de ses poches une carte magnétique.
- Il faut la clef appropriée pour l’ouvrir, lui fit remarquer Killian.
  Le roi passa néanmoins la carte et le l’indicateur de la serrure devint vert.
- Sauf quand on a un passe-partout, ricana Stanislas.
- Et comment tu as réussi à t’en procurer un ?
  Le roi sourit malicieusement.
- Il suffit de demander à la bonne personne …
- Non ! Ne me dis pas que tu as dragué la nénette de l’accueil !
- Je ne l’ai pas dragué, je lui ais gentiment demandé de me donner ce que je voulais.
- Parce que tu penses que je vais te croire en plus !
  On m’introduisit dans la pièce, qui se révélait être une véritable suite. La première salle, celle où je me trouvais, la plus grande, était la chambre. Sans ménagement, April me poussa à m’asseoir sur le lit.
- Laissez-nous maintenant, ordonna Stanislas à la tour et au pion. Allez prévenir Alix qu’on l’a mise en sûreté.
  Killian hocha la tête et nous quitta, imité par sa camarade. J’adressai un coup d’œil au roi qui le remarqua.
- Je t’intimide pas vrai ? s’enquit-il.
  Je ne répondis pas. J’étais furieuse. J’avais l’impression d’être un simple jouet dont le propriétaire – ici, mes geôliers – faisait tout ce qu’il voulait. Depuis le début, j’avais beau faire tout mon possible pour contrecarrer leur projet, toutes mes tentatives se révélaient vaines. Je plongeai mes yeux dans ceux de Stanislas, qui soutint mon regard.
- Quel âge as-tu ? finit-il par dire.
  Je le regardai, interloquée.
- Seize ans.
  Il souffla.
- Je voulais dire : " depuis combien de temps es-tu en vie " ?
- Seize ans.
- Tu es bornée.
  Je grognai et ne lui adressais plus un seul mot durant les longues heures qu’il passa avec moi. Non pas qu’il fasse grand chose pour meubler la conversation. Il finit néanmoins par s’étirer et par déclarer qu’il partait. Enfin ! J’allais pouvoir réfléchir sans l’avoir sur le dos. J’avais la désagréable qu’il lisait mes pensées – ce qui était peut-être, au final, son véritable don.

  Une fois qu’il eut refermé la porte derrière lui, je me précipitai à la fenêtre et ouvrai les rideaux de velours rouge. Le soleil se levait, je ne devais pas avoir dormi depuis bientôt vingt-quatre heures et pourtant je n’avais pas sommeil. En même temps, il était hors de question que je dorme : cela aurait été relâché ma vigilance. A la place, il fallait que j’établisse un plan. Par n’importe quel moyen il fallait que je parte. J’avais bien conscience que cela n’allait pas être facile mais je ne pouvais pas rester ici sans rien faire.

  Apercevant un mini-bar, je me servis un verre d’eau, j’étais assoiffée, et grignotai quelques cacahuètes. J’explorai ensuite ma suite afin de voir s’il n’y avait pas une faille dans ma prison. Une vitre mal fermée, un conduit d’aération … Y avait-il des caméras ?

 


  " Avec un peu de chance … "

  Mes yeux s’agrandirent. Je venais de remarquer le porche du bâtiment dans lequel je me trouvais. En lettres capitales dorées, le mot " HOTEL " était écrit et juste en dessous, cinq petites étoiles étaient alignées. Et afin de clamer l’appartenance de cet hôtel à la Rook Guild, la barre verticale du T n’était autre qu’une tour. Bingo ! Dans un hôtel de cette classe, il était évident que l’on ne pouvait pas priver les résidents … d’un téléphone. Je ne l’avais pas remarqué, il était pourtant bien en vue dans l’entrée de la suite.

  Je n’avais pas appris par cœur les numéros de téléphone des knights, je n’étais donc pas en mesure de les appeler – les rooks m’avaient retiré mon sac de cours durant le voyage en hélicoptère. Je m’approchai de l’appareil.

" Pour joindre l'accueil, faîtes le 01."

  Je consultai ensuite la brochure disposée à côté du téléphone et lus la liste des services proposés. Apparemment, de simples humains, comme moi, pouvaient réserver des chambres dans ce palace, aussi y avait il des chances pour qu’il n’y ait pas des caméras dans la chambre … peut-être dans les couloirs mais pas ici. Ma suite passait ainsi de "prison" à "QG". De plus, je me trouvais dans ce que les rooks avaient appelé les "appartements privés", quand nous avions pris l’ascenseur j’avais compris qu’il s’agissait des suites les plus luxueuses.

  Un plan, plein de failles, s’élabora de lui même dans ma tête. Ma dernière chance.

 


  La gorge nouée, je composai le numéro de l’accueil.
- Allô ? me répondit une voix doucereuse.
- Bonjour …
  J’avais tâché de me reprendre et d’avoir une voix non seulement égale – sans trémolo – mais aussi assurée.

" Pense que tu es pleine aux as, imagine que tu es pleine aux as … " me répétai je afin de m’en convaincre.
- Le spa est-il disponible ?
- Bien sûr. Je vous conseille également nos séances de massage …
- Le spa m’ira très bien, coupai-je. Merci. Et serait-il possible d’envoyer dans la minute une femme de ménage ?
- Sans aucun doute madame. Quelle chambre ?
- Mademoiselle, soulignai-je. Chambre … euh … 973 ?
- Elle sera bientôt là mademoiselle.
- Merci.
  Et je raccrochai.. Je détournai l’armoire, ayant aperçu un bout de grille, mais constatai que le conduit d’aération était bien trop petit pour que je puisse m’en servir. Flûte ! Ca avait été mon dernier espoir ! Tout dans cette suite d’hôtel semblait fait pour empêcher ses occupants d’en sortir, hormis la porte. Je m’appuyai contre l’une des fenêtres et profitai de la fraîcheur qu’elle dégageait. Malheureusement, j’étais au sixième étage. Je recomptai les fenêtres, espérant qu’une idée de génie allait finir par me traverser.

  Je m’affalai ensuite sur mon lit et inspirai profondément. Mais je n’avais pas de temps à perdre. Je m’empressai de chercher un objet susceptible suffisamment massif pour assommer quelqu’un sans pour autant le blesser ou le tuer. Mon choix s’arrêta sur l’une des lampes de chevet.

" Tu peux le faire Jade … "

  J’entendis distinctement la carte magnétique passée dans le lecteur et je serrai un peu plus fort la lampe.
- … !
  J’allais abattre mon bras quand on me le retint.
- Je ne sais pas quels sont tes projets … mais tu as sous-estimé la Rook Guild.
  Stanislas semblait assez amusé par la situation.
- Je tiens à te préciser que ta chambre est hautement surveillée. Va reposer cette lampe maintenant.
  J’envisageai un instant de l’assommer à l’aide de ladite lampe puis évaluai mes chances de réussite. Je dus m’avouer qu’elles étaient minces. A contre cœur, je remettais la lampe à sa place originelle et me rasseyais sur le lit.
- Si je te laisse ici, tu essayeras de nouveau de t’enfuir ? me demanda la roi rook.
" Bien sûr que non ! Je vais gentiment t’attendre ici ! " lui répliquai-je mentalement.

  Il fronça les sourcils.
- Hum … Ce n’est pas logique …, finit-il par murmurer.
- Quoi ?
- Qu’est-ce qu’une chinoise …
- Japonaise, le repris-je.
- Qu’est-ce qu’une japonaise aurait fait à la cour de Loreleï ?
  Il recommença à me regarder fixement tout en réfléchissant au pourquoi de la chose.

"  - Est-ce que tu es une immortelle ? "

  Je réfléchis aussi aux étranges élucubrations de Stanislas. Pour quelles raisons aurais-je été immortelle ? Par quel miracle ? Et qu’est-ce qui poussait la Rook Guild à le penser ? Plus important encore : qu’est-ce que cela impliquait ? Que représentais-je à ses yeux ?

  Je sursautai quand, plongée dans ma réflexion, le portable de Stanislas sonna.
- Allô ? (Pause) Pff … Je savais qu’ils n’allaient pas tarder … Méfie-toi de la reine, je crois que je l’ai assez énervé … (Ricanements – Pause) Oui, oui, j’arrive tout de suite. Non, ne t’inquiète pas, je la surveillerai. Avec Killian, tâchez de les retenir le temps que je l’ai emmené suffisamment loin. On ne peut pas la garder ici, il y a trop de monde dans cet hôtel. (Pause – Rire)
  Le roi raccrocha.
- Tu vas être contente, commença-t-il, tes amis viennent te chercher. Et tu vas sortir de cette suite.
  Il m’empoigna le bras et attrapa au passage une poignée des cacahuètes que j’avais sorti tout à l’heure. J’étais décidée à ne pas laisser échapper l’opportunité qu’on m’offrait de sortir de cette chambre.

  J’étais prête à pousser des cris stridents quand Stanislas plaça sa main inoccupée sur ma bouche.
- Tu sais … Il serait dommage d’ameuter tout l’étage … Je serais contraint de les tuer. Tu ne voudrais pas être à l’origine de la mort prématurée des deux petits garçons qui te servent de voisins ?
  Malheureusement, il avait raison. J’avais entendu les enfants joués dans la suite d’à côté. J’avais même taper contre les murs dans une tentative désespérée d’être entendu mais en vain. Et je soupçonnai le roi d’être capable de les tuer de sang froid. Eux ou le premier dont j’essayerai d’attiré l’attention sur mon sort.

  Résignée, je le laissais me conduire au parking et m’installer sur la banquette arrière d’un clinquant 4x4 – question discrétion on avait vu mieux mais il semblait particulièrement bien équipé. Dans un bruit d’enfer, le véhicule démarra et nous quittâmes l’hôtel.

 


  Je ne savais pas où se situait le palace – après que l’hélicoptère se soit posé sur une piste d’atterrissage, les rooks avaient de nouveau utilisé une porte miniaturisée et je m’étais retrouvée en cellule – , je ne savais pas où je me rendais. J’étais perdue avec l’un de ceux que je devais considérer comme mes pires ennemis.

  Stanislas ne se révéla pas un si mauvais compagnon de route que ça dans la mesure où il mit la radio, me demanda ma station préférée et s’arrêta même à un petit supermarché pour que je puisse utiliser les toilettes, bien sûr il m’accompagna aussi loin qu’il le put pour vérifier que je ne tenterai pas de m’échapper ou d’utiliser le téléphone mis en libre service.

  Je déglutis une énième fois. Il était près de midi dans une partie des Etats-Unis les plus arides et je n’avais pas bu une seule goutte d’eau depuis ce matin. Je m’efforçais à ne pas penser à tous les sodas que j’avais vu au mini-bar de ma suite et dont je ne m’étais même pas préoccupée.
- Tu veux qu’on s’arrête ?
  Je croisai le regard du roi dans le rétroviseur.
- Pour quoi faire ?
- Je ne sais pas … Acheter des boissons par exemple ?
  Nous nous arrêtâmes dans une minuscule supérette située au bord d’une route, tenue par une femme d’une cinquantaine d’année à la figure antipathique, aux cheveux décolorés et broussailleux. Quand j’entrai, Stanislas sur mes talons, le visage la bonne femme, jusqu’à présent fermé et hostile, s’éclaira d’un grand sourire et elle trottina jusqu’à nous.
- Bonjour … Je peux vous aider ?
- Nous sommes juste là pour acheter des boissons, lui expliqua mon camarade. Nous devrions pouvoir nous débrouiller seul.
  Et vlan ! Il acheva sa phrase d’un sourire atrocement séduisant. Comment espérait-il qu’elle nous laisse tranquille maintenant ?
- Ah … Je vous laisse alors …
  Et elle tituba jusqu’à son comptoir.
- Un vrai produit anti-mouche …, grognai-je pour moi-même.
- Un quoi ?
  Mince, il avait entendu. J’esquivai sa question en lui demandant ce qu’il voulait boire.
- De la bière.
- Tu es trop jeune.
  Il rit doucement.
- Une bouteille d’eau alors.
  J’en pris deux et me dirigeai vers la caisse.
- 4$, s’il vous plaît.
  Réalisant que je n’avais pas d’argent sur moi, je me tournai vers Stanislas.
- Euh … Tu aurais 4$ ?
  Il sortit un billet de sa poche et le tendit à la caissière, toujours estourbie par la dernière attaque qu’elle avait subi.

  Quand nous sortîmes de la boutique, le roi s’inquiéta des désirs de sa prisonnière.
- Tu ne voulais rien d’autre ?
- T’occupe.
  Ma réponse le fit sourire et, profitant de ce qu’il est l’air de bonne humeur, j’osai lui poser la question qui me brûlait les lèvres :
- Pour être accepter à la Rook Guild … ou à la Knight Guild … il faut obligatoirement être beau ?
  Sa première réaction fut d’ouvrir en grand les yeux. Ensuite il éclata de rire.
- Tu m’étonnes qu’Evans te trouve mignonne !
  A l’entente de ce nom, mon cœur fit un bond supplémentaire.
- Co … comment tu sais ça ?
- Son lien avec toi … son lien avec toi Jade. C’est bien l’un des seuls dont je sois sûr !
  Qu’est-ce qu’était encore cette histoire de lien ? Tout devenait trop compliqué pour moi.

"  - Est-ce que tu es une immortelle ? "

 


  Nous roulions tranquillement sur une route perdue au milieu des cactus quand un corps avait été projeté quelques mètres devant nous.
- Freine ! m’écriai-je.
  Quelle ne fut pas surprise de voir qu’il s’agissait d’April, rejointe peu de temps après par Killian. Les deux présentaient de sérieuses blessures pourtant ils se relevèrent en peu de temps. Déboulèrent alors de nulle part …
- Tabatha !
  … et ses cavaliers ! J’étais sauvée !

  Je me tournai vers le siège conducteur, m’attendant à ce que Stanislas réagisse à mon sujet. Toutefois, il restait assis, les yeux fixés sur celle qui lui bloquait le passage.

  Les yeux de Tabatha flamboyaient. Ses splendides yeux émeraude. Elle aussi était tourné vers le roi rook. A ma plus grande surprise, Stanislas descendit du 4x4 sans se préoccuper de moi après avoir murmuré quelques mots que je ne saisis pas. Il se dirigea à grands pas vers la reine adverse.

  Alexandre et Malcolm s’apprêtaient à aller la défendre mais elle leur fit signe de ne pas s’en mêler. La tour et le pion rook était, quant à eux, étendus sur le sol – les cavaliers ne les avaient pas raté.

  Stanislas était à un mètre de Tabatha, l’un et l’autre ne s’était pas lâché des yeux. L’émeraude contre la glace. Les deux s’étiraient le plus qu’ils le pouvaient. La reine levait la tête, le roi la baissait légèrement. Ils étaient de plus en plus proche et, pendant une fraction de seconde on aurait cru qu’ils allaient s’embrasser.

  La tension était palpable. Qu’étaient-ils en train de faire ?

  J’arrêtai de respirer. J’avais la nette impression que les deux auras des deux rois étaient affrontées. Et aussi qu’ils allaient s’embrasser.

  Tabatha attaqua toutefois la première et Stanislas l’évita habilement en sautant. Elle poussa un cri de rage et abattit son poing sur le goudron de la route, qui se fendilla comme sous l’effet d’un séisme. Le roi parut un peu ébranlé, sans doute n’avait-il pas conscience de la force de son adversaire. Il dut comprendre qu’il n’avait pas la moindre chance contre elle car il attrapa Killian et April par le cou et sortit sa porte miniaturisée. Les trois rooks disparurent aussitôt, les bras de Tabatha se refermèrent sur du vide.
- Hé ! Bande de lâches ! s’exclama Malcolm. Revenez !
- Jade !
  Alexandre se précipita jusqu’à la voiture et ouvrit la portière arrière. Il m’en extirpa sans que je lui ais demandé de le faire et me prit dans ses bras.
- Oh Jade ! On a pensé qu’ils allaient te tuer …, renifla-t-il d’une voix faussement soulagée.
  Je me débattis et il me relâcha en riant.
- Tss … je n’y crois pas ! Ils se sont échappés !
  Tabatha était furax mais elle daigna se préoccuper de moi.
- Ils ne t’ont rien fait ?
- Non … Ils se sont même bien occupés de moi … Par contre … Stanislas … le roi … il m’a demandé des choses étranges …
  La reine fronça les sourcils.
- Quoi ?
- Il voulait savoir … si … si j’étais immortelle …
  Elle ouvrit grand les yeux et ses sourcils s’étirèrent vers le haut.
- Ca serait pour ça … que la Rook Guild les cherche ? lui demanda Malcolm, inquiet.
- Possible … Il faut absolument que je prévienne Alice.
  Même Alexandre ne rigolait plus.
- Qu’est-ce que c’est les "immortels" ? m’enquis-je auprès du punk.
- C’est … embêtant.
- On remonte en voiture ! ordonna Tabatha. On n’a pas une minute à perdre !
  Malcolm monta sur le siège conducteur, sa reine à côté de lui et je m’installai une fois de plus à l’arrière avec Alexandre.

  Une fois en route et une fois que je fus sûre que Tabatha ne s’occupait plus de moi j’interrogeai à voix basse le cavalier blond.
- Sans blague … c’est quoi les "immortels" ?
- Et bien … c’est compliqué … et embêtant.
- Tu te répètes, notai-je dans une tentative de le faire rire.
  Cela devait néanmoins vraiment l’être – compliqué et embêtant – car il ne souriait toujours pas.
- En fait … parmi les personnes à qui Loreleï à distribuer une partie de ses dons, trois ont été désignées pour traverser les âges et veiller à ce que le pendentif ne se perde pas, m’expliqua-t-il à voix basse.
- Les immortels, conclus-je.
  Alexandre acquiesça.
- Oui. Et eux seuls sauraient à tout instant où se trouve le pendentif de Loreleï. Le problème, c’est qu’ils ont disparu juste après leur nomination. La Knight Guild et la Rook Guild les recherchent aussi activement que le pendentif mais on a autant de pistes que si on cherchait des indices sur le pays imaginaire de Peter Pan.
- Peut-être n’existent ils pas.
- Si. Des documents le prouvent mais … ils ont eu tout le temps de s’organiser pour ne pas être repéré.
- Mais pourquoi la Rook Guild pense-t-elle qu’avec Lilian et Morgan nous serions les trois immortels ?
- Je ne sais pas. Et c’est bien là qu’est notre souci.
  Je méditais à la question et cherchais ce que j’avais bien pu faire pour attirer l’attention de la Rook Guild quand Alexandre m’interrompit.
- Au fait Jade …
- Oui ?
- Quand tu rentreras chez toi … tu risques d’avoir quelques petits ennuis …
- Mes parents ! Vous avez envoyé des knights comme la dernière fois ?
- Euh … non. On n’avait pas le temps. Et … c’est là qu’est le problème.
- Mes parents … m’ont fait porté disparue ?
- Non plus … On a évité ce désastre-la.
- Je ne comprends pas.
- Et bien … on a demandé à Karen d’appeler tes parents pour leur dire que tu dormais chez elle …
- Elle n’a pas accepté ?
- Si, si, si … Le soucis … c’est plutôt … quelle explication on a donné à ton amie pour lui demander de mentir …
  Je le sentais mal. Vraiment, vraiment, très mal.
- Et … qu’est-ce que vous lui avez dit ?
  Le punk déglutit bruyamment.
- Tu ne te fâcheras pas, hein ?
- Qu’est-ce que vous avez dit ?
- Promets que tu ne fâcheras pas !
- Parle !
  Alexandre me lança un regard apeuré.
- J’ai dit que … intimes … ensembles … avec moi …, chuchota-t-il.
- Je n’ai rien compris.
- J’ai dit que nous étions intimes, que l’on sortait ensemble et que tu étais absente parce que tu allais passer la nuit avec moi.
- QUOI ? !
  Tabatha se retourna vers moi, le portable collé à l’oreille.
- Quel est le problème ? s’enquit-elle.
- LE PROBLEME ? ! QUEL EST LE PROBLEME ? ! QUI A EU L’IDEE DE CE PLAN RIDICULE ? !
  La reine knight, qui d’habitude m’intimidait au plus au point, eut l’air étonnée par mes hurlements.
- C’est Alexandre, finit-elle par avouer.
- ALEXANDRE !
- Jade ! C’était le seul moyen …
- LE SEUL MOYEN ? ! C’EST UNE PLAISANTERIE ? ! JE VAIS TE JETER HORS DE LA VOITURE !
- Tabatha ne va pas être d’accord ! se défendit-il.
- Fais ce que tu veux, dit à cet instant la reine. De toute manière il ne mourra pas.
- Quoi ?
  Tabatha poussa un soupir.
- Il est impossible de blesser plus d’une demie seconde Alexandre. Tout d’abord, il ne sent aucune douleur physique.
- … Aucune ?
- Aucune. Ensuite, toutes ses blessures se soignent en … je ne sais pas … moins d’une demie seconde.
  Alexandre bomba le torse.
- Il est également impossible de le transpercer de part en part. S’il se prend une balle de face, elle ne ressortira jamais de l’autre côté. Et pour finir, il peut, simplement en effleurant son adversaire, retourner l’attaque qui lui était destiné, mais attention, seulement les attaques physiques.
- C’est à dire … qu’il afflige à son adversaire les blessures qu’il aurait dû avoir ?
- Tout à fait. Et maintenant faîtes moins de bruit, ce coup de fil est vital.
  Je jetais un regard incendiaire à Alexandre et n’ouvris plus la bouche durant tout le reste du trajet.

 


  Au terme du coup de fil de Tabatha, il me fut annoncé que l’on me déposait immédiatement chez moi et que Malcolm resterait à proximité de ma maison pour veiller à ce qu’il ne m’arrive rien – en fait, à ce qu’on ne m’enlève pas à nouveau. Je demandai néanmoins à ce que, d’abord, on me pose chez Karen. Nous avions à parler.

Je fermai la portière le plus fort que je le pus au nez d’Alexandre et sonnai chez mon amie, en tout cas j’espérais qu’elle l’était toujours. Ce fut Angel qui m’ouvrit.
- Bonjour Angel … je peux voir Karen ?
- Euh … Je ne suis pas sûre qu’elle accepte de te voir …
  Il fit la moue. Je savais à quel point Angel aimait sa sœur, bien qu’il fasse tout pour que l’on se persuade du contraire.
- Je suis là pour clarifier la situation. Karen est là ?
  Il opina d’un hochement de tête.
- Va la chercher. S’il te plaît, ajoutai-je une seconde après.
  Je l’entendis monter les escaliers avec un bruit de pas précipité. Quand j’entendis un pas traînant je commençai à me sentir mal. Karen avait les yeux rouges. Le malentendu risquait d’être plus important que prévu à … éliminer.
- Qu’est-ce que tu veux ? finit-elle par me dire.
- Euh …
  Pas de "Salut", pas de "Bonjour", rien. Non pas que je m’y sois attendu.
- Je … je crois qu’il y a un gros problème.
- Bien sûr que non Jade. Ma meilleure amie fricote avec un mec sans me le dire et m’encourage à aller lui demander de m’accompagner au bal de promo alors qu’elle sait que je me ferais rembarrer puisque c’est elle qui ira avec lui. Tout va bien Jade. Tout va très bien.
- Karen … il s’agit d’une blague. Je ne suis pas avec Alexandre.
  Elle eut un sourire dédaigneux.
- Une blague ?
  " Invente quelque chose, n’importe quoi …"
- Oui. Quelqu’un s’est amusé à appeler des personne qu’il a vu traîner avec Alexandre en se faisant passer pour lui et à leur a raconté n’importe quoi.
  Karen eut l’air interloqué.
- Quoi ?
- Finalement, il a fait une blague à la mauvaise personne, qui l’a raconté à Alexandre. Le plaisantin s’est fait prendre ce matin par Alexandre et a accepté d’avouer à qui il avait fait des sales blagues. Ton nom était dans le lot.
  Je priai intérieurement pour que mon mensonge paraisse crédible et pour avoir eu l’air sincère.
- Alors … c’était rien qu’une blague ?
  Elle inspira profondément puis rabattit ses mains contre sa poitrine.
- Je … je suis tellement soulagée ! s’exclama-t-elle. J’étais persuadée que … tu m’avais trahi … Je suis bête … tu n’aurais jamais fait ça … Oh ! Jade !
  Et bien qu’elle sache que je n’aimais pas les démonstrations d’affection trop marquées elle me prit dans ses bras et me fit un câlin. Je l’entourai à mon tour et réalisai à quel point j’avais eu peur de la perdre. C’était bel et bien ma meilleure amie.
- Tu m’accompagneras au bal de promo ? me demanda-t-elle.
- N’en profite pas.
  Elle sourit.
- Mais … du coup … avec Alexandre ? Tu n’as aucune relation avec lui ?
- C’est juste … un ami. Même pas. Il me trouve drôle.
  Karen rigola.
- Tu n’es pas amoureuse de lui ? me demanda-t-elle.
  Mon cœur se serra dans ma poitrine.
- Absolument pas. Je ne le serais jamais d’ailleurs.
  Je constatai avec surprise à quel point dire ces quelques mots m’écorchait la bouche. Mais Karen comptait plus que moi.
- Je te promets que je ne serais jamais amoureuse de lui.

  Je ne sais pas pourquoi mais, à l’instant même où ma phrase s’acheva, les mots prononcés par Stanislas avant qu’il sorte du 4x4, que je n’avais pas compris sur le coup, résonnèrent dans ma tête.

" - Elle est splendide ! "

Et voilà ... Voilà le dernier chapitre de l'année ! En espérant qu'ils vous plaisent chers et biens aimés lecteurs ! Faîtes-moi part de vos ressentis !
Sur ce, il ne me reste plus qu'à vous sauhaiter un joyeux noël, une bonne année et une bonne santé !!
J'espère toutefois pouvoir publier le 25 Décembre ou le 1er Janvier une petite surprise ... Mais chut !
Bonne fin d'année 2009 !

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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 14:24
chapitre 12 - chambre karen

  Aah … Qu’il était bon d’aimer …

  Je me dépêchai d’imprimer l’une des photos d’Alexandre – prise avec mon portable et à l’aide de Jade – et d’en coller une dans mon agenda et au-dessus de mon bureau. Devais-je en mettre une sur ma table de chevet ?

  J’étais sur le point de trancher sur cette question existentielle quand ma mère m’avait appelé pour manger.
- Alors Karen, tout s’est bien passé aujourd’hui ? me demanda-t-elle alors que j’entamais mes pâtes.
- Oui ! J’ai parlé avec …
- Alexaaaandre … Je t’aaaime tu sais ?
- Angel ! m’exclamai-je. Tais-toi !

  Mon petit frère de neuf ans portait mal son prénom !
- Arrête de m’imiter ! m’écriai-je tandis qu’il continuait.
- Je t’aaaime tellement ! Ô splendide Alexaaandre !
- Angel !
- Qui est cet Alexandre ? s’enquit ma mère, le sourire aux lèvres.
- Le nouvel amoureux de Karen !
- Oh ! C’est vrai ?

  Je me ratatinai sur ma chaise et continuai à engloutir mes pâtes.
- Oui …, murmurai-je le plus bas que je pus.
- Et elle l’aaaime ! continua mon petit frère.
- Ta gueule Angel !
- Karen ! me reprit ma mère. C’est ton frère ! Et je t’interdis de parler de manière aussi vulgaire !

  Je grommelai, finis mon assiette et débarrassai mon couvert.
- Le bal se rapproche Karen, m’avertit ma mère. Il va falloir que tu me dises si tu y vas ou pas pour qu’on puisse s’organiser.
- J’irai ! affirmai-je.
- Avec Ale …, commença Angel.
- Tais-toi !
- Tu ne voulais pas y aller avec Darryl Foster ? m’interrogea ma mère.
- J’ai changé d’avis. Je vais voir si … Alexandre est disponible.
- Et s’il ne peut pas ?
- Dans ce cas, je demanderai à Darryl.


  Je finis de me sécher les cheveux puis m’appliquai un produit afin de les faire briller. Je mesurai ensuite leur longueur – pour la coiffure que je voulais avoir pour le bal, il fallait qu’ils soient un poil plus long et ils ne poussaient pas assez vite à mon goût. Revenue dans ma chambre, je m’étendis sur mon lit et consultai une énième fois mes magazines. Comme l’avait fait remarqué ma mère, il était temps que je me préoccupe sérieusement du bal. Et je devais préparer un discours susceptible de pousser Jade à m’accompagner.

  Jade. Ma meilleure amie. Je ne la remercierai jamais assez pour m’avoir permis un premier contact avec Alexandre.

  Alexandre … Je me sentis rougir en repensant au sourire qu’il m’avait adressé quelques heures plus tôt. Et encore avant il m’avait fait signe ! Enfin … cela devait être à moi. A moins qu’il n’ait salué un ami à lui qui se trouvait derrière moi. Oui, ça devait être ça.

  A ce moment, mon téléphone sonna. Je jetai un coup d’œil à l’émetteur – correspondant inconnu. Intriguée, je décrochai.
- Allô ?
- Karen ?

  Mon cœur fit plusieurs bonds.
- A … Alexandre ?
- Lui même.
  Ce n’était pas possible !
- Que … Que me veux-tu ?
- Et bien … j’aurai un service à te demander.
- Tout ce que tu veux !

  Je l’imaginai, souriant à ma réponse un peu trop précipitée.
- Vois-tu … Jade et moi … avons des projets ce soir.

  Quoi ?
- Quelles sortes de … projets ?
- Du genre … intimes.
  Mon cœur se serra.
- Vous … sortez ensemble ?
- Euh … Attends deux secondes …

  Je l’entendis rabattre sa main sur le téléphone, de manière à ce que je n’entende pas.
- On sort ensemble ou pas ? l’entendis-je demander.
- On va dire que oui, répondit une voix féminine, sans doute celle de Jade.
- Oui, on est ensemble, reprit Alexandre.

  Je tâchai de conserver une voix neutre tandis que je lui disais :
- Je n’étais pas au courant …
- C’est très récent … Jade ne devait pas savoir comment te l’annoncer.
- Sans doute … Comment puis-je t’aider ? lui demanda-je, la mort dans l’âme.
- Pourrais-tu couvrir nos projets s’il te plaît ?
- Comment ça ?
- Peux-tu appeler ses parents afin de leur dire que Jade dort chez toi pour … au moins jusqu’à demain ?
- Vous comptez rester ensemble tout le week-end ?
- Ce … ce n’est pas encore sûr. Peux-tu faire ça Karen ? Pour moi.
- Bien .. bien sûr.
- Je te suis infiniment reconnaissant. Merci.
- De rien. Sur ce … je dois te laisser … ma mère m’appelle.
- Très bien. A bientôt !
- Salut …

  La communication se coupa et je plongeai la tête dans mon oreiller pour étouffer mes sanglots.

  Je n’avais pas remarqué mon petit frère, debout sur le pas de la porte. Il s’approcha de moi à pas feutrés et m’entoura de ses bras, rassurant.
- C’était Alexandre ? s’enquit-il.
- Bouhouhou …
  Sans doute devait-il être désarçonné par ma réaction – ce n’était pas souvent que je pleurais devant lui.
- T’inquiète pas Karen … Les hommes sont tous des monstres.
- Laisse-moi tranquiiiille …

  Il sortit de la pièce et ferma sans bruit la porte.

  
  Pour la première fois, je ressentais la douleur d’être trahie. Et j’ajoutai à mon compteur un nouveau chagrin d’amour.

Lexique :
Angel : en anglais, cela signifie "ange".

Voilà le chapitre douze ... En réalité il s'agit plutôt d'un interlude pour expliquer comment l'absence de Jade va passer inaperçue.
A vos claviers !

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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 19:37
chapitre-11-tour-denver.jpg  

  Je passai une écharpe chaude autour de mon cou et sortis de la maison. Comme je l’avais deviné, il faisait plus froid que les jours précédents. Je dégageai ma bouche et soufflai, rien que pour le plaisir de voir s’échapper la buée blanche.

  En passant devant l’arrêt de bus, je fus tentée de l’emprunter pour pouvoir être au chaud mais au dernier moment, j’abandonnai cette idée – la planète ne s’en porterait que mieux.
- Jade ! Jade, Jade, Jade !

  Qu’avait bien à me dire Karen qui pouvait nécessité qu’elle soit avant moi au lycée ?
- Tu sais, ton bouquin des rêves …, commença-t-elle.
- Quoi ?
- Tu te rappelles qu’il y a quelques jours tu t’étais amusée à me lire l’avenir avec ?
- Oui.
- Tu te souviens de ce qu’il m’avait prédit ?
- Non.
- Que si je me lançais je réussirai.
- Aah … Oui, effectivement, je m’en rappelle.
- Et bien cette nuit, j’ai rêvé de …

  Elle s’empourpra aussitôt, réussissant ainsi à éveiller ma curiosité.
- De quoi ? insistai-je.
- Tu vas te moquer de moi …
- Allez, dis-moi tout. Tu sais que je n’aime pas le suspens !

  Karen inspira un grand coup et vida son sac :
- D’Alexandre Evans !

  Malgré moi, je sentis ma bouche méchamment déviée vers le bas. Moi aussi j’avais rêvé de lui cette nuit. Enfin, cauchemarder.
- Ca ne va pas ? s’inquiéta mon amie.
- Si, si ! Et donc … Quel rapport entre la prédiction et Alex … andre ?

  J’avais failli l’appeler par son surnom – à force d’entendre tout le monde l’appeler comme ça – et cela aurait marqué une certaine marque de proximité entre nous. Et ça, il en était hors de question.
- Tu sais, je voulais inviter Darryl Foster, enfin, j’aurai voulu qu’il m’invite au bal de promo mais … finalement, je crois que je vais demander à Alexandre.
- Tu plaisantes ? m’écriai-je sans le vouloir.
- Je sais, je sais … je devrais attendre que ce soit lui qui le fasse mais … il ne me connaît même pas ! Il ne pensera jamais à m’inviter ! Et puis, ça fait fille indépendante et intrépide, ça devrait lui plaire, non ?
- Pourquoi donc ?
- Ben … Tabatha est un peu dans ce style-la alors …

  Pauvre Karen. Si elle savait.
- Ils ont l’air d’être juste amis, tentai-je.
- Moui … Peut-être mais … non. T’as vu l’impression qu’ils donnent quand ils sont ensembles ?

  Dans leur jargon, ça s’appellait " relation de reine à cavalier ". Mais impossible de le lui dire.
- Et s’il ne veut pas y aller avec toi ?

  A la moue peinée et surprise de Karen, j’en déduisis qu’elle n’avait pas tout à fait envisager cette possibilité.
- Ben … Je demanderai à Darryl Foster.

  Darryl Foster le bouche-trou. Pas sûr qu’il apprécie.

  
  Je m’assis à ma place habituelle, à côté de mon amie, et plongeai dans un long monologue silencieux.

  Alexandre Evans.

  Le punk à l’âme de gosse qui avait voulu m’embrasser la veille. Je resserrai ma prise autour de mon stylo tandis que la scène repassait dans ma tête, ce qui me fit soupirer.
- Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Karen.
- Rien. C’est rien du tout.

  Je tentai de me reconcentrer sur ce que disait le prof mais n’y parvins pas et abandonnai. Ce sale type m’avait, sans le vouloir cette fois, foutu en l’air ma journée.

  J’avais failli mourir par crise cardiaque deux fois la veille. La première fois quand il avait eu l’excellente idée de se désaper, la deuxième quand il avait marqué le vif besoin de se faire rencontrer nos lèvres. A ces deux moments, j’avais bien cru que mon cœur allait me lâcher.
- Tu es sûre que ça va Jade ?

  Surprise par la voix de Karen qui me tirait de mes pensées, je me tournai vers elle.
- Oui, pourquoi ?
- Tu es rouge, tu n’aurais pas de la fièvre ?
- Non, ne t’inquiète pas.

  Je lui adressai un sourire que je voulais convaincant.

  " Saleté de punk ", maugréai-je intérieurement.

  
  Je me dépêchai d’enfiler ma tenue de sport puis attendis tranquillement Karen, que ses bavardages incessants ne faisaient pas avancer. Quand nous sortîmes enfin du vestiaire et que nous entrâmes à proprement parler dans le gymnase je crus me liquéfier sur place. Alexandre – et Malcolm – étaient là. Et malheureusement pour moi, il remarqua ma présence alors que j'aurai voulu passer inaperçue. Coup de chance, il ne m’adressa qu’un bref signe de la main dont personne ne parut s’apercevoir.
- T’as vu ? chuchota Karen. Je crois qu’Alexandre m’a fait un signe de la main !

  Rectification : presque personne.

  Je constatai au bout de quelques coups d’œil que contrairement à leur reine, les deux cavaliers s’étaient bien intégrés et étaient entourés de pas mal de monde – sûrement des gens qui partageaient leurs cours –, garçons et filles confondues. A la vue de ces dernières je ne pus réprimer un petit pincement au cœur que je tâchai d’ignorer. De plus, le fourbe avait revêtu un short laissant à nu ses jambes, fines et musclées, qui n’était pas sans conséquence sur le fort taux de présence féminine autour de lui.
- Le port de bijoux n’ait pas autorisé en cours d’éducation physique, lui rappela un prof de sport qui passait à proximité en fixant ses oreilles.

  Alexandre se mit à tripoter nerveusement ses différentes paires de boucles d’oreille avant de se décider à les enlever.
- Jade ! m’appela alors mon amie en me donnant un coup de coude. C’est super ! Tous les élèves qui sont là vont faire sport ensemble !

  Non. Ce n’était pas possible. Un tel niveau de poisse ne pouvait être que si la divinité quelconque qui siégeait quelque part sur son trône divin m’en voulait.

  Les profs de sport nous firent signe, à nous élèves, de nous taire afin d’entendre les consignes : six équipes allaient être constitué et réparti sur les six terrains de volley-ball.
- Des volontaires pour être capitaine d’équipe ? demanda l’un des profs.
- Moi ! Moi, moi, moi ! s’exclama Alexandre au milieu de l’hilarité générale.

  Quand les six capitaines d’équipe furent désignés – il s’agissait principalement de garçons – ils commencèrent à appeler les membres de leur équipe. Je sursautai à l’entente de mon nom.
- Jade Takano !

  Evidemment, il fallait que ce soit lui qui m’appelle. Dès ce soir, je me faisais exorciser.
- Alors, contente d’être dans mon équipe ? s’enquit-il quand je l’eus rejoint.
- Pas plus que ça, grognai-je.

  Il éclata de rire.

- En tout cas, on a un objectif, me confia-t-il en attendant son tour pour désigner un nouveau joueur.
- Lequel ?
- Battre Malcolm ! Si je ne gagne pas j’en attendrai parler pendant les dix prochaines années !
- Mais si tu gagnes ça sera lui qui en entendra parler pour la prochaine décennie.
- Tu n’as pas tort.
  Je poussai un soupir, plus amusée que je n’aurai voulu l’être en sa compagnie suite à sa tentative d’embrassade. Heureusement que Tabatha avait été là !
- Zack Bell ! appela de nouveau le punk à tête blonde.

  Je tiquai et me recroquevillai, souhaitant devenir invisible. Zack échangea avec un Alexandre une tape virile puis se rendit compte de ma présence et de ma faible tentative pour me fondre dans le paysage. Un sourire moqueur éclaira son visage.
- Jade … Ca faisait longtemps.

  Je ne répondis rien, trop gênée, ce qui le fit rire, moqueur.
- Je ne savais pas que tu étais amie avec Evans, nota-t-il.
- Je … je ne suis pas vraiment amie avec lui …, bafouillai-je.
- Ah ouais ? D’où qu’il connaît ton nom alors ? Il t’a appelé " Jade Takano " ! Ca aurait déjà été miraculeux qu’il connaisse ton nom ou ton prénom mais là, les deux !

  Si mon cœur était destiné à me lâcher, autant que ce soit maintenant. Ma gêne parut plaire à Zack.
- Bah ! Il aura vu ta tête et ton nom sur une poubelle, ne t’inquiète pas.

  Je serrai les poings, blessée.
- Toi, c’est sûr qu’il aura vu ta sale tête et ton nom gravé sur la cuvette des WC.

Je tressaillis. C’était Tabatha ! Et elle ne semblait pas être dans ses meilleurs jours étant donné les imposantes cernes qu’elle avait sous les yeux. Mais ça, Zack le comprit aussi.
- Si j’étais toi, je déguerpirai rapidement, lui conseilla-t-elle avec une de ses esquisses de sourire qui la rendait plus menaçante que quand elle gardait un air impassible.

  Sans demander son reste, Zack tourna les talons et la reine pesta.
- Tss … Je déteste les types dans son genre …
- Tabatha … Merci …, chuchotai-je.

  Elle parut surprise mais reprit aussitôt sa mine renfrognée. Je remarquai qu’elle n’était pas en tenue de sport – que faisait-elle au gymnase ?
- Tu peux aller chercher Alex ? me pria-t-elle soudain.
- Euh … Bien sûr.

  Je trottinai jusqu’à lui et lui désignai Tabatha du doigt. Il se déplaça tandis que je me contentai de l’observer de loin. Bien que je fus trop éloignée pour entendre ce qu’ils se disaient, la reine parut parler plutôt sèchement à Alexandre puis, comme pour conclure ses paroles, me jeta un regard plein de sous-entendu, bien que je ne sus déterminer s’il s’adressait vraiment à moi ou si ses yeux s’étaient posés sur moi par hasard. Tabatha repartit néanmoins aussi vite qu’elle était venue et Alexandre se dirigea vers son équipe.

  
  Le punk avait une manière bien particulière de jouer au volley-ball. Si les majorités des mortels considéraient que c’était un jeu d’équipe, collectif … lui non. Il courrait sur tout le terrain et renvoyait la balle avec une puissance digne d’une personne qui en aurait fait dès son plus jeune âge en club. Autant dire que nos adversaires ne pouvaient pas grand chose. Si mes coéquipiers avaient d’abord protesté, après avoir constaté l’étrange efficacité de la tactique ils se contentaient maintenant de ne pas gêner leur capitaine dans ses déplacements. Quant à moi, mon seul soucis était de ne pas me retrouver à proximité de Zack – chose relativement difficile dans la mesure où nous étions concentré dans un seul terrain de volley. Heureusement pour moi, il s’était mis à l’exact opposé de la parcelle de terrain que je couvrais et ne faisait aucun mouvement laissant deviner qu’il avait l’intention de s’approcher de moi. Toutefois, je craignais qu’il ne veuille régler ses comptes après la dérouillée que lui avait mis Tabatha. Crainte qui se vérifia.

  Je venais d’éviter " Alexandre la tornade " quand Zack avait soudainement voulu couvrir le fond du terrain. Je le regardai discrètement s’approcher, méfiante, et me demandai s’il valait mieux que je m’éloigne ou que je reste là où j’étais, pour défendre le peu de dignité qu’il m’avait laissé au fur et à mesure de ses persécutions. J’optai pour la seconde solution.
- D’abord, c’est Evans qui t’appelle par ton nom complet et ensuite c’est Tabatha Taylor qui vient à ta rescousse et qui discute avec toi …, commença-t-il.

  Je ne répondis rien, ne pouvant pas contrer ses affirmations.
- D’où tu les connais ? poursuivit-il.
- Je … J’ai connu Tabatha à un stage organisé par le lycée … je … je suppose qu’elle a parlé de moi à Alexandre .
- Pourquoi elle aurait fait ça ?
- Mais … je ne sais pas …
- Moi, je crois surtout que tu te payes ma tête.

  Sa voix avait pris des intonations menaçantes et je me raidis encore un peu plus. Le sifflet annonçant la fin du match retentit à cet instant et je m’échappai, rejoignant le reste de l’équipe, certaine que Zack ne s’en prendrait pas à moi en public – les fois où il s’en prenait à moi, nous étions toujours seuls.

  Le match qui suivait était celui contre l’équipe de Malcolm, qui elle aussi n’avait pour le moment perdu aucun de ses matchs. Les deux cavaliers se défièrent du regard et affichaient un sourire moqueur. Aucun des deux n’avait l’intention de laisser la moindre occasion à l’autre de gagner. Je soupirai intérieurement, ce match n’allait pas être de tout repos.

  Devant un adversaire de leur niveau, Alexandre et Malcolm révélaient tout leur potentiel et j’arrêtais rapidement de compter le nombre de joueurs qui se prirent la balle dans la figure, trop occupée moi même à l’éviter. Le terme de ce match cependant fut un splendide égalité, n’accordant ainsi la victoire à aucun des deux cavaliers ce qui, au final, était la seule solution pour éviter à l’un comme à l’autre des années de moqueries.
- Waouh ! Tu as vu comme Alexandre à jouer ! s’extasia Karen alors que nous rangions le matériel. C’est un vrai pro !
- Malcolm aussi à bien jouer, notai-je.
- Oui, oui, aussi mais … Alexandre ! Waouh ! répéta-t-elle.

  Elle était complètement mordue et je devinai que j’allais devoir acheter quantité de paquets de mouchoirs quand ce dernier aurait repoussé ses avances. Mais … s’il ne le faisait pas ? A cette idée, je paniquai un peu mais me reprit vite. Car Karen devrait affronter la terrifiante et resplendissante Tabatha. Et je doutai qu’elle le ferait.

Je décidai de participer au rangement du gymnase jusqu’au bout et laissai mon amie rejoindre le vestiaire, pressée d’en finir avec la tâche accablante que constituait pour elle l’heure de sport.
- Merci encore Jade ! me remercia l’un des profs quand je quittai le gymnase.

  Je lui adressai un petit sourire timide et me dépêchai de regagner le vestiaire. Malencontreusement toutefois, Zack me barrait le passage pour pouvoir le regagner. Sans m’arrêter et croiser son regard, je le dépassai mais il m’agrippa par le bras et me plaqua contre le mur.
- Ecoute-moi bien … chuchota-t-il. A cause de toi, on m’a foutu la honte.

  Hé ! Combien de fois, lui, m’avait-il mis la honte ? Je serrai les poings.
- Je te préviens, tu n’as pas intérêt de parler de ça à Evans ou à Taylor, pigé ?

  Il me scruta de ses yeux, menaçant, s’attendant sans doute à ce que j’approuve. Il pouvait toujours rêvé. Il appliqua sa main sur ma mâchoire et la pressa.
- Tu m’écoutes quand je te parle ? hurla-t-il. Tu M’ECOUTES ?

  Je tentai de lui faire lâcher prise mais n’y parvins pas, il était plus fort que moi sur ce coup-la. Cependant, j’étais furieuse et bien décidée à ne pas me laisser faire – j’avais survécu à des évènements bien pires depuis quelques temps – je lui collai un bon coup de genoux dans les parties.
- Pétasse ! maugréa-t-il après un gémissement.

  Malgré la douleur, il n’avait pas lâcher mon bras.
- Je vais te faire voir moi !

  Alors qu’il s’apprêtait à me gifler, la voix des profs nous parvinrent. S’il ne voulait pas se faire prendre la main dans le sac – ou plutôt sur la joue – il valait mieux qu’il remette ses projets à plus tard.
- Tu paies rien pour attendre, me menaça-t-il.

  Et il partit sans demander son reste.

  Je pus de nouveau respirer et me dépêchai de rejoindre mon vestiaire. Quand j’enlevai mon tee-shirt, je remarquai les bleus que m’avait laissé Zack, et qui me firent l’effet d’un premier acte. Je redoutai le second.
- A ton avis, comment je dois m’y prendre ? J’y vais franco ou est-ce que je la joue mystérieuse et tout, et tout ?
  J’étais en train de deviser avec Karen de la meilleure manière d’inviter Alexandre au bal quand on m’attrapa par derrière.
- Jaade ! Quelle merveilleuse façon tu as de jouer au volley ! Tu m’as scotché !

  Je me retournai immédiatement et m’écriai :
- Alexandre !

  Il afficha un sourire satisfait et se rendit compte de la présence de mon amie, la bouche grande ouverte et rouge comme une pivoine. Cela dû amuser le punk car il lui tendit la main et lui adressa un sourire irrésistible.
- Enchanté, je suis Alexandre Evans.
- Oh ! Euh … Moi c’est … Karen … Karen Parsons et heu … enchanté … aussi, bafouilla-t-elle elle en lui serrant la main.
- Dans ce cas, soyons amis Karen.

  Et hop ! Un nouveau coup de sourire extra brillant. Comme si elle en avait besoin.
- Bien … bien sûr.
- Et je te présente Malcolm Lewis, mon meilleur ami.

  Comme si Karen n’était pas déjà assez sous le choc, Malcolm en remit une couche en lui décochant un sourire ravageur. Non seulement les garçons étaient mignons mais en plus ils le savaient. Ma pauvre amie ne savait plus à quel saint se vouer.
- Vous avez fini votre matinée ? s’informa Alexandre en me regardant de nouveau.
- Oui.
- Vous partez manger ?

  Je le sentais mal. Allait-il nous proposer de manger à sa table avec Malcolm et Tabatha ? Il devina ma méfiance et éclata de rire.
- Oui.
- Bon appétit alors !

  Et ils s’éloignèrent. Karen les couva du regard et Malcolm, qui devait se douter qu’elle le ferait, se retourna et lui fit un clin d’œil. Je crus que mon amie allait tomber dans les vapes.

- Mais d’où tu les connais ? s’enquit-elle quand nous fûmes installées à une table dans le self.
- Ben … Ce sont des amies à Tabatha et comme on a été à un stage ensemble, qui plus est dans la même équipe… Elle a dû leur parler de moi.
- Tu as de ces relations ma vieille ! Tu es amie avec les deux plus beaux garçons du lycée !
- Seulement du lycée ? persiflai-je afin de changer le sujet de conversation.
- Non ! De … de la planète !

  Je levai les yeux au ciel. Je devais néanmoins reconnaître qu’elle n’avait pas tout à fait tort.

  
  " C’est bientôt fini, c’est bientôt fini, c’est bientôt fini … "
  me répétai-je lors de ma dernière heure de cours.

  Driiiiiing !

  Ni une ni deux, je remballai mes affaires et me précipitai hors de ma salle de cours. Ce soir, je devais recevoir un mail d’un de mes cousins canadiens qui m’avait promis de belles photos en pièces jointes et j’avais vraiment hâte de les voir et d’avoir de ses nouvelles. J’étais sur le seuil de l’entrée du lycée quand l’un des garçons de ma classe m’avait apostrophé :
- Hé ! Jade ! Le prof veut te voir !
  Ma déception dû se voir sur mon visage quand je me retournai car il afficha un air désolé.
- Euh … Désolée de t’apporter des … mauvaises … nouvelles …

  Il déglutit bruyamment et se dépêcha de détaler. Pour ma part, je soupirai et remontai avec paresse jusqu’à ma salle de cours.

  J’ouvris la porte et passai ma tête. Personne. J’entrai, regardai autour de moi et levai un sourcil interrogateur. Le prof ne m’avait-il pas attendu ? Je m’apprêtai à sortir de la pièce quand je vis Zack sur le seuil de la porte, l’air mauvais.
- … !

  Mais avant qu’un son ait pu sortir de ma bouche, il referma la porte. Je me précipitai dessus et m’essayai à l’ouvrir mais il ne céda pas. Et pour finir, il me boucla de l’extérieur – j’entendis distinctement le bruit de la clef dans la serrure.
- Zack ! protestai-je. Laisse-moi sortir !

  Je tentai de faire céder la poignée avec la rage du désespoir.
- Zack ! Je veux sortir !
- Mais moi pas. Tu vas gentiment attendre ici.

  Ainsi il ne m’avait pas abandonné à mon sort, j’aurai pensé qu’il se serait dépêcher de filer.
- C’est … c’est toi qui a demandé à Mark de me dire que le prof voulait me parler ?
- C’est évident, non ?

  Je plaignis le pauvre garçon, aussi timide que moi. Il avait dû mourir de peur quand Zack lui avait demandé de lui rendre un " service ".
- Comment je vais sortir ? lui demandai-je.
- Je ne sais pas.
  Décidément … Pourquoi restait-il ici ? Il allait finir par se faire choper ! Je fronçai les sourcils, commençant à trouver son attitude étrange.
  Je me rappelai alors que j’avais mon sac de cours avec moi et, par conséquent, mon portable. Je m’empressai de le chercher dans mon sac puis me souvins que je l’avais laissé dans mon casier parce que, de toute manière, il n’avait plus de batterie.
- Zack …
- Ecoute, si tu ne te tais pas les pions vont finir par rappliquer et toute mon affaire tombera à l’eau.
- Ton affaire ?
- Si ça avait été moi, je t’aurai attendu au coin de ta rue, je t’aurai défoncé et je t’aurai laissé agoniser dans la rue. Par contre ça aurait été moins rentable.

  " Affaire ", " rentable " …
- Quelqu’un t’a demandé de m’enfermer ?
- De t’immobiliser, rectifia-t-il. Un peu à l’écart .
- Qui ?
- Je sais pas. C’est pas un type du bahut.

  Quoi ? Qui pouvait bien m’en vouloir en dehors de l’école ? Mon cœur se serra quand je me rappelai les paroles de Tabatha.

" Il faut que vous sachiez que la Rook Guild en a après vous. "

- Zack ! Il faut que tu me laisses partir ! C’est … c’est dangereux !
- Pour toi. Pour moi, c’est tout bénef’.
- Il faut que je parte ! … De toute manière, les femmes de ménage vont finir par venir.
- Il ne va plus tarder.

  Bon, mon gardien n’avait pas l’air de vouloir coopérer. Il fallait que je me débrouille seule. Je m’approchai de la fenêtre mais, malheureusement, nous nous trouvions au deuxième étage et il n’y avait pas un arbre dont j’aurai pu m’aider pour descendre.

  " Réfléchis, réfléchis … "

  Il ne me restait plus qu’à briser une vitre. Je m’emparai d’une chaise et j’allais la faire passer par la fenêtre quand une voix retentit dans mon dos. Une voix charmeuse aux accents hypnotiques. La peur me fit lâcher ma chaise et je me retournai.

  Le roi rook de la dernière fois. Stanislas.

  J’avais beau ne l’avoir vu qu’une seule fois, de dos, je le reconnus instantanément.

  Plutôt grand, mince, les cheveux châtains et court, un visage à tomber, il n’avait strictement rien à envier aux cavaliers knights de ma connaissance. Au moins aussi séduisant qu’eux. Les mains dans les poches de son jean il avait l’air on ne peut plus nonchalant mais il dégageait quelque chose de mystérieux et … d’inquiétant. Ses yeux bleus y étaient sans doute pour quelque chose. Je ne sus d’abord pas dire pourquoi mais je compris vite. De la glace. Ses yeux étaient en réalité de glace, pas à cause de leur couleur mais de leur consistance. En un certain sens, il me rappelait Tabatha. Elle avait les yeux aussi durs que de la pierre, à l’image de ses yeux émeraudes, il avait les yeux froids comme la calotte glaciaire.
- Jade … Takano, si je me souviens pas. Cela fait un moment que nous ne sommes pas vu… Te souviens-tu seulement de moi ?

  Aucun risque que je l’oublis. Sa bouche se tordit en un sourire en coin affreusement séduisant et il rit doucement.
- Je dirai que oui, poursuivit-il.
- Qu … Qu’est-ce que vous me voulez ? finis-je par articuler, la gorge serrée.

  Il ouvrit grand les yeux, surpris.
- Tu me vouvoies ? Ah … Tu veux dire moi … et la Rook Guild ?

  Je me tendis encore plus et il parut le remarquer. Il rit encore une fois, tout aussi doucement.
- Calme-toi, je ne te veux aucun mal.

  Comme si j’allais le croire ! A croire qu’il lisait dans mes pensées, il ajouta :
- Je te le jure. Tu es bien trop … précieuse.

  Il avança d’un pas et je distinguai derrière lui, sur le pas de la porte, le corps inanimé de Zack.
- Vous … Tu l’as tué ?
- Non. J’ai ordre de ne pas laisser de trace pour une fois.

  " Pour une fois " …
- Si tu fais bien tout ce que je te dis, crois-moi, il ne t’arrivera rien de fâcheux.

  Il fit un nouveau pas.
- Ne t’approche pas …, chuchotai-je, apeurée et la bouche sèche.

  Il s’approcha de nouveau et je me détournai aussitôt de sa trajectoire. Etrangement, ça ne parut pas le déranger outre mesure. Il se contenta d’ouvrir l’une des fenêtres et de se pencher.
- Killian ! appela-t-il.

  C’était le nom de sa tour ! Je n’étais pas décidée à me laisser faire comme ça. Sans réfléchir, sans même penser qu’il n’aurait aucun mal à me rattraper, je courrais vers la sortie, où on m’attendait.

  J’avais à peine fait un pas à l’extérieur de la salle que l’on m’avait attrapé par derrière et plaqué une main sur ma bouche. Sans le voir, je compris qu’il s’agissait de Killian. Je me débattis mais c’était comme si … c’était le mur qui me retenait.
- Hmmmh ! protestai-je.

  Stanislas sortit de la pièce à son tour.
- Joli coup Killian ! On n’y va.
  Il s’éloigna élégamment et, soudainement, la texture des bras qui m’enveloppait changea. Je n’avais plus l’impression d’être retenu par des bras de plâtres mais bien de chairs.

"  Serait-ce … lié à son don ? " me demandai-je pendant une demie seconde.

  Killian suivit son roi, laissant Zack à terre.
- Ne traîne pas Killian, le pria Stanislas. Les caméras de surveillance ne vont pas être interrompu éternellement … et la patience d’April non plus.
- Hé ho ! Si tu n’es pas content, tu n’as qu’à la prendre toi ! Elle se débat comme si sa vie en dépendait !

  Parce que ce n’était pas le cas ? On nageait en plein délire !
- Je n’ai pas dit que je n’étais pas satisfait. C’était une simple constatation.
- Une constatation, une constatation …, grommela la tour. Je t’en mettrais moi, des constatations …

  Plutôt que de maugréer, ils auraient mieux fait de se poser des questions. Comment espéraient-ils me faire sortir du lycée sans que personne ne s’en aperçoive ? C’était impossible !

  J’obtins vite une réponse quand, après avoir crocheté la serrure, ils pénétrèrent dans un placard où les femmes de ménage rangeaient leur matériel. Ils refermèrent prestement le cagibi et Stanislas sortit quelque chose de ses poches, dans le noir je ne pus pas voir de quoi il s’agissait. Toujours est-il que l’instant d’après, nous nous trouvions à l’extérieur, à l’une des sorties du lycée, vide, et où patientait une limousine noire.

  Je tentai de me dégager avec plus de vigueur qu’avant, sachant pertinemment qu’il ne fallait pas que je monte dans le véhicule si je voulais espérer recevoir une assistance quelconque. Je soulevai mes genoux et calai mes pieds contre la portière, de sorte qu’il était impossible de l’ouvrir.
- Hé ! Arrête de faire n’importe quoi ! me réprimanda la tour. Tu es déjà suffisamment pénible !
- Pff … Ecarte-toi Killian, lui ordonna le roi.

  Mes pieds quittèrent la portière, que Stanislas ouvrit, et Killian me jeta tel un sac de patates à l’intérieur, sur les banquettes en cuir.
- Au secours ! hurlai-je, profitant de ce que la portière ne fut pas encore fermée. A l’ai … !

  Trop tard !
- Vous savez combien de temps vous êtes partis ? cria une voix perçante. Cinq minutes et trente secondes ! Vous aviez dit cinq minutes !

  Je remarquai alors la présence d’April, juste à côté de moi. La dernière fois que nous nous étions vues, enfin, la dernière fois qu’elle m’avait kidnappé, il faisait nuit et je n’avais pas eu l’occasion la voir en détails.

  Elle avait un visage fin, une peau rose pâle, des yeux d’un bleu profond cernés de longs et épais cils noirs et de longs cheveux blonds qu’elle avait séparé en deux couettes qui descendaient jusqu’en haut de ses coudes. Sa tenue était plutôt inhabituelle et me faisait penser à certaines filles de mangas avec sa robe de gothic lolita.
- Qu’est-ce que vous avez foutu ? continua-t-elle.
- C’est Stanislas …, assura Killian. Il s’est encore amusé …
- Arrête de critiquer Stanislas ! rétorqua April. Je suis sûre que c’est de ta faute !

  Stanislas poussa alors un profond soupir. Sans doute devait-il avoir l’habitude de ces longues disputes.
- John … Conduisez-nous à l’adresse que je vous ais indiqué tout à l’heure.
- Bien monsieur.

  Je tentai d’ouvrir la portière mais, évidemment, on l’avait bloqué.
- Raté ! se moqua Stanislas.

  Je lui adressai un regard que je voulais furieux et il rigola.
- Qu’est-ce que vous me voulez ? demandai-je. Je veux partir !  

  J’aurai tout aussi bien pu être invisible. April et Killian continuaient leurs jérémiades et le roi rook semblait perdu dans ses pensées.
- Je veux rentrer chez moi !
- Ta gueule ! me lança April entre deux insultes à la tour.

  Sa réaction me raidit mais je n’allais pas gentiment m’arrêter.
- Tabatha et ses cavaliers vont venir ! assurai-je.

  Mais, déjà, plus personne ne m’écoutait.

  
  Je ne sus dire combien de temps la voiture resta immobilisée devant l’un des buildings de Denver, assez longtemps pour que la nuit tombe. Ma mère était partie avec ma sœur pour lui acheter de nouveaux vêtements à sa taille et mon frère devait aller jouer aux jeux vidéos chez un copain. Personne n’allait s’apercevoir de mon absence. J’espérais juste que mon père ne tarderait pas à rentrer de son travail.

  Stanislas s’étira.
- Je vais y aller, il fait suffisamment sombre maintenant, annonça-t-il.
- Je te suis, poursuivit sa tour.
- N’oublie pas de rester à distance.
- Je viens avec …
- Non ! lancèrent les garçons à la requête inachevée d’April.
- Et pourquoi ?
- La dernière fois que je t’ai autorisé à venir avec nous, lui expliqua Stanislas, tu as persuadé Killian de t’aider à capturer les filles alors que l’on devait juste les observer. Contente-toi d’attendre l’hilico.

  La jeune fille lança un juron silencieux et rabattit les bras sur son poitrine. Elle boudait.

  Je sursautai lorsque Stanislas m’attrapa par le bras tandis qu’il tirait de sa poche de pantalon un miroir. Il déposa son pouce à sa surface et, l’instant d’après, j’étais au sommet du – je venais de m’en rendre compte – plus haut immeuble de la ville.
- Alors, belle vue ? plaisanta le roi rook.
- Que … Comment … ?
- Une porte miniaturisée. Une porte est …
- Je sais ce qu’est une porte, rétorquai-je. On me l’a expliqué.

  Le jour où Alexandre avait improvisé un strip-tease. Aucun risque que j’oublie.
- Maintenant que nous sommes seuls, j’ai une question à te poser.

  Il attendit que je réagisse mais j’étais plus occupée à me demander si j’arriverai à le pousser et le faire dégringoler du toit.
- Est-ce que tu es une immortelle ?
- Une quoi ?

  Une immortelle ?
- Enfin … je me doute que si tu en fais partis, toi et tes deux camarades, tu ne me le diras pas mais … je n’ai pas pu m’empêcher de te poser la question.
- Je ne suis pas immortelle. Si je tombe de ce toit, je m’écrase et je meurs.
- Et alors ? A la Rook Guild, on suppose que, si vous ne vous êtes pas fait repérer jusque là, c’est parce que vous pouvez mourir mais que vous vous réincarnez par la suite.
- Mais pour quelles raisons serai-je immortelle ?

  Une bourrasque de vent me frigorifia et fit voler mes cheveux. Au même moment, Stanislas évita une balle d’un coup de rein.

" Tabatha ! "

- Tes amis sont venus te chercher, ricana le roi.
- Et … Et ils vont te mettre la raclée de ta vie ! le menaçai-je.

  Il éclata de rire.
- J’en doute !

  Et sur ce, il me prit par la taille et me colla contre lui.
- Hé ! Non !

  Il se rapprocha dangereusement du bord – un pas de plus et nous tombions dans le vide. Et il fit un pas.
- Tu es complètement fou ! On va mou … !

  J’échappai un long hurlement quand le sol se déroba sous mes pieds.

  Je crus que mon cœur allait s’échapper de ma cage thoracique quand soudain, nous repartîmes vers les sommets. J’osai ouvrir un œil et compris que, tel Spider Man, nous nous balancions au bout d’un fil – un câble dans notre version – dont l’extrémité était fixé sur le toit d’un immeuble. Immeuble dont nous n’allions pas tarder à rentrer en collision avec les vitres des bureaux qu’il abritait.
- Stooop ! Stooo… !

  Stanislas nous réceptionna en douceur juste au-dessus d’une vitre et tira sur le câble, qui nous tracta jusqu’au sommet du building.

  Mes jambes me lâchèrent quand il me déposa et je n’arrivai plus à respirer. Je réprimai un haut le cœur tandis que le roi, lui, se tenait bien droit sur ses deux longues jambes. Un autre coup de vent souleva sa chemise et je vis distinctement la tour de laquelle pendait le pendentif de Loreleï et la couronne. Son tatouage.
- Salutations ! lança alors Stanislas.

  Je me tournai en direction de l’immeuble que nous venions de quitter et distinguai les silhouettes de Tabatha et de ses cavaliers.
- Elle est sous la protection de la Knight Guild ! lui apprit Tabatha. Par conséquent, tu me vois obliger de t’infliger la punition appropriée à ton crime.
- Laisse-moi deviner … La mort ? railla le roi. Comme si tu avais besoin d’une raison pour ça ! Je connais ta réputation !

  Malcolm pointa le canon d’un pistolet dans la direction du rook.
- Fuis ! m’ordonna Alexandre de loin.

  Faisant fi de mes tremblements, je me relevai et rejoignis l’escalier de secours, situé à l’opposé du bâtiment. Stanislas ne chercha pas à m’en empêcher et continuait à faire face à l’équipe knight. J’aurai pourtant dû commencer à comprendre qu’il s’agissait de ce genre de personne à ne rien faire au hasard. Killian m’attendait de nouveau.

  Il m’empoigna et siffla. Un hélicoptère surgit de derrière un bâtiment, la portière grande ouverte, April au commande.
- Fais-la monter ! ordonna-t-elle.

  Killian s’exécuta tout de suite et mes protestations ne changèrent pas grand chose. April manœuvra ensuite l’appareil pour qu’il se rende auprès de Stanislas. Je me collai à l’une des vitres et tambourinai de toutes mes forces. Il ne fallait surtout pas que les knights entreprennent de traverser la distance qui séparait les deux bâtiments ! C’était ce que voulait les rooks !

  Malheureusement, Tabatha, Malcolm et Alexandre venaient de fixer l’extrémité de leur câble sur le toit où se tenait Stanislas et ils s’apprêtaient à franchir la distance qui séparait les deux bâtiments. Killian rouvrit la portière de l’hélicoptère, déroula une échelle tout en me maintenant à l’aide d’un seul bras à saine distance.

  Quand l’équipe knight arriva sur le champ de bataille, Stanislas avait déjà monté quelques barreaux et l’engin volant avait pris suffisamment de hauteur – ce qu’il n’avait jamais cessé de faire – pour que mes alliés ne puissent pas espérer s’emparer de l’échelle à leur tour. Et ils ne pouvaient pas faire sauter l’hélicoptère en plein milieu de la ville.

  Le roi, agrippé à l’échelle de fortune, fit un signe de la main à la reine.
- Hasta la vista beauté !

  Malgré la nuit, je distinguai les deux yeux émeraudes de Tabatha et compris le message qu’ils renvoyaient.

 
  Quand elle renverrait Stanislas, elle le tuerait.

  Mais pour le moment, c’était moi qui me trouvait dans une situation délicate.

 
  J’étais entre les mains de la Rook Guild.


Lexique
Gothic lolita :  il s'agit d'une mode vestimentaire japonaise mais aussi une culture qui n'a que de lointains rapports avec la mode gothique occidentale. Ses caractéristiques générales sont les robes et jupes bouffantes, souvent avec une forme en cloche typique, agrémentées de jupons pour leur donner du volume, l'utilisation très courante de la dentelle et la présence d'accessoires comme des " pièces de tête ", des mini-couronnes, des mini-chapeaux, des rubans ou des fleurs artificielles. Les jupes sont généralement portées à la hauteur du genou et on porte soit des bottes élégantes, soit des plates-formes au design féminin, ou encore des souliers à bride.

J'attends vos commentaires ...


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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 15:01
Je ne sais pas si je vous en ai déjà parler mais je participe cette année au concours de nouvelle de l'association (?) Etonnants Voyageurs qui aurait dû être présidé par le regretté Pierre Bottero.
Afin de voir ce que vaut ma nouvelle à vos yeux, je vous la met en Pages annexes - l'un des modules de droite. J'espère que vous me donnerez vos avis et vos remarques pour que je puisse l'améliorer.
Et comme les pages ne peuvent pas être commentés, toutes les remarques devront être postés sur cet article.
Merci d'avance hers lecteurs !
Clo#
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7 décembre 2009 1 07 /12 /décembre /2009 20:44























Prénom et nom : Tabatha Taylor
Âge : 16 ans, née le 12 Juin 1993
Famille : ?
Guilde : Knight Guild  Rang : Reine Don : force herculéenne-attributs animaux (chat)
Caractère : Tabatha doit être le personnage principal le plus acariâtre de l'histoire ! Peu bavarde et mystérieuse, tout est proportionnel à son incroyable beauté ! Si elle s'écoutait, elle massacrerait la Rook Guild à elle toute seule, elle pense que tous les rooks sont des monstres, de toute évidence, elle a un problème avec la Rook Guild. Bien qu'on est révélé l'existence des guildes et des dons, il semble qu'elle cache encore beaucoup de secrets ...
Relations : elle n'aime pas Lilian, Morgan et Jade qu'elle considère comme des boulets. Avec ses cavaliers, Malcolm et Alexandre, elle a un comportement ambiguë, en public elle est plutôt froide avec eux tandis qu'en privé ... Là encore, beaucoup de secrets.

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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 14:51


  La collision entre ma main et sa joue émit un claquement sec.
- Tu es complètement irresponsable ! Tu t’en rends compte ?
  Dommage qu’il ne puisse pas avoir mal car même sans avoir utilisé mon don j’y avais mis toute ma fureur.
- Et toi Malcolm ? Pourquoi tu l’as laissé faire ? POURQUOI ?
- Calme-toi Tabatha.
  Il approcha sa main de mon épaule dans une veine tentative de réconfort.
- NE ME TOUCHE PAS ! Je T’INTERDIS de me toucher !
  Mes cris résonnaient dans la grande maison, les faisant paraître plus importants qu’ils ne l’étaient déjà. Je me remis à fixer Alexandre.
- POURQUOI tu as fait ça ?
  Il grimaça.
- C’est juste pour jouer … C’est un jeu.
- UN JEU ? ! Et comment tu feras si pour elle ce n’en est pas un ? Hein ? Qu’est-ce que tu feras  si un jour elle veut autre chose qu’un JEU entre elle et toi ?
  Alex, qui jusque-là me regardait aussi, détourna son regard et baissa les paupières. Je détestais profondément comment il faisait ça. Parce que j’avais l’impression qu’il me fuyait. Parce qu’inévitablement j’avais l’impression de le revoir quand il était enfant. D’ailleurs c’était exactement ça, il adoptait la tête d’un enfant pris en faute et grondé par sa mère. La culpabilité me prit au dépourvu, comme à chaque fois.
- Alex ?
  Il continuait de regarder dans le vide. Mon cœur commença à se serrer. Il me fuyait.
- Alexandre ?
  Nouvelle grimace. Il me fuyait.
- ALEXANDRE !
  Enfin il reposa son attention sur moi. Je plongeai dans le bleu de ses yeux, une chose qui n’avait pas changé au fil des années et me calmait. Mais les sentiments qu’ils contenaient cette fois-ci ouvrir le passage aux démons qui sommeillaient au fond de moi et que je contenais habituellement.

  Peur.

  Panique.

  Hystérie.

  Je me projetai sur lui, assis sur le canapé, et m’agrippai à sa chemise.
- ALEXANDRE ! ALEXANDRE ! TU N'AS PAS LE DROIT DE PARTIR ! SI TU PARS JE VAIS RESTER TOUTE SEULE ! ALEXANDRE !
  Mes ongles s’incrustaient dans sa chair, malgré l’épaisseur de coton qui les séparaient.
- TU AS PROMIS QUE TU NE ME LAISSERAIS PAS TOUTE SEULE ! TU L’AS PROMIS ! ALEXANDRE ! TU DOIS RESTER AVEC MOI !
  Mes yeux me faisaient mal à force d’être maintenus écarquillés, les siens étaient apeurés.
- Alexandre …, pleurnichai-je. Je … je ne veux pas être toute seule … Reste avec moi …
  Il me prit dans ses bras.
- Mais je ne pars pas Tabatha … Ne t’inquiète pas … Tu vois, je suis avec toi là …
  Il sourit mais ça sonnait faux. Il était aussi triste que tout à l’heure. Néanmoins, j’étais ravie de ses paroles. Je lui souris à mon tour, mes zygomatiques étaient douloureux, n’étant pas habitués à être utilisés. Je passai mes bras autour de son cou et me lovai contre son torse.
- Je t’aime Alexandre … Je t’aime vraiment … Tu le sais ?
- Oui.
- Ca te fait plaisir ?
- Beaucoup.
  Je ronronnai.
- Tu ne me laisseras pas toute seule ?
- Non.
- Jamais ?
- Jamais.
  Toujours contre Alexandre, je me tournai vers Malcolm, qui était resté debout durant toute l’altercation, l’air attristé et stressé. Je lui ouvris en grand mes bras.
- Tu ne vas pas partir non plus Malcolm ?
- Non.
- Alors je suis heureuse.
  Il s’approcha de moi et me prit la main avant de s’asseoir à côté d’Alexandre. Il savait que toutes ces paroles étaient des mensonges, toutefois il fit semblant d’y croire, s’y essaya.

  Mes cavaliers ne pouvaient strictement rien me refuser car ils voulaient que je continue à leur servir mon sourire hypocrite. Notre lien avait beau être unique et nous conférer une puissance hors du commun il était dangereux. Il finirait par nous faire tomber. Il nous entraînerait fatalement avec lui. Et j’en étais parfaitement consciente.

  La personne la plus ignoble de tout ce mélodrame c’était bien moi.

 

  Je me réveillai une heure plus tard. Mes deux cavaliers n’avaient pas bougé, attendant que la crise passe. Je me relevai, honteuse de m’être laissée aller.
- Il faut qu’on se prépare, dans une heure on est parti.
  Ils approuvèrent, malheureux. Mes yeux étaient de nouveau froid et s’ils cédaient au moindre de mes caprices c’était dans l’espoir que je finisse par leur sourire.

  Qui se frotte un jour au soleil voudra le revoir.

 

  J’avais enfilé ma combinaison moulante noir, qui laissait mes jambes et mes bras totalement nus, mes hautes bottes noires et j’avais relevé mes cheveux que je retenais à l’aide d’une broche. Quand je revenais dans le salon, mes cavaliers étaient déjà prêts, seul Alex finissait de lacer une de ses chaussures.
- Quelle heure est-il ?
- Dix heures. Aux Etats-Unis il est du coup un peu plus de deux heures du matin.
- Parfait. Il est temps d’y aller.
  Ils me suivirent jusqu’au portail et nous empruntâmes la porte qui nous ramenait à Denver. La nuit était totalement sombre. J’ouvris une des fenêtres de l’appartement vide et sautai. Comme à chaque fois j’arrivai élégamment sur mes deux jambes, imitée par Alex et Malcolm.
- Alice a bien dit qu’elle t’enverrait la voiture ? s’enquit Alex.
- Tss … Bien sûr.
- Non mais tu es vraiment sûr ?
  Je me retournai vers lui et lui décochai un regard lui conseillant vivement de se taire.
- Oui, j’en suis sûre.
  Comme pour confirmer mes paroles, mon bip sonna.
- Qu’est-ce que tu as demander comme voiture ? me demanda Malcolm alors que nous nous dirigions vers le garage de l’immeuble.
- Une petite merveille. Une Maserati Granturismo 11, noire.
- Tu sais qu’on ne te laissera pas conduire ?
- C’est moi la reine.
- Je ne te fais pas confiance pour les voitures.
- Tss … Est-ce que je vous empêche, moi, de conduire vos voitures ?
  Il fallait que l’on se dépêche de sortir mon nouveau véhicule du garage – nos responsables informatiques ne pouvaient pas se permettre de bloquer la caméra indéfiniment.

 

  Ma Maserati était plus belle que sur le papier glacé mais je n’eus même pas l’occasion de m’approcher du côté conducteur.
- Où on se rend cette fois ? m’interrogea Alex en tripotant les boutons du GPS.
- Alice veut que l’on mette hors service une base rook. Elle m’a dit qu’elle avait déjà enregistré l’adresse et que je n’aurai plus qu’à mettre en route le GPS.
  Il ne perçut même pas ma touche ironique.
- Il y a une base rook aussi près ? s’étonna Malcolm depuis le siège passager quand il découvrit l’adresse.
- Elle doit être récente, poursuivit Alex, je suis sûr qu’elle n’était pas là quand tu t’es installée Tabatha.
- Moi aussi. La Rook Guild a dû trouver quelque chose de très intéressant à proximité, supposai-je.
- Ou alors, elle veut simplement être proche de Denver, c’est la plus grosse ville du secteur, proposa Malcolm.
- Non … J’ai l’impression … qu’elle cherche quelque chose …
- Ou quelqu’un, finit Alex.
  Quelqu’un
- Mais qu’est-ce que peuvent bien avoir ces trois filles ? La Knight Guild a déjà fait des recherches à leur sujet et rien n’en ait ressorti, rappela Malcolm.
- On finira bien par le savoir, tranchai-je. Pour le moment, le plus important c’est de mettre " hors service " la base.
  Je cherchai dans la boîte à gants l’agenda électronique qu’avait dû y glisser Alice et le trouvai immédiatement. J’ouvris la section " Note " et lus les informations que Miss Osborn m’avait fourni sur la base.
- Alors ? s’enquit Alex, les yeux sur la route.
- On avait raison, la base est toute récente et elle date de … de la date du stage ?
- Quoi ? s’écrièrent mes cavaliers.
- Enfin … Pas exactement. Mais elle a commencé à être établi quelques jours après.
- C’est sûr maintenant, ils cherchent un truc, affirma Malcolm. Ou quelqu’un.
  J’opinai d’un mouvement de tête.
- Hum … Vu qu’elle est neuve, toutes les installations de défense ne sont pas installées … mais celles qui le sont sont de plus hautes technologies.
- Comme si ça allait nous poser problème ! s’esclaffa Malcolm.
- Alice veut qu’on aille récupérer un dossier à l’intérieur concernant de nouvelles découvertes d’indices sur le pendentif en Egypte, poursuivis-je.
- Quel est le plan ?
- Basique. Alex, tu vas rentrer dans la base avec moi et toi Malcolm, tu resteras dans la voiture. Par contre, on aura qu’une demie heure pour agir – la base est équipée d’un nouveau système qui détecte les véhicules non référencés par la Rook Guild dans un rayon de plusieurs kilomètres. Une demie heure, c’est le temps qu’il lui faudra pour se rendre compte de l’intrusion et envoyer une équipe sur place. Etant donné que, même toi Malcolm tu ne peux pas viser précisément à une telle distance, on s’approchera autant qu’il est possible de la base sans se faire repérer par les vigiles à terre. Au bout d’une demie heure, Malcolm, tu tires. Et boum.
- Et si vous n’êtes pas sortis avec Alex ?
- On le sera, rétorquai-je. Contente-toi d’appuyer sur la détente.
  Mon ton fut plus cassant que je ne l’aurai voulu.

 

  J’enfournai l’agenda électronique – contenant le plan de la base – et activai le chronomètre de ma montre. Je fis apparaître ma queue et mes oreilles qui me conféraient une agilité, une souplesse et un équilibre plus certains qu’à l’ordinaire.

  Avec Alex, nous bondîmes hors de la Maserati.

  Nous parcourûmes à quatre pattes la distance qui nous séparait d’un pan de mur d’enceinte sans vigile et donnai un coup de poing afin d’en enfoncer un espace suffisamment grand pour que nous puissions y passer. Je creusai de mes mains un tunnel à travers tout le mur et, alors qu’il ne restait plus qu’une infime paroi pour ressortir, vérifiait que personne ne passait à proximité. Ce fut le cas.

  Cinq minutes vingt-sept secondes.
- Que fait-on ? me demanda Alex.
- Tu vois ça ? lui dis-je en lui montrant l’agenda électronique. La Rook Guild a fait ses quartiers sous terre sous forme de tours qui sont reliées entre elle par de nombreux conduits, seul un mètre de chaque tour émerge du sol. Une tour se trouve juste devant nous, on va courir et emprunter les conduits d’aérations, où les alarmes n’ont pas encore été posées.
- Je pourrais passer ?
- Comme moi. A plat ventre.
  Je détruisis le reste de paroi et nous nous précipitâmes vers l’un des sommets de tour émergeants. J’enlevai sans bruit la grille d’aération et m’engouffrai dans le conduit – Alex fut chargé de le remettre en place afin qu’on ne soupçonne pas une intrusion. Au bout de quelques mètres, le conduit plongeait dans le vide. Nous allions devoir sauter. Ce que je fis, les pieds en avant.

  Je me rattrapai à un autre conduit plusieurs dizaines de mètres plus bas et retins mon cavalier lorsqu’il passât à mon niveau. Lorsque nous eûmes avancés suffisamment dans ce conduit pour qu’Alex ne risque plus de tomber, je consultai ma montre et mon agenda.

  Neuf minutes trente neuf secondes.

  Une caméra surveillait le couloir où nous allions déboucher ainsi que d’autres appareils électroniques. Dans ce genre de cas, il n’y avait qu’une seule solution. Couper le jus. J’informai via mail express les informaticiens knight qu’ils avaient deux secondes pour pirater le système de cette base et arrêter le système. Et deux secondes plus tard, toutes les ampoules s’éteignirent. Etant nyctalope par nature, cela ne me posait aucun problème, Alex étant mon cavalier, même dans le noir, il savait où j’étais. Nous sortîmes du conduit.

  Dix minutes quarante deux secondes.

  Nos chaussures étant spécialement conçues pour émettre le moins de bruit possible, nous pûmes courir sans crainte, nous cachant dans des placards d’entretien quand j’entendais des rooks approchés – j’avais ordre d’en tuer le moins possible et pour ça je devais éviter la confrontation malgré les pulsions meurtrières qui me prenaient dès que je les savais proche de moi. Sinon j’aurai liquidé tous les êtres vivants de cette base.

  La lumière finit par revenir au bout de treize minutes dix huit secondes. A treize minutes vingt secondes, les ténèbres étaient de nouveau là.

  Nous finîmes par arriver devant la porte qui m’intéressait, celle qui menait au " coffre fort " de la base. Evidemment, un contrôleur d’empreintes digitales était là, possédant son propre générateur et n’étant pas par conséquent affecter par la panne provisoire de courant. Il allait falloir trouver quelqu’un pour nous l’ouvrir, une mauvaise manœuvre dans la copie d’empreintes digitales pouvant mettre en l’air toute l’opération. C’est à ce moment-là qu’un ingénieur pointa le bout de son nez dans le quartier pour vérifier, justement, le générateur du contrôleur. Sans le moindre état d’âme, je lui brisai la nuque.

  J’appuyai ensuite ses doigts inertes sur le lecteur, puis dévoilai ses yeux pour une vérification de l’iris – chaque iris d’un individu étant unique. Coup de chance pour nous, il était fiché par le lecteur. La porte s’ouvrit.

  Quinze minutes trois secondes.

  Un couloir de dix mètres s’étiraient devant nous, truffés de lasers infrarouges. Pour les désactiver, il aurait fallu un code, que je ne pouvais pas soutirer à un mort. Zut.

  Gracieusement, je m’élançai dans le piège. Pour les passer, il n’y avait qu’une solution, danser. J’évoluai le plus légèrement possible entre les lasers tandis qu’Alexandre montait la garde devant la porte, une fois arrivée au bout je désactiverai les lasers pour qu’il puisse à son tour avancer. Je me félicitai d’avoir retenu mes cheveux avec la broche, une mèche aurait suffi pour activer l’alarme. Tel un courant d’air, j’évitai habilement le moindre faisceau lumineux et rapidement, arrivai au bout du couloir. Alex me rejoignit avec le corps de l’ingénieur, qu’il fallait de nouveau passer à des scanners divers.

  Dix neuf minutes quarante cinq secondes.

  Nous pénétrâmes dans le centre de la base – là où était rangé les dossiers. Alex et moi nous mîmes à la recherche de celui qui nous intéressait.

  Au bout de vingt quatre minutes cinquante et une seconde, Alex le trouva, caché entre deux autres documents. Nous avions juste assez de temps pour sortir du bâtiment. Mon cavalier ne prit même pas la peine de m’entendre le lui dire et repartit en direction de l’entrée du couloir. J’allai faire de même quand un détail attira mon attention.

  " Liste des d… "

  Je m’en emparai.

  " Liste des .… survenus entre 2006 et 2007 "

  Frénétiquement, je l’ouvris et sortis la liste. Du doigt, je fis défiler les noms. Mon cœur s’arrêta de battre quelques secondes quand je le trouvais. Je tapai sur l’agenda électronique son nom.
- Tabatha ! Qu’est-ce que tu fiches ? s’écria Alex, ne se préoccupant plus d’être repéré.
  Je jetai un coup d’œil à ma montre.

  Vingt sept minutes et dix secondes.
- Tss … !
  Je n’avais pas le temps de noter autre chose que son nom et c’est à regret que je laissai le dossier sur place. Mais il fallait que l’on sorte.

  Alors que nous venions de sortir du couloir, la lumière revint. Et l’alarme se déclencha.
- Et merde ! s’énerva Alex.
- Plus le temps de faire dans la dentelle. On prend l’ascenseur, ordonnai-je.

  " Plus vite ! Plus vite ! "
criai-je mentalement à l’ascenseur.

  Vingt huit minutes douze secondes.

  Enfin, nous arrivâmes à la surface. Où nous étions attendus. Mais avant même que les rooks armés n’aient vraiment conscience qu’ils devaient tirer, j’étais déjà monté sur le toit en tirant Alex par le col. Mon cavalier tira alors de sa ceinture l’un des gadgets qu’il avait toujours sur lui. Il pressa un bouton et une ventouse se colla immédiatement en haut du mur d’enceinte. Il me prit par la taille et appuya sur le déclencheur. La ventouse nous appela à elle, nous élevant vers le ciel tandis que mes pieds frôlaient la tête de plusieurs rooks que nous survolâmes.

  Vingt neuf minutes trois secondes.

  Quand nous fûmes collés contre la paroi du mur, j’attrapai à mon tour Alex par la taille et, utilisant mon don, nous fis faire un bond de plusieurs mètres. Nous atterrîmes sur le chemin de ronde des vigiles.
- Tirez ! ordonna l’un deux.
  Avant que les balles puissent me toucher, Alex s’était déjà mis devant moi, me servant de bouclier humain – les rooks ne comprenaient pas pourquoi il ne semblait pas souffrir de leurs attaques.

  Vingt neuf minutes trente six secondes.

  Nous devions attendre que nos adversaires soient à court de munitions pour pouvoir sortir définitivement de la base. Mais ils ne paraissaient pas sur le point d’avoir fini.

  Vingt neuf minutes quarante neuf secondes.

  Malcolm n’allait pas tarder à tirer. Nous devions nous échapper.

  Je remarquai avant mon cavalier la tension des rooks quand ils comprirent qu’ils avaient épuiser leurs réserves de cartouches. Je n’avais pas le droit d’hésiter.

  Vingt neuf minutes cinquante sept secondes.

  Je pris la main d’Alex et sautai le plus haut et le plus loin que je pus.

 

  Il y eut un silence pendant une seconde qui parut être une éternité.

  Puis tout explosa.

  Alex et moi, enlacés, fûmes propulsés par la déflagration de l’explosion.

  Malcolm avait réussi son coup.


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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 18:55

 



  Je passai ma nuit à cauchemarder et me réveillai à plusieurs reprises. Mes rêves étaient toujours semblables.

  Je me trouvais debout sur un plateau d’échec géant, les cases à damiers blancs et noirs semblant s’étirer à l’infini. Sans savoir pourquoi j’avais peur. Puis Tabatha arrivait, vêtue somptueusement – la reine. Elle me fixait des ses yeux émeraudes, froids comme des pierres. Malcolm et Alexandre apparaissaient alors derrière elle, impassibles. La reine s’approchait alors de moi et m’étranglait. Je tentais désespérément d’appeler au secours les cavaliers mais ils ne cessaient de me regarder, sans bouger. Ils assistaient à ma mort et ne tentaient rien pour l’en empêcher. A chaque fois que je semblais en passe de mourir je sortais du cauchemar. Pour y replonger dès que je fermais de nouveau les yeux.

  Ainsi, la nuit fut courte.

  Pourquoi moi ? Je n’avais jamais envier les héros de roman. Je voulais une vie normale. Loin des pendentifs fabuleux et des dons miraculeux. Mes projets d’avenir se résumaient à quatre choses : exercer le métier dont j’avais envie, trouver l’amour de ma vie, l’épouser, avoir des enfants. Mener une vie simple et tranquille en somme.

  Pourquoi moi ?

 


  Une terreur sourde s’empara de moi quand je sortis de l’habitacle de ma voiture pour poser un pied dans l’enceinte du lycée.

" Du calme Morgan "

  Lors du stage, je m’étais habituée à la douleur que me provoquait Tabatha quand j’étais proche d’elle et j’avais réussi, me semblait-il, à ne rien en laisser paraître jusqu’au milieu de la nuit. C’était comme si j’avais entendu des couverts crissés sur une assiette, mais amplifié mille fois. J’avais réveillé Jade et Tabatha m’avait … soigné ? Depuis, je n’avais plus aussi mal en sa présence. Avec Malcolm et Alexandre c’étaient une autre paire de manche, j’en avais fait l’expérience la veille. En plus de la terreur, il y avait les voix. Les voix dans ma tête. Elles me criaient …

  Mon ventre se contracta ainsi que tous les muscles de mon corps. Je n’avais pas été assez vigilante.

" Tue-les ! "

  Les deux cavaliers devaient se trouver dans les parages. Il fallait absolument que je m’éloigne. Vite ! Sans prêter attention aux gens qui me hélaient sur mon passage, je me précipitai aux toilettes. Là-bas, je me sentis un peu mieux et me passai de l’eau sur le visage. La sonnerie retentit pendant ce laps de temps alors que mon premier cours se trouvait à l’exact opposé des cabinets.

- Alors Miss Jones ? Vous daignez nous faire l’honneur de votre présence aujourd’hui ou voulez-vous juste récupérer le vernis à ongle d’une de vos camarades ? persifla Mr Perry, l’une des rares personnes du lycée à ne pas m’apprécier, alors que je m’appliquais durant ses cours.
  En tout cas, les rires fusèrent. Je m’installai à côté de Thalia Graham, autre fille populaire.
- Ben alors Morgan ? T’avais l’intention de sécher les cours et tu t’es ravisé ?
- Même pas ! J’étais en train de redonner une beauté à mon maquillage quand ça a sonné.
- Sacré toi !
  Ha, ha, ha.
- Hier c’était une journée de ouf ! assura-t-elle.
- A qui le dis-tu …, soupirai-je.
  Je réalisai une fois les mots sortis de ma bouche que nous ne devions pas parler de la même chose. Je cherchai aussitôt dans "mes" souvenirs ce qui était susceptible d’intéresser les filles comme elle mais celui qui avait été à ma place c’était surtout beaucoup amusé et profité de son étonnante popularité. Et je ne pouvais pas demander à Thalia ce qu’elle entendait par là puisque j’étais sensée le savoir.
- N’empêche, je me demande ce qu’il lui trouve … Parce que, d’accord, elle est mignonne mais c’est pas une bombe non plus …
  Minute, minute … J’avais déjà entendu ça quelque part.

- Morgan !
  Où donc l’avais-je entendu ?
- Morgan ?
  Où ? Où ?
- Morgan !
- Quoi ? grognai-je, décidée à rétamer le pauvre abruti qui m’appelait.
  Je me statufiai. Plus qu’un "pauvre abruti", c’était Malcolm qui se trouvait face à moi.

" C’est toi ou lui ! Tue-le avant ! "

  Je dus réellement me retenir pour ne pas lui sauter à la gorge, à l’instar de mon rêve. A la place, je bafouillai lamentablement.
- Ah ! Enfin tu daignes me répondre ! s’esclaffa-t-il.
  C’était la deuxième fois aujourd’hui que je "daignais" me comporter normalement avec quelqu’un.
- Euh … J’é-j’étais perdue dans … mes pensées …
- J’avais cru comprendre. Enfin, passons. Il faut absolument que je te vois ce soir.
  Plaît-il ? Venais-je vraiment d’ouïr ce que j’avais ouï ou était-ce la voix ?
- P-p-pourquoi faire ?
  Idiote. Idiote Morgan. Peut-être amusé par ma stupidité, Malcolm sourit.
- Tu es libre ? enchaîna-t-il.
  J’avais donc bien compris. Mais cette constatation me rendit muette. Malcolm, le Malcolm Lewis me demandait si moi j’étais libre.

" Tue-le ! "

  La voix commençait à vraiment devenir insupportable.
- Morgan ?
- Euh … Tu disais ?
- Tu daignerais me faire l’honneur de ta présence ce soir ?
  Encore ce verbe ! Cela eut au moins l’effet de me sortir de mon état second.
- Je ne sais pas …
  Le cavalier se baissa pour arriver à la hauteur de mon visage.
- C’est vraiment important tu sais …
- Et bien … D’accord.
  Je trouverai bien un moyen de faire mes devoirs plus tard.
- Super ! Tu as quelque chose pour noter ?
- Noter quoi ?
- L’adresse.
- Oh ! Oui, oui ! Bien sûr ! Sans aucun doute !
  Fébrilement, je me mis à la recherche d’un quelconque bout de papier et trouvai un crayon.
- Les cours vont bientôt reprendre …, attesta-t-il.
  Sur ce, il s’empara de mon crayon et d’une de mes mains et entreprit d’écrire l’adresse sur ma paume. Je me sentis rougir à vitesse grand V.

" Il faut qu’il meure ! "

" Non ! "

- Et voilà … Viens dès que tu auras fini tes cours, commenta-t-il. Ca ne va pas ? Tu es toute pâle.
- Aah …
- Tu veux que je t’accompagne à l’infirmerie ?
  Bien que l’idée soit alléchante, il ne fallait surtout pas que ce soit lui qui le fasse.
- Non … Elle est juste à côté … Sur ce … j’y vais.
  Ce qui était totalement faux. Je tournai toutefois les talons et me dépêchai de rejoindre l’angle de couloir le plus proche. Quand ce fut fait et que j’eus vérifié que Malcolm ne soit pas sur mes pas, je m’adossai contre le mur et me laissai tomber au sol.. Du moment que je ne me retrouvais pas nez à nez avec l’un des membres de l’équipe knight, tout se passerait bien. Pas comme hier.

" Tu  vas mourir si tu continues comme ça ! Pauvre idiote ! Ne t’avise plus jamais de refaire ça ! "

  La voix gagnait en puissance à chaque parole et rapidement, mua en cet horrible bruit qu’y avait déjà retenti dans ma tête lors du stage. Je pris ma tête entre mes mains afin de comprimer l’ignoble son. Je me mis à pleurer. C’était insupportable ! Que cela s’arrête ! Pitié ! Que cela s’arrête !
- Morgan ? Qu’est-ce qui t’arrives ?
  Anthony ne pouvait pas mieux tomber.

  J’eus soudainement un haut le cœur irrépressible et il sembla comprendre. Il me porta dehors et me posa sur un banc. L’air frais me soulagea et fit passer mon envie de vomir. Quant à la voix, elle fut emportée par un coup de vent.
- Ca va mieux ?
- Oui.
  J’inspirai une nouvelle goulée d’air.
- Ca tombe bien … Enfin pas tant que ça vu la situation mais …, se corrigea-t-il, parce que je voulais te remercier.
  Je me tournai vers lui. Quand donc avais-je aidé Anthony ? La dernière fois que nous nous étions parlé, lors du séjour en forêt, je lui avais hurlé dessus. S’était-il découvert des penchants masochistes grâce à moi ?
- C’est toi qui a dit de Lilian de faire ça ?
- Quoi ?
- Ben … tu sais …
  Je fus prise d’un affreux pressentiment. Mais oui ! La fille mignonne-mais-qu’était-pas-une-bombe-non-plus dont avait parlé Thalia n’était autre que Lilian ! C’était déjà comme ça qu’on l’avait qualifié lors de son passage à l’anniversaire d’Alexia. Anthony ne faisant pas parti de mes soi-disant amis, je pouvais lui poser des questions sans que ça ait la moindre répercussion sur mon image.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? lui demandai-je d’un air innocent.
- Hier … j’étais assis sur ce même banc avec plusieurs de mes amis quand …
- Quand … ?
- Quand Lilian est venue. J’ai été très surpris parce que ça faisait des jours qu’elle ne me parlait plus mais en plus, elle portait une jupe qu’une de ses copines lui avait offert pour un anniversaire et qu’elle n’avait jamais porté parce qu’elle la trouvait trop aguicheuse.
- Bon, bon, et donc ?
- Elle m’a embrassé !
  Mon Dieu ! " Anthony ce n’est pas Lilian qui t’a embrassé ! " aurai-je voulu lui crier.
- Je savais que ça n’apporterait que de la merde tous ces dons …, murmurai-je à la place.
- Quoi ?
- Non, rien. Mais … et pourquoi est-ce que j’aurai demandé à Lilian de t’embrasser ?
- J’ai demandé à sa bande de copine si l’une d’entre elle lui avait conseillé de le faire mais elles semblaient aussi étonnées que moi. Je ne pense pas que ce soit l’asiatique non plus …
- Jade, précisai-je.
- Oui, Jade, ça n’a pas l’air d’être son style. Alors j’ai pensé que cela pouvait peut-être être toi.
- Euh … Lilian n’a pas forcément eu besoin qu’on la conseille, tentai-je.
- C’est quand même bizarre. C’est trop soudain.
  Perspicace qu’il était le Anthony. Sur ce coup-la, c’était surtout plus problématique qu’autre chose. Bah … J’en parlerai à Malcolm quand je le verrais ce soir.

  Hihihi.

  Je fonçai vers ma voiture, bousculant quelques personnes au passage. Je jetai mon sac à l’arrière et m’empressai de démarrer.

  J’aperçus Jade qui rentrait elle aussi chez elle et, sachant qu’elle n’habitait pas très loin du lycée, je pouvais me permettre de la ramener sans retarder mon rendez-vous. J’abaissai la vitre.
- Jade ! Je te ramène chez toi ?
- C’est gentil mais … je ne rentre pas chez moi …
- Tu as rendez-vous ? plaisantai-je.
- Non ! Non ! s’étrangla-t-elle en virant au rouge tomate. C’est … il m’a dit que c’était important ! Je n’y vais pas de mon plein gré !
- Tu … vas chez Malcolm ? l’interrogeai-je en reconnaissant les termes employés par ce dernier.
- Euh … peut-être qu’il sera là mais c’est Alexandre qui m’a invité.
- Il t’a laissé une adresse ?
- Oui.
- Fais voir.
  Tous mes espoirs volaient en éclat. Nous devions nous rendre au même endroit.
- Monte …, soupirai-je, déçue.
- On peut attendre Lilian ? me demanda Jade. Elle aussi a du être invité.
- Bien sûr.
  Tout m’était égal de toute manière. La Terre pouvait bien exploser dans les minutes à venir. C’était même mieux d’une certaine manière.

- C’est ici, indiquai-je.
  Le quartier était convenable avec des immeubles en bon état et des commerces à proximité. Je savais par le bouche à oreille que beaucoup d’étudiants y louaient des studios. Nous descendîmes ensemble de la voiture et nous dirigeâmes à l’adresse qu’on nous avait laissé.
- Quel étage ?
- Le trois, me répondit Lilian.
  J’appuyai sur le bouton correspondant et l’ascenseur s’ébranla avant de commencer à monter.

  Sur la porte de l’appartement 33 était collé un post it.

" Regardez sous le paillasson. N’oubliez pas de fermer la porte. "

  Je déduisis à la vue de la calligraphie que le message devait être de Tabatha, mais n’était-ce pas dangereux de laisser le post it. à la vue de tous ? M’enfin, elle devait avoir une bonne raison. Jade souleva le paillasson, qui cachait une clef. Timidement, elle l’introduisit dans la serrure et tourna la poignée.

  L’appartement était on ne peut plus vide. Vu qu’il n’y avait strictement rien. A part du papier peint et du plancher.
- Tabatha ? criai-je. Alexandre ? … Malcolm ?
  Personne ne me répondit. A quoi bon nous avoir convié chez eux ?
- Passe-moi la clef Jade, lui ordonna Lilian. Tabatha a précisé de " fermer la porte ".
- Autant partir, il n’y a personne, proposai-je.
  Lilian referma la porte.
- A quoi tu t’attendais ? A ce qu’on passe dans un autre monde ? me moquai-je, énervée.
- Je n’ai pas fini.
  Elle réintroduit la clef dans la serrure et la tourna, nous enfermant de l’intérieur.

  Ce qui se passa ensuite, aucun phénomène scientifique ne peut l’expliquer.

  Il était de toute évidence, beaucoup plus tôt. Tôt le matin. Un sentier de gravier s’étirait devant nous, nous conduisant à une vaste demeure toute en brique rouge, avec une véranda métallique imposante. La maison était tout bonnement sublime. Le jardin, ou plutôt le parc étant donné ce que je pouvais apercevoir derrière l’habitation, était très vert, encore humide à cause de la rosée mais n’était pas aussi fourni en plantes que chez Shannon, il y avait juste du gazon, des arbres et des haies de glycines. L’ensemble n’en était pas moins fabuleux.

  Je me retournai, espérant voir la porte que Lilian avait précédemment fermé mais ne vis qu’un grand portail vert de plusieurs mètres de haut.

  Comment pouvait-il être aussi tôt ? Etions-nous seulement toujours aux Etats-Unis ?
- Nous devrions peut-être aller jusqu’à la maison, suggéra Lilian.
  Jade opina de la tête afin de manifester son consentement. Je ne pouvais qu’ouvrir la marche. Je m’élançais sur le chemin qui menait à la villa.

  Devant la porte, je me raidis un peu mais finis par toquer. Aussitôt, un retentissant bruit de pas nous indiqua qu’on venait nous ouvrir. Et à coup sûr ce n’était pas Tabatha, gracile et à la démarche aérienne.

  Alexandre nous ouvrit, l’air ravi.
- Jade ! Quelle surprise ! Je ne pensais pas que tu viendrais ! Bonjour à vous aussi ! nous salua-t-il en se rendant compte de notre présence, à Lilian et moi. Mais ne restez pas sur le pas de la porte !
" Tue-le ! "

  Il nous invitait à entrer, c’est donc sans la moindre hésitation – hormis celle de finir par écouter par les voix – que je franchis le seuil de la magnifique demeure, dont l’intérieur était à la hauteur de mes espérances, voir plus encore. Après la somptueuse véranda, il y avait un petit vestibule – avec des portes manteaux, des placards coulissants et des rangements pour les chaussures – ouvert sur la pièce suivante. Je plaçai ma veste sur un portant tandis que Jade se faisait déshabiller par le punk en protestant. La salle où il nous fit ensuite pénétrer, celle que j’avais aperçu de l’entrée, était le salon, aux dimensions impressionnantes puisqu’il faisait tout le rez-de-chaussée. Le sol était composé de briques et les murs étaient de couleur cuivre. Le mur du fond n’était qu’une baie vitrée donnant sur le parc, un escalier métallique de belle taille aux rambardes ornementées se trouvait au fond à gauche, formant un angle et menant à un couloir découvert qui faisait le tour de la pièce et distribuait plusieurs pièces – le plafond se révélait ainsi haut dans cette salle et je comprenais l’avantage de la baie vitrée qui permettait de l’illuminer en entier. Il y avait un long canapé rouge en velours rouge en angle dans un des coins de la pièce avec devant lui une table basse noire et brillante sur laquelle traînait quelques revues. Entre la table et le sofa se trouvait une lampe de belle taille avec un abat-jour blanc et rond, suspendue depuis le plafond, tout du moins me sembla-t-il car le câble qui devait la retenir me paraissait invisible. Sur un petit meuble en bois sombre se tenait une télévision à écran plat, divers programmes télé y siégeaient. Le long d’un des murs était placée une chaîne hi-fi gigantesque, posée sur une table haute sous laquelle était entreposé un nombre impressionnant de CD. Le long des autres, une petite bibliothèque, des petites tables où étaient exposées quelques babioles – pas de photos comme on en trouvait habituellement. Aux murs, accrochés, une esquisse japonaise représentant en deux coups de pinceaux un paysage, un dessin à l’aquarelle d’une petite fille aux longs cheveux qui nous tournait le dos et écartait les bras vers la lumière de l’arrière plan, une peinture d’un coquelicot, la célèbre photo d’Audrey Hepburn en noir et blanc. Autant de choses qui comblait les vides imposés par les dimensions du salon. J’étais sincèrement impressionnée et je mourrais d’envie d’aller explorer le reste de la maison, telle une gamine – ce que je devais être comparée à Tabatha.

  Alexandre nous proposa quelque chose à boire, je demandais une canette de Coca, et nous nous installâmes sur le canapé. Je l’observais sortir les boissons d’un mini frigo noir calé sous l’escalier et osai lui poser la question qui me tourmentait :
- Malcolm n’est pas là ?
- Pas pour l’instant mais il va arriver. Tabatha ! cria-t-il. Dépêche-toi de descendre ! L’ordinateur ne va s’enfuir sur ses petites pattes !
  Je ne pus réprimer un gloussement.
- Dis Alexandre … Comment on a fait pour arriver ici ? l’interrogea Lilian. On … On était dans l’appartement et … On a été téléporté ?
- Héhéhé ! Presque ! En fait, un don permet de créer des … portes, des passages reliant deux espaces. On appelle les lieux de passage des portes, tout simplement. Certaines nécessitent un rituel particulier – ici, il fallait fermer la porte – et d’autres non. D’autres encore – dont celle-ci – ne peuvent être utilisées que par des personnes hautement sélectionnées.
- Ca doit être un don assez rare, commentai-je.
- Pas du tout ! Il est plutôt répandu ! Je dirai même que …
- Salut tout le monde !
  Malcolm déboula dans la pièce, interrompant le punk.
- Tabatha n’est pas là ?
" Tue-le sombre idiote ! "
- Elle est sur le PC, Alice lui a envoyé un mail.
- Oh !
  Il alla se chercher une boisson, action que je couvais du regard, et était en train de l’ouvrir quand la reine descendit. Je constatais qu’elle s’était changée, arborant maintenant une jupe plissée noire – sa couleur favorite ? – et un pull à manches courtes en cachemire gris.
- Qu’est-ce que te voulait Alice ? lui demanda Malcolm.
- Quelque chose.
  Elle se tourna vers nous. Je rabattis mes mains entre mes cuisses, Lilian sous ses genoux, Jade redressa son dos et je me désintéressai provisoirement du cavalier châtain.
- Bon. Il faut que vous sachiez que la Rook Guild en a après vous.
- Pourquoi ? m’écriai-je malgré moi. Parce qu’on a assisté à la bataille lors de la nuit en forêt ?
- Peut-être. Nous ne savons rien pour le moment.
- Le roi rook a laissé entendre que nous n’étions là que pour être échanger contre la tour et … le pion si la bataille devait mal se passer, intervint Lilian.
- Je crois qu’il l’a inventé. Votre enlèvement devait être la véritable raison de leur présence ici.
- Tu as dis que vous ne saviez rien. Il est possible que le roi est dit la vérité, contrai-je.
- Tss … De toute façon, peu importe. Vous en savez beaucoup trop.
  Je me raidis. Que comptait-on nous faire ?
- Tant que nous n’en savons pas un peu plus sur les projets de la Rook Guild à votre sujet, nous ne pouvons pas trancher les questions qui se posent vous concernant. Par conséquent, vous êtes temporairement sous la protection de la Knight Guild en attendant qu’elle ait pris une décision.
  Le "temporairement" m’inquiétait.
- Il faut que vous appreniez à distinguer un rook d’un knight. Un ennemi d’un allié, poursuivit Tabatha. Pour vous, il n’y a qu’une seule manière de le faire. C’est le tatouage. Vous avez peut-être déjà vu le mien lors du stage.
  J’acquiesçai . La reine se tourna et souleva son pull pour nous laisser le voir.
- Celui-ci indique que la personne que vous avez en face de vous est un roi ou une reine knight, nous expliqua-t-elle. Donc un allié.
  J’opinai d’un mouvement de tête. Tabatha s’empara de photographies posées sur la table basse et nous les tendit.
- Ce tatouage-ci (elle le pointa de son doigt) indique qu’il s’agit d’un cavalier knight.
  Comme sur celui du roi, il y avait une pièce d’échec mais représentant cette fois-ci le cavalier à l’aide d’une tête de cheval, tête à laquelle était accrochée une chaîne où pendait une épée.
- Celui-là que c’est un roi ou reine rook, donc un ennemi.
  Le tatouage rook ressemblait beaucoup à celui d’un knight. A la place d’un roi ou d’un cavalier d’échec, il y avait cette fois une tour avec un pendentif – celui de Loreleï ? – autour du cylindre et une couronne.
- Celui-ci est celui d’une tour.
  Semblable à celui du roi rook il n’y avait pas de couronne en plus du collier.
- Pour finir, à gauche, le tatouage d’un pion knight, à droite celui d’un pion rook.
  Les deux étaient très simples, pour celui de gauche, un K était appliqué, à droite, un R.
- En général, les tatouages se trouvent dans le bas du dos, sur une paume, une omoplate ou au creux d’une cheville. C’est là qu’il faudra voir en priorité s’il y a quelque chose.
  Inconsciemment, je posai mon regard sur Malcolm. Manque de chance, il me regardait aussi. Je rougis aussi vite qu’il était possible de le faire et détournai mes yeux. J’entendis un petit rire provenant d’Alexandre, la scène ne lui avait pas échappé. Mon rythme cardiaque accéléra encore un peu.

  " Morgan ! " me repris-je. " Il n’est pas pour toi ! Il fait parti du surnaturel ! Et tu n’aimes pas le surnaturel. " J’espérais qu’à force de me le répéter mon cœur ralentirait sa course effrénée. " Et puis, que veux-tu qu’il te trouve ? Il passe sa journée à côte de Tabatha. "
- Tout va bien ?
  Sans que je m’en rende compte, le … beau … cavalier s’était approché de moi, agenouillé, et me scrutait maintenant à travers ses cils de manière beaucoup trop irrésistible.
" Tue-le ! "

  Je sursautai. Ce n’était pas le moment de délirer sur les attributs d’un garçon semi-surnaturel.
- Tout va très bien. J’essaye de ne rien oublier de cette histoire de tatouage.
  Il approuva en souriant et se releva.
- Malcolm et Alexandre … Vous êtes tatoués ? leur demanda Lilian, sûrement pour rompre le silence qui s’installait progressivement.
- Qu’est-ce que tu crois ? lui rétorqua Alexandre.
- C’est évident, poursuivit Malcolm, on n’est pas des mauviettes.
- Frimeur ! susurrai-je.
  Il éclata de rire.
- On peut les voir ? les pria Jade.
  Le rire cessa. Les deux cavaliers se regardèrent, amusés, et pouffèrent.
- Tu veux vraiment ? s’enquit le punk.
- Euh … Oui …
- Dans ce cas, il faut de l’ambiance !
  Il trottina jusqu’à la chaîne hi-fi et mit en route un CD. Je reconnus dès les premières notes la chanson du groupe Scorpions " Rhythm of love ". A ce moment, Tabatha poussa un profond soupir et remonta à l’étage d’un pas las.

" Let's spend the night together

    I know you want it too

   The magic of the moment

  Is what I've got for you … "

  Et sans perdre plus de temps, Alexandre déboutonna sa chemise et la laissa tomber au sol – le tout en rythme. Jade se plaqua les mains sur les yeux. Pour ma part, j’étais statufiée. J’arrêtai de respirer quand Malcolm imita son camarade.

  Les deux garçons étaient incroyablement bien foutu. Bien qu’ils soient musclés, ils n’en restaient pas moins fins. Je suivis du regard les lignes saillantes de leurs muscles, hypnotisée. Et la musique qui les accompagnait n’arrangeait rien.

" Let's reach the top together

   One night will never do

   An exploding shot of pleasure

  Is what I've got for you "

  Avait-on juré de me faire mourir le jour même sous le coup d’une forte émotion ?

  Le punk s’approcha doucement de Jade avant de s’abaisser à sa hauteur.
- Jaaade …, souffla-t-il.
- Ne m’approche pas, lui rétorqua-t-elle, toujours cachée derrière ses mains.
- Hum … Je t’ai dit à quel point tu étais mignooonne ce soir ? poursuivit-il.
" The rhythm of love

    Is the game I'm looking for

   The rhythm of love

   Is the heartbeat of my soul … "

Mes yeux s’agrandirent un peu plus au moment où leurs lèvres auraient dû se rencontrer. Et j’ai bien dit "auraient dû". Car Tabatha bondit du premier étage pile au bon moment pour attraper son cavalier par le col et l’éloigner de son innocente victime. Sortie de ma transe, je regardai Malcolm. Cette fois-ci, il ne faisait pas de même, me préférant à Tabatha. Je compris pourquoi – Tabatha était furieuse. Ses yeux émeraudes et les fils électriques qui les parcouraient brillaient plus qu’à l’ordinaire. Ses traits étaient crispés et je remarquai que les muscles de ses bras étaient tendus. Et j’avais une vague connaissance de l’étendue de ses capacités physiques.
- Je crois qu’il est temps pour vous de partir, nous dit-elle sèchement. Nous allons avoir une soirée chargée avec Alex et Malcolm.
  Je quittais la maison sans demander mon reste ni en quoi allait consister leurs occupations de ce soir.

  Lorsque je pris ma douche, une fois rentrée chez moi, je me surpris à repasser dans ma tête tous les souvenirs que j’avais de Malcolm.

  Lorsque je fis mes devoirs, je me surpris à imaginer comment ça serait si je sortais avec lui.

  Lorsque je dînai, je me surpris à me demander comment le trouverait mes parents.

  Lorsque je me couchai, je me surpris à me demander ce qu’en penserait Tabatha.

 


  Le soir, elle m’étranglait dans le même rêve que la nuit précédente. Et Malcolm la regardait faire. Impassible.



Traduction
"Let's spend the night together, I know you want it too, The magic of the moment,

Is what I've got for you …" : "Passons la nuit ensemble, Je sais que tu le veux aussi, La magie de ce moment-là, C'est ce que j'ai à t'offrir " … Il va sans dire que les paroles de cette chanson sont assez … explicites …
" Let's reach the top together , One night will never do, An exploding shot of pleasure, Is what I've got for you..." :

"Atteignons ensemble le sommet ,Une nuit ne suffira jamais, Une explosion de plaisir, C'est ce que j'ai à t'offrir " … Toujours sur le même ton …
" The rhythm of love, Is the game I'm looking for, The rhythm of love, Is the heartbeat of my soul …" :

" Le rythme de l'amour, C'est le jeu que je recherche, Le rythme de l'amour, C'est le battement de cœur de mon âme " … Ca c’est une partie du refrain !

Sincèrement désolée pour l'attente mais j'ai subi un blocage après le mot canapé durant ... une semaine ? Tout ça pour dire que j'ai surpassé mon problème en une soirée ! Y'a pas à dire je suis géniale (bien sûr, c'est de l'humour).
Encore et toujours, j'attends vos commentaires et je vous promets de ne pas être aussi longue la prochaine fois !
C'est même sûr car le prochain chapitre (le 10 ! Déjà !)m'intéresse au plus haut point ... Normal, un chapitre raconté par Tabatha ... C'est ce que je préfère !

 

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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 22:07

Désormais, vous trouverez un module "Annexes" à la droite du blog. J'y publierai des pages en rapport avec Chess, des détails que je ne peux pas caser dans le lexique. Cela peut être utile ou juste intéressant ^^
N'hésitez pas à y faire un tour !
PAR CONTRE, les pages ne peuvent pas être commentées (Dieu sait pourquoi Overblog a eu cette idée) donc si vous voulez me laissez vos avis, remarques, suggestions voir informations complémentaires il vous faudra laisser vos commentaires sur cet article.
Je viens de publier la première page, qui porte sur Denver, afin de mieux vous représenter l'environnement dans lequel évolue principalement les personnages principaux.
A vos claviers !

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Présentation

  • : Chess-Moonless Night
  • : Lilian Stevens, Morgan Jones et Jade Takano sont trois lycéennes américaines, se rendant au même lycée. Elles ne se connaissent pas, ou peu, mais vont être amenées à se rapprocher suite à l'arrive de la splendide et mystérieuse Tabatha Taylor ... Ce qu'elles ne savent pas encore, c'est qu'elles vont être emportées dans des aventures qu'elles n'avaient jamais imaginé ... Prêt à franchir le point de non-retour avec elle ?
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